francis bacon en toutes lettres
Three Portraits. Posthumous Portrait of George Dyer, Self-Portrait, Portrait of Lucian Freud, 1973 (left panel)

Le Centre Pompidou à Paris présente l’exposition « Bacon en toutes lettres » qui témoigne de l’influence de la littérature sur la peinture de cet artiste majeur du XXème siècle. Une superbe rétrospective qui met en lumière les œuvres des deux dernières décennies de la vie du peintre britannique Francis Bacon, pour mieux comprendre cet artiste mal connu, torturé, inclassable.

Plus Francis Bacon peignait ses têtes et ses corps, plus l’image et ses autoportraits ressemblant au fil des ans, atteignaient l’animalité

francis bacon autoportrait
Francis Bacon, autoportrait

Artiste majeur du XXème siècle, Francis Bacon, né en 1909 à Dublin (Irlande) d’un père militaire de carrière et d’une mère fille d’un commissaire de police, n’aimait pas son visage. Il n’aimait pas non plus son corps. Tous les corps. On a souvent comparé ses sujets peints à de la viande de boucherie, pendant à des crochets. C’était sa vision tourmentée de l’humain dont la peinture attire et dérange tout à la fois: « Quand je vais chez le boucher, disait-il, je trouve toujours surprenant de ne pas être là, à la place de la viande. » Ses modèles, masculins le plus souvent, sont placés sur un fauteuil, un canapé, un lit, il les observe et les copie. Chez Bacon, les corps soi-disant nus sont rarement totalement dévêtus. Un slip, un caleçon ou une cuisse dont la jambe est repliée sous les fesses, cachent le sexe. Les jambes sont souvent croisées, comme entortillées devant le bas-ventre.

Sa peinture autopsiait la figure humaine, comme si Francis Bacon cherchait sans cesse dans son modèle à extraire de lui la laideur pour atteindre la satisfaction, sorte d’extase qui ne vient jamais. Plus il peignait ses têtes et ses corps, plus l’image et ses autoportraits ressemblant au fil des ans, atteignaient l’animalité.

Dans la peinture de Francis Bacon il y a un avant et un après George Dyer, son compagnon, rencontré dans l’East End de Londres en 1964, qui se suicida à Paris en octobre 1971, quelques jours avant l’exposition que lui consacra le Grand Palais.

Quand il peint Dyer après la mort de ce dernier, son chagrin immense transparaît dans son travail. Il était son amant, son modèle. On le reconnaît pourtant dans chacun d’eux, distordu, le visage souvent de profil. Lointain puisque mort mais encore proche tant que Bacon a le désir de le peindre. Tant qu’il l’aime encore : « Plus on est obsédé par la vie, plus on est obsédé par la mort« , confiait-t-il.

francis bacon pape innocent 10Bacon et la religion

Il a disait que la religion ne l’intéressait pas, qu’il se sentait athée. Pourtant, pendant presque 30 ans, Bacon fut comme possédé par une toile de Vélasquez « Portrait du Pape innocent X » (1650) dont il réalise une douzaine de toiles. La « Crucifixion » de Cimabue (1273) qui est à la Santa Croce de Florence, lui inspira également deux études en 1962 ainsi que « Fragment d’une crucifixion« , qu’il fit en 1950. Avait-il peur déjà de la mort ? Les crucifixions sont le résultat visible du corps torturé, sanguinolent, qui nous force à méditer, mais chez Bacon, pas de pitié, simplement le constat. Sa peinture devance l’état du corps et sent la putréfaction. Après, tout est fini car ce qui le suivra durant toute sa vie c’est bien un vers d’Eschyle (d’après « l’Orestie »: « L’odeur du sang humain me sourit ».

francis bacon et lucian freud
Francis Bacon (à gauche) et Lucian Freud photographiés par Harry Diamond

L’école de Londres et Lucian Freud

Ils se sont rencontrés à Berlin en 1951, puis revus au Colony Room, chez Muriel Belcher, un pub très particulier de Soho. Bacon n’a presque rien gardé de l’expressionnisme allemand pendant son bref séjour à Berlin, ni du surréalisme découvert plus tard à Paris. C’est à Soho, qu’est née « l’École de Londres ». Lucian Freud fréquentait le Colony Room, comme d’autres artistes tels Graham Sutherland, peintre déjà reconnu, que Roy De Maistre, un ami de Bacon, lui présenta. Bacon et Freud sont tous deux différents, rivaux et amis, mais d’accord sur le principal. On peint d’abord et surtout ses proches. Bacon réalisera ainsi plus de 25 portraits de Freud. Lequel des deux a influencé l’autre ? Sans doute Lucian Freud s’est-il inspiré de lui pour peindre ses nus difformes après la mort de ce dernier…

francis bacon corridaIl a aimé l’Espagne de Vélasquez, de Goya (ses portraits classiques) et l’art de la tauromachie. En 1992, Bacon a 83 ans. Venu à Madrid pour l’organisation d’une exposition, il mourra à l’hôpital où il a été transporté, suite à une crise cardiaque.

Il n’y a pas d’École Francis Bacon, qui a laissé une œuvre exceptionnelle mais « incopiable ». Tous les peintres qui ont exercé leur art après lui n’ont pu ni l’imiter, ni le suivre. Un style unique et un artiste inclassable, que nous donne à voir en majesté la vaste rétrospective du Centre Pompidou.

TEXTE – Jane Hoffmann

affiche exposition bacon en toutes lettresL’exposition « Bacon en toutes lettres » au Centre Pompidou :

Les six salles de l’exposition « Bacon en toutes lettres » placent la littérature en leur cœur. De grandes voix lisent en français et en anglais des textes d’Eschyle, Nietzsche, Bataille, Leiris, Conrad et Eliot. Ces auteurs, qui ont tous inspiré à Bacon des œuvres et des motifs, partagent un univers poétique, forment comme une famille spirituelle dans laquelle s’est reconnu le peintre. Ils ont en commun la même vision réaliste, amoraliste du monde, une conception de l’art et de ses formes libérée des a priori de l’idéalisme. (*) Source Pompidou.

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