Les BD du mois : « Marx, le retour », « Gossip Ladies » et « Dad » Tome 8

Sélection BD We Culte. Une des caractéristiques de la BD, c’est qu’elle offre des formats exceptionnels. Les auteurs peuvent dans la longueur construire un récit dense, détaillé mais garder un rythme plaisant pour nous faire voyager entre cases et mots. Voici nos trois coups de cœur du mois. « Marx, le Retour » de Howard Zinn et Iris Pouy, « Gossip Ladies » d’Hélène Bruller et Jean-Philippe Chabot et « DAD » Tome 8 de Nob. 

Les BD du mois : « Marx, le retour », « Gossip Ladies » et « Dad » Tome 8

MARX, LE RETOUR

Avec le temps qui se rafraichit, il est bon de pouvoir réchauffer ses neurones avec bulles et cases. En 1999 Howard Zinn écrivait une pièce en un acte qui sera jouée par de nombreuses troupes à travers le monde.

Les éditions Revival ont édité la transposition de ce texte en BD. C’est Iris Pouy qui a fait le dessin et l’adaptation. Cette auteure signe avec son deuxième album un bel ouvrage.

Le point de départ est simple : Que penserait Karl Marx de notre époque s’il débarquait à New York ?

Outre le côté amusant du décalage entre cet homme du XIXème siècle et la vie du XXIème, le propos interroge sur le fond mais aussi sur la forme de l’héritage de Marx.

Certes, les inégalités, les pouvoirs politiques et financiers aux mains de quelques-uns demeurent un trait d’union entre les deux temps. Mais le récit va au-delà. Il pose la question du regard d’une figure de l’histoire sur le devenir de ce qu’il a impulsé. Pour Karl Marx, on peut dire que ses idées ont autant été déformées par ses détracteurs que par ses partisans.

Au fil des pages Marx repose les bases de sa réflexion. Il y parle d’idées, d’idéaux et d’idéologie même. Mais pas seulement. En remontant dans ses souvenirs, l’auteur nous fait partager quelques moments d’intimités. Intimité conjugale avec Jenny qui va le soutenir dans tous ses combats. De très belles pages racontent les drames que la famille a dû surmonter. Et puis dans cette intimité, il y a aussi Lenchen. Elle est tour à tour servante, nourrice et peut être même autre chose pour Karl.

La vie londonienne de la famille Marx nous révèle quelques détails qui allègent et pimentent les réflexions sérieuses du penseur.

Graphiquement, le travail d’Iris Pouy est dynamique. Elle s’amuse des mises en page avec des utilisations libres des cases, de leur nombre et de leurs contours. La forme sert le propos. Des dessins en pleine page renforcent le côté solennel ou important des éléments narrés.

Le dessin est en nuances de gris qui sied parfaitement à l’époque victorienne ou parisienne. Il se durcit légèrement lorsque Marx déambule dans le New-York d’aujourd’hui.

Avec un épilogue qui nous décroche un dernier sourire, cette adaptation est très réjouissante. Elle est instructive, elle nous fait réfléchir et grâce au ton et au décalage de situation, elle réussit également à nous distraire.

• « Marx, le retour » de Howard Zinn et Iris Pouy 104 pages Ed Revival

LIRE AUSSI : Bande dessinée We Culte : nos quatre coups de cœur de la rentrée

GOSSIP LADIES

Kiki et Sosso sont deux vieilles dames au caractère bien trempé. Elles ont traversé suffisamment de galères pour savoir que la vie vaut le coup d’être vécue… sans retenue.

Alors les septuagénaires n’ont froid ni aux yeux, ni au reste d’ailleurs. Le fil rouge de l’album va être tenu par la supposée rupture de leur copain Nico qui vient pleurer sur l’épaule du quatrième larron de l’aventure Jipé. Le quatuor infernal va tout faire pour que Nico retrouve les bras de Coco.

C’est drôle, c’est trash, c’est coloré et pas seulement sur la gamme de couleurs. La gouaille et l’audace de Kiki et Sosso nous décrochent un sourire régulièrement au bord de l’indignation délicieuse.

C’est un album écrit par Hélène Bruller qui maitrise parfaitement les situations décalées et les moments de faux romantisme. Le dessin est réalisé par Jean-Philippe Chabot dans des couleurs vives et un trait dynamique. En fin d’album, on apprend que la ressemblance avec des personnes réelles pourrait exister et qu’elle ne serait pas forcément fortuite. Encore une audace des ces héroïnes aux cheveux blancs.

• « Gossip Ladies » d’Hélène Bruller et Jean-Philippe Chabot 128 pages Ed Marabulles

LIRE AUSSI : Interview. Jean-Marc Rochette, la bande dessinée au cœur de l’Oisans

« DAD » Tome 8

Cette série grand public des éditions Dupuis est un vrai bijou d’humour et de tendresse. Depuis le début de l’histoire nous connaissons Dad. Cet homme au physique rondouillard élève seul ses 4 filles. Les filles ont toutes des mamans différentes et ces mamans, pour des raisons différentes, ne peuvent s’occuper de leur fille.

La relation que Dad entretient avec Panda, Ondine, Bérénice et Roxane est d’une tendresse absolue. En prenant le contrepied des familles monoparentales habituelles, Nob, dessinateur et scénariste de la série, nous offre une ode à l’amour paternel dans un registre absolument émouvant.

Dad est un comédien qui n’a jamais rencontré le succès. Pourtant il essaie de décrocher des rôles, de proposer des spectacles. Pour faire manger sa petite famille il accepte des petits boulots alimentaires.

Ses filles ont toutes des caractères bien tranchés et bien opposés. Il y a la bosseuse, la futile, l’aventurière et la petite dernière encore bébé. Au fil de ces 8 volumes, les gags s’enchainent avec une fluidité déconcertante. En effet, l’histoire est continue, mais les séquences sont découpées par pages avec des chutes à chaque fois. Dans ce 8^ème volume, Dad voit ses filles ainées grandir et peut être envisager de quitter la maison. C’est avec la larme à l’œil que cet album d’humour fait mouche.

Graphiquement, Nob nous propose un trait coloré, réaliste dans une grande tradition de BD franco-belge d’humour bien dosé.

• « DAD » Tome 8 de Nob 48 pages Ed Dupuis

Sélection Christophe Ravet