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Christophe Airaud: " Un corps qui tombe et un peu de spiritualité, cela donne des formes extraordinaires". Photo Christophe. Airaud

Photo/Exposition. Après « Disparition(s), le photographe Christophe Airaud revient avec « Tombé du Ciel ». Une exposition qui met en lumière les jeux d’adolescents se jetant à l’eau depuis des ponts, dans des sauts chorégraphiques qui font d’eux d’étranges danseurs. Une série de 23 photographies en noir et blanc sur le thème des corps qui tombent, à découvrir à la Galerie Rastoll à Paris du 21 janvier au 27 février.

Christophe Airaud: « J’ai souvent photographié ces gamins qui sautent des ponts ou des falaises. Je me suis aperçu que lorsqu’on les immobilise dans leur saut, ils sont comme des danseurs… »

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Christophe Airaud. Photo Kéa Nop.

Journaliste, rédacteur en chef à Franceinfo Culture, Christophe Airaud se passionne depuis toujours pour la photographie. Presque un an après sa première exposition « Disparition(s) », le photographe revient à la Galerie Rastoll à Paris (75003) pour une nouvelle exposition joliment baptisée « Tombé du ciel », en référence à la chanson de Jacques Higelin. Si jusqu’ici ses photos représentaient des silhouettes floues et fantomatiques, cette fois, ses œuvres sont plus figuratives, avec un travail sur les corps plus prégnant. Comme ces images représentant des sauts d’adolescents se jetant à l’eau du haut du pont d’Hossegor (Landes). Des corps qui, pour Airaud ressemblent à « des anges déchus », métaphore poétique que l’affiche de l’expo met en lumière : « c’est l’idée d’Icare, le côté , je vais me casser la gueule et me brûler les ailes de cet adolescent qui prend des risques et veut attraper le ciel et le soleil » confie-t-il.

« Tombé du ciel » présente 23 photographies qui n’évoquent pas seulement des corps qui chutent, mais également la quête d’une trace sur la terre brulée, entre craquelures, cicatrices inscrites au cœur de la lave des Canaries et paysages urbains dénués de présence humaine, faisant écho au confinement. Des images qui signent son retour au noir et blanc après la série de photos en couleur pour son exposition « SOS » à Arles l’été dernier : « Le noir et blanc, c’est beaucoup plus narratif que la couleur. Il donne plus de liberté, de place à l’imaginaire du regardeur. Et c’est plus élégant » souligne Christophe Airaud. Une exposition à découvrir du 21 janvier au 27 février à la Galerie Rastoll, où l’on pourra rencontrer l’artiste lors de trois journées de vernissage les 21,22,23 janvier, de 13h00 à 17h30.

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Photo Christophe Airaud

Comment est née votre série de photos « Tombé du ciel » ?

Christophe Airaud : Chez moi, cela démarre toujours par une ou deux photos. J’ai souvent photographié ces gamins qui sautent des ponts ou des falaises. Je me suis aperçu que lorsqu’on les immobilise dans leur saut, ils sont comme des danseurs. Ce n’est pas de la photo documentaire sur ces jeux, mais en partant de ces clichés, cela a donné des silhouettes qui font penser à ces anges qui tomberaient du ciel. Cela me rappelle « Les ailes du désir » de Wim Wenders, comme si c’était des chutes d’anges. De là, avec François Rastoll, le directeur de la galerie qui est aussi photographe et peintre, on a associé une espèce de balade poétique et onirique en partant à la recherche de signes ou de traces représentés sur la terre brûlée, la lave. Il y a ce côté d’errance, de poésie, d’onirisme, de silhouettes qui passent…

Que cherchez-vous à travers ces clichés ?

Christophe Airaud : Je cherche sur cette terre ses cicatrices, ses brûlures, ses déchirures qui font écho à notre époque, où on ne peut pas dire que les choses se passent bien. Il y a un truc qui m’étonne dans cette série qui m’a dépassé, c’est le versant spirituel. Je suis athée, mais l’histoire des anges, comme on peut le voir au travers des peintures de Rubens ou de Brueghel, c’est fabuleux. Un corps qui tombe et un peu de spiritualité, cela donne des formes extraordinaires. Et puis, il y a la chanson d’Higelin « Tombé du ciel ». Quand on réécoute ses paroles, on voit le promeneur qui se balade dans la ville et cherche des traces : « C’est fou c’qu’on peut voir tomber/Quand on traîne sur le pavé les yeux en l’air/ la semelle battant la poussière/on voit tomber des balcons des mégots, des pots d’fleurs, des chanteurs de charme/des jeunes filles en larme/et des alpinistes amateurs ». C’est vraiment l’attitude du photographe dans la ville qui, nez en l’air, s’inspire de ce qui l’entoure.

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Christophe Airaud: « 

Quels lieux avez-vous photographié ?

Christophe Airaud : On est soit sur le pont d’Hossegor dans les Landes, soit aux Canaries. Je voulais photographier ces jeux d’ados, qui ne changent pas, où depuis des dizaines d’années en été, tous les après-midi, les garçons font les malins en sautant dans l’eau. Ça reste intemporel au moment où on croit que la modernité à tout envahi.

Lorsque vous êtes à l’étranger pour vos reportages, vous sentez-vous plus inspiré?

Christophe Airaud : Pas spécialement. Je m’aperçois surtout qu’il y a toujours une photo qui déclenche une envie de creuser une idée. Après, il y a un truc qui m’obsède, que mes photos se raccordent avec ce thème-là. Mais que ce soit à l’étranger ou à Paris, le désir est le même. Je shoote tout le temps, la photo c’est  une drogue dure ! (rires).

Comment définiriez-vous votre style ?

Christophe Airaud : C’est bizarre de dire ça, mais je dirais que c’est un peu de la photo poétique, avec un sens à la fois littéraire et cinématographique. Un cinéma des années 1980. Il n’y a pas de récit linéaire d’une histoire…en tout cas de manière consciente.

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Le chien d’Ariel. Photo Christophe Airaud

Ce sont aussi vos premières photos sur des corps…

Christophe Airaud : Je n’ai jamais vraiment fait de portraits. Je commence à m’y mettre parce que je trouve ça intéressant. Et je n’ai jamais travaillé ni sur la peau, si sur le corps. J’ai réalisé des photos durant le confinement parce que j’avais la chance de pouvoir sortir, qui soulignent l’absence de tout humain dans la ville. Cela résonnait également avec cette idée de « tombé du ciel », comme ce chien que j’ai photographié qui erre seul dans des décors abandonnés. Après le confinement, il va bien falloir qu’on s’intéresse un peu à l’humain et au corps. On ne peut pas vivre dans des villes vides tout le temps, chacun pour soi. Ce n’est pas conceptuel, mais je sens qu’il y a besoin de travailler autour de l’humain, moi qui jusqu’ici était obsédé par les déserts, les décors vides ou les friches industrielles. A un moment, il faut remettre de l’humain, sinon ça va être tragique.

Entretien réalisé par Victor Hache

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