jean louis murat revient avec l'album il francese

Musique/Interview. Le chanteur auvergnat Jean-Louis Murat sort Il Francese. Un album inventif très groovy teinté d’audaces sonores où il continue de déconstruire le format chanson dans des ambiances de soul, électro ou hip-hop. Tout en convoquant la grande histoire : celle de l’Italie de Naples et de l’Amérique des grands espaces.


Jean-Louis Murat: « J’ai souvent eu ce projet-là de m’expatrier pour enregistrer des disques, sans avoir jamais pu trop le faire »


D’où vient l’idée de titrer en italien votre album «Il francese » ?

Jean-Louis Murat : Cela correspond à l’identité un peu italienne que je développe dans tout le disque. Je passe pas mal de temps en Italie. J’ai une imagination qui ne connait pas les frontières. Je reste dans la même chose, d’être de quelque part. J’ai fait plusieurs disques, comme Babel, qui sont  ancrés dans un rayon de 30 kilomètres autour de chez moi (en Auvergne). J’ai souvent eu ce projet-là de m’expatrier pour enregistrer des disques, sans avoir jamais pu trop le faire, car c’est souvent compliqué. Là, je suis resté dans un entre-deux…

Vous chantez Naples que vous aimez beaucoup. Pourriez-vous y vivre?

Jean-Louis Murat : Je me sens bien là-bas. J’étais à Florence  il y a peu de temps, mais non, c’est  Naples définitivement. Depuis 30 ans, j’y vais régulièrement. Il y a toute une littérature autour de Naples, Stendhal, Malaparte, qui m’a toujours intéressé. En plus, le Murat historique (Joachim Murat 1767-1815) est roi de Naples et y meurt. L’auberge était ouverte ! (rires). Je n’avais plus qu’à y entrer.

Déconstruire les formes musicales comme vous le faites, c’est une manière de retrouver du sang neuf?

Jean-Lous Murat : Oui, parce que c’est un tel piège. La chanson populaire, ce n’est même plus un travail d’architecte. Tout est tracé d’avance. On travaille sur des plans préexistants. On nous les brise menu continuellement  avec Brassens, Barbara ou machin. On ne sait plus où se mettre. On voit que l’opinion est rétrograde et qu’il faut absolument des formes, une opinion qui préconiserait la musique de l’écho et qu’il faudrait toujours entrer dans ces pas là. Et faire une espèce de chanson rassurante, qui raconte une histoire et que ce ne soit pas stressant. Cet effet de somnifère que doit avoir la chanson populaire ne m’a jamais plu.

Un besoin permanent de faire un pas de côté ?

Jean-Louis Murat : Une façon simple de trouver l’excitation. Il faut bouger et prendre des angles un peu inattendus, se surprendre soi-même. Et apprendre à penser contre soi. Il faut remettre à plat toutes ses pensées et ses méthodes chaque fois. Sinon, c’est l’endormissement assuré. Et encore, je trouve que je suis mou dans mes déterminations, je suis bien consensuel comme artiste. Mais le marché est tellement petit, que si en plus je n’étais pas consensuel – je l’ai vu amèrement sur mon disque Travaux  sur la  N 89 – ce serait Pôle emploi direct. Donc, je concilie les deux. C’est pour ça que ce n’est pas vraiment artistique ce que je fais. C’est une sorte de petit commerce à visée pseudo artistique. Ça reste de la chanson.

La chanson « Silvana », c’est un hommage à votre cinéphilie, dont vous dites qu’elle comprend plus de Vittorio de Sica que de Custer ou de Geronimo ?

Jean-Louis Murat : J’ai toujours été amoureux du cinéma italien. C’est la carrière de Silvana Mangano , ses premiers films de Vittorio de Sica jusqu’à Pasolini, Visconti. Il y a quelque chose de tragique dans son visage. Elle a un côté dernière femme, la dernière reine d’un monde qui lui a été donné par le cinéma, avec des rôles où le populaire peut être aristocratique. Quelle carrière admirable, quelle tenue tout du long !


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Cependant l’Amérique n’est jamais loin. Je pense à une chanson comme Marguerite de Valois où il est question de cow-boys et de peaux-rouges…

Jean-Louis Murat : Tout cela est bien sûr suggéré. Je ne me suis jamais senti autant indien, peau-rouge, que depuis quelques années. Comme si j’étais passé du camp des cow-boys à celui des indiens. Pour les enfants de ma génération, on a eu dans le biberon une culture de cow-boys, de Zorro, à Josh Randal, avec le héros sublimé. Je suis carrément passé de l’autre côté insensiblement, mais définitivement. Peut-être que j’ai vu d’un seul coup, se juxtaposer parfaitement l’image de Custer et de Trump. Je vois la même volonté de tout écrabouiller. Donc, on tue tous les bisons et on tue tous les indiens et on sera tranquille.  Il y a une espèce de volonté comme ça:on est bien chez nous. C’est devenu tellement catégorique les rapports que je comprends enfin ce que c’est qu’être totalement colonisés et qu’être réduits quasiment à rien.

Vous avez sorti une trentaine d’albums, accompagnés de la parution ces jours-ci de plusieurs vinyles. Vous êtes absolument prolifique !

Jean-Louis Murat : Trente albums en trente ans, ça me va. C’est la cadence que j’ai tenue tout le temps. Contrairement à ce que pensent certains artistes, ce n’est pas très compliqué de faire une chanson. C’est un métier de branleur.  Cela  ne demande pas des qualités extraordinaires. Après, il y a l’inspiration et voir si l’accumulation des chansons donne  un sens.

La musique, ça représente quoi ?

Jean-Louis Murat : Je crois que je peux remercier la musique de m’avoir donné une vie assez agréable. J’ai toujours en tête la phrase de Mitchum : « je tourne un film quand j’ai besoin de refaire la toiture ». J’ai toujours trouvé ça remarquable de justesse. La musique, c’est une façon de gagner sa croûte qui est sympa, une manière de vivre : pas d’horaire, pas de patron, pas d’ordre à donner ni à recevoir et être libre 24 heures sur 24.

Que prévoyez-vous pour votre retour sur scène ?

Jean-Louis Murat. Ce sera basse, batterie, guitare. J’ai l’intention d’être  très blues en étant assez assis. J’aimerais bien retrouver l’ambiance feutrée qu’il y avait quand j’ai vu pour la première fois John Lee Hooker sur scène. Je voudrais quelque chose de simple mais de très intense. Cela va me demander beaucoup en présence, en chant et en jeu de guitare. On verra bien ce qui se passe.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Album Il Francese / Label Pias.
  • Le Label Pias vient de sortir plusieurs disques vinyles de Jean-Louis Murat : Dolorès & Lilith, Le manteau de pluie, Le moujik et sa femme, Venus, Mustango

 

 

 

 

 

 

 

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