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Colombo (Peter Falk) le flic le plus célèbre de la planète. Photo DR

Documentaire. De 1968 à 2003, pendant soixante-neuf épisodes, il a enfilé les habits d’un lieutenant de la brigade criminelle de Los Angeles, dans une des séries télé les plus regardées au monde. Mais, dans l’impeccable documentaire « Peter Falk versus Columbo », la question est posée : le personnage de ce flic a-t-il dévoré, vampirisé l’homme et l’acteur ?

« Columbo »le flic le plus célèbre de la planète, ce sont soixante-neuf épisodes diffusés à la télé, originellement sur dix saisons, entre le 26 février 1968 et le 30 janvier 2003 pour plus de deux milliards de téléspectateurs dans le monde

Colombo Peter FalkDans l’hiver berlinois, un homme passe. Un groupe de jeunes lance : « C’est pas Columbo ? –Non, je ne pense pas ». On est en 1987, et c’est une séquence forte du film de Wim Wenders, « Les Ailes du désir » (prix de la mise en scène au Festival de Cannes et césar du meilleur film étranger), et l’homme qui passe s’appelle Peter Falk, acteur américain né le 16 septembre 1927 à New York. Depuis 1968, Falk est Columbo, le lieutenant Columbo, cet anti-héros d’une série télé éponyme. Avec sa caméra aérienne et gracile, Wenders n’a pas proposé à Peter Falk de jouer un rôle mais d’être simplement lui-même- et d’expliquer :  » Je voulais une figure connue et il n’y a rien de plus connu qu’un acteur américain. Pour ce rôle de l’ancien ange, j’ai beaucoup cherché sans trouver parce que je voulais au début quelqu’un comme un écrivain, un musicien ou un peintre mais ça ne marchait pas car leurs visages n’étaient pas connus universellement. Lorsque je me suis résolu à prendre un acteur, Peter Falk s’est imposé à moi après que j’ai essayé un autre acteur avec qui ça a échoué. Je ne peux pas imaginer le film sans lui maintenant, car ce type, il est comme un ange… »

peter Falk avec Wim Wenders
Peter Falk avec le réalisateur Wim Wenders. DR

Dans la foulée, Peter Falk raconte son passage devant la caméra du réalisateur allemand : « J’aime fumer, dessiner, jurer d’une voix rocailleuse, on me dit que j’exagère mon accent juif new-yorkais, j’aime aussi me fondre dans le décor… Alors, est-ce que je suis meilleur acteur maintenant que je l’étais autrefois ? Quoi qu’on fasse, ils disent toujours que c’est formidable ». Et d’y aller un aveu : oui, il se cache derrière le lieutenant Columbo qui lui sert à merveille d’avatar avec ses faux airs dilettantes… D’ailleurs, la légende assure que les créateurs de la série, Richard Levinson et William Link, répétaient à l’un des scénaristes, Steve Bochko : « N’écris rien pour Peter, puisque Peter, c’est Columbo »… Columbo et sa réplique récurrente, au moment de quitter le lieu du méfait : « Juste une dernière chose… »

Dans « Peter Falk versus Columbo »parfait documentaire et formidable enquête de personnalité, les réalisateurs Gaëlle Royer et Pascal Cuissot montrent et démontrent, en moins d’une heure, que Peter Falk est, certes dans la mémoire collective, Columbo mais pas que… La question est posée : « Y a-t-il eu une vie pour Peter Falk en dehors de Columbo ? «  Oui, avant de se glisser dans l’imper fripé du lieutenant de la brigade criminelle de Los Angeles, avec cigarette (ou bout de cigare en fin de vie) au coin des lèvres, vieille Peugeot 403 cabrio en état incertain, Falk avait déjà quelques heures de tournage au compteur du cinéma.

Bien sûr, « Columbo »le flic le plus célèbre de la planète, ce sont soixante-neuf épisodes diffusés à la télé, originellement sur dix saisons, entre le 26 février 1968 et le 30 janvier 2003 pour plus de deux milliards de téléspectateurs dans le monde. C’est aussi un personnage qui a fait, un temps, de Peter Falk l’acteur le plus payé de Hollywood. Un acteur qui, à partir de 1989, exigeait 600 000 dollars (environ 550 000 euros) pour chaque épisode de la série, et qui confiait, à l’image de son personnage, être modeste, coriace et obsessionnel- ce qui l’a conduit à se satisfaire souvent de seconds rôles, qui ajoutait être heureux de la célébrité que lui a conféré le personnage du lieutenant même si ce fut au prix d’en faire oublier son véritable patronyme.

Peter Falk, c’est d’abord d’un garçon né dans le Bronx à New York, d’un père d’origine hongroise et d’une mère d’origine russe. A 3 ans, il est atteint d’une tumeur maligne (rétinoblastome), perd son œil droit et doit porter un œil de verre. Adolescent, il découvre le théâtre et, pour son premier rôle, interprète un détective. Pendant dix-huit mois, il est cuisinier dans la marine marchande, puis étudie les sciences politiques et l’administration publique avant d’échouer à l’examen d’entrée à la CIA.

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Peter Falk avec le comédien et réalisateur John Cassavetes

A 29 ans, il abandonne son travail, débute véritablement au théâtre à New York dans « Dom Juan », la pièce de Molière. L’année suivante, en 1957, il fait sa première apparition à la télé dans une série, et en 1960, il obtient son premier rôle principal au cinéma dans « Crime, société anonyme » de Stuart Rosenberg et est nommé aux Oscars dans la catégorie « meilleur acteur de second rôle ». Un an plus tard, il est à nouveau nommé dans la même catégorie des Oscars pour « Milliardaire pour un jour «  de Frank Capra. Et puis, il y aura en 1970 le film d’Helen May, « Mickey and Nicky »– Falk y joue avec John Cassavetes, ils s’étaient rencontrés en 1955. Le premier devient un des acteurs fétiches du second, figure incontournable du cinéma indépendant des années 1970. Ce sera « Husbands » (1970, avec également Ben Gazzara), « Une femme sous influence » (1974) et « Opening Night » (1977). Quand il meurt le 23 juin 2011, Peter Falk a participé depuis 1958 à 60 films, 19 films télé, 29 séries (dont « Columbo »)

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Peter Falk. DR

Dans les derniers mois de sa vie, souffrant de la maladie d’Alzheimer qui serait apparue peu après la fin de la série « Columbo » et de la dépression qu’elle avait provoquée, Peter Falk s’était pris de passion pour le dessin. Au crayon, au fusain, à la sanguine. Dans sa résidence de Beverly Hills, une journaliste vint le voir et lui demanda juste une dernière chose : « Êtes-vous un homme heureux ? ». Encore plus voûté qu’hier, la tête légèrement penchée sur le côté, il répondit alors, simplement : « Oui, je peux le dire. Et je le serai encore plus demain, si je fais un bon dessin »…

Texte Serge Bressan

  • A voir : « Peter Falk versus Columbo ». Arte, dimanche 17 mai, 22h50. Documentaire réalisé par Gaëlle Royer et Pascal Cuissot, avec la participation de Luc Pagès.

A voir également : sur TV Breizh, « Columbo », mardi 19 mai, 3 épisodes à partir de 20h50; sur TMC, « Columbo », série policière, samedi 23 mai, 2 épisodes à partir de 21h05.

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