« Comprendre » de Sonia Bester : un spectacle qui questionne la douleur

Théâtre. Sonia Bester a écrit et mis en scène « Comprendre », un spectacle présenté cet été dans le cadre du festival lyonnais des Nuits de Fourvière, qui part maintenant en tournée, avec plusieurs dates en région parisienne et à Privas. Un récit théâtral et musical sur le thème de la douleur physique, conçu à partir de l’expérience personnelle de l’autrice. Un projet au regard décalé qui est la signature de Sonia Bester, où se croisent le burlesque et le poétique, qu’on lui connaissait déjà comme productrice et directrice artistique dans le spectacle vivant.

« Comprendre » de Sonia Bester : un spectacle qui questionne la douleur physique

Sonia Bester est souvent associée à « Madamelune », qui est au départ une petite société de production qu’elle a fondée. Autrice et metteuse en scène, elle a d’abord été une directrice artistique et productrice. Elle a commencé par concevoir et produire des spectacles musicaux atypiques et décalés, en particulier au Printemps de Bourges où elle a été pendant plusieurs années directrice artistique et responsable des créations.

En 2014 elle crée un premier spectacle qu’elle a écrit et mis en scène. En 2017 elle transforme « Madamelune » en compagnie avec un statut associatif pour y défendre exclusivement ses propres spectacles. Sonia y est entourée d’artistes fidèles comme Olivier Mellano, JP Nataf, Rosemary Standley et bien sûr son frère, le musicien Simon Dalmais, et sa sœur, la chanteuse Camille qui tous deux ont composé la musique de « Comprendre ». Un récit qui vient après « Ah Félix !  » (n’est pas le bon titre) et « Ici-bas, Les Mélodies de Gabriel Fauré »,  spectacle musical avec l’ensemble BAUM, donné dans la Cour d’Honneur, en clôture du festival d’Avignon en 2018.

« Comprendre » parle de la douleur physique. Ce projet est-il né d’une expérience personnelle ?

Sonia Bester : C’est une expérience totalement autobiographique, que j’ai fictionnalisée. J’ai écrit ce texte et j’en ai fait une autofiction. L’épisode de douleur physique très fort dont je parle a duré deux ans. Dans le récit que j’ai adapté pour le théâtre, je dis que la douleur habite toujours mon corps, mais elle est devenue domptable. Elle est même totalement domptée. Avec le temps je vis maintenant une vie normale, mais la douleur est toujours présente sous la forme d’un fond douloureux. Ce qui m’a donné envie d’écrire sur cette thématique c’est que je me suis sentie très enfermée et très désespérée. Le travail d’écriture a eu un effet thérapeutique. Cette douleur s’est manifestée en 2012 après un accouchement traumatique. Je ne me suis pas arrêtée professionnellement pendant six mois seulement. J’étais donc une mère handicapée. Le spectacle raconte ce labyrinthe de rendez-vous pour comprendre ces douleurs neuropathiques monstrueuses qui n’ont rien de psychosomatiques car le signal nerveux de la douleur est incrusté dans le cerveau.

Que sont ces « lalà » de Camille, que vous avez introduits dans ce récit à la fois théâtral et musical ?

Sonia Bester : Camille était en train de mettre au point ce qu’elle appelle ses « lalà ». Ce sont des phrases que j’ai choisies et qu’elle harmonise et fait répéter en boucle. Cela devient alors une mélodie qui est très bien chantée par les comédiens. C’est extrêmement beau et souvent ludique. Quant à Simon Dalmais, il a composé toute la musique finale de la pièce. Dans mes spectacles la musique est toujours importante. Je suis ravie d’avoir pu travailler avec eux là dessus.

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Pouvez-vous nous parler de la lecture « Des mots sur les maux », présentée en première partie de « Comprendre » ?

Sonia Bester : C’est un travail que je mène en parallèle sur certains territoires comme Lyon, Valence, Les Lilas et à Privas en avril 2022. Je me rends dans des structures de santé ou des établissements pénitentiaires. J’y rencontre des gens puis j’écris de petits récits à partir de ce qu’ils m’ont racontés. Ces textes parlent de la douleur et des corps et de la souffrance morale qui peut en découler. Je demande ensuite aux patients ou aux soignants voire à des comédiens de venir les lire sur scène en première partie de « Comprendre ». A Lyon ce sont des soignants de l’hôpital des Massues qui sont venus le faire. C’était très beau et très émouvant.

Il y a des scènes parfois très drôles. Pensez-vous qu’on puisse rire de tout ?

Sonia Bester : Non je ne crois pas qu’on puisse rire de tout. Dans « Comprendre » on peut beaucoup rigoler car c’est un spectacle assez drôle. Dans le médical il y a de quoi pleurer mais il y a aussi parfois de quoi rire. Avec la douleur, comme dans tous les grands moments difficiles de l’existence, on est face à nous-mêmes et aux questions essentielles, comme la mort. Ce qui est dur c’est d’accepter cette douleur chronique qu’on peut ressentir comme une forme d’injustice, un sentiment que j’ai fortement ressenti. Mais mon univers comme mon écriture sont assez burlesques. Le thème de la pièce a donc amené des scènes drôles, comme dans les rencontres avec les médecins. La fin de la pièce est très métaphorique. On entre alors dans un moment un peu fantastique et décalé qui porte un message d’espoir. On se rend compte que les gens qui souffrent sont des gens courageux, qui se battent contre la douleur. Leurs expériences sont chaque fois très personnelles mais elles ont aussi une dimension universelle, dont j’ai voulu rendre compte dans ce spectacle.

Entretien réalisé par Yves Le Pape

• A voir : « Comprendre » et « Des mots sur les maux » de Sonia Bester: Prochaines représentations : 1er & 2 octobre 2021, Adagio, Thionville, 14 octobre
  Théâtre du Garde-Chasse, Les Lilas, 19 novembre, L’Ecam, Le Kremlin-Bicêtre, 8 avril 2022, Théâtre de Privas, Privas