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Chloé Delaume a été couronnée du Prix Médicis 2020 pour son roman "Le cœur synthétique". © Getty / Eric Fougere / Corbis

Livre. Chloé Delaume publie « Le cœur synthétique » (Prix Médicis 2020), l’histoire d’un cœur qui bat, s’ouvre et se referme. Pas un cœur artificiel mais d’une matière modelée, au gré de ses battements qui oscillent entre tendresse, rage de vivre et désarroi. Une histoire contemporaine, histoire de filles, mais de garçons aussi, dont les cœurs ne résonnent pas toujours à l’unisson. L’ultramoderne solitude, que nul réseau social ne vient rassasier.  

Très moderne, joyeux, « Le cœur synthétique » de Chloé Delaume est porté par un écriture ciselée, qui donne aux mots leur éclats et aux formules la brillance du cristal, pur mais tranchant

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Chloé Delaume publie « Le cœur synthétique ». © Getty / Eric Fougere / Corbis

Adélaïde Berthel, est une femme ancrée, névrosée mais sans excès, quarantaine passée, sans enfant, attachée de presse dans une maison d’édition. Alors qu’elle croit conquérir sa liberté en quittant celui qu’elle n’aime plus, elle se confronte à la dure réalité des statistiques, plus de femmes seules que d’hommes, la concurrence n’est pas toujours à son avantage, surtout lorsqu’on est atteinte comme elle d’une « épousite » aiguë. Plus elle cherche, plus il se dérobe, l’homme qui révélera ce cœur.

Orpailleuse d’amour, elle ne remonte à la surface que des miettes du temps passé, de sa jeunesse révolue. Elle est triste mais jamais vaincue. Ce cœur est le héros du récit. Ce cœur qui broie du noir, pas assez de rose, s’enflamme ou s’affole et se dessèche ensuite d’avoir cru en des chimères. Pas un ne vient ou ne reste, ces hommes toujours présents, sonnent creux mais elle n’en devient pas misandre. Adélaïde a des atours et de la classe, son métier la passionne mais le statut de femme « libérée » est devenu répulsif.

Il y a bien la déesse Aphrodite, mais elle est inconstante, plus souvent aux abonnés absents quand la fraicheur de la jeunesse, même cultivée se fane; Cette déesse qui en faisant un effort pourrait changer la vie morne d’une célibataire enclavée dans un appartement aussi petit que son lit d’1 m 20.

Les amies remparts et les soirées festives font diversion mais la fête passée et le téléphone raccroché, notre héroïne se dissout dans le silence insupportable, à peine adoucit par les ronrons de Perdition, le chat, compagnon fidèle. Comme ses amies : Bérangère, Hermeline, Clothilde et Judith, généreuses, plus sûres en conseils qu’en mise en application, mais qui sont des étais pour ce cœur lorsqu’il est chahuté.

le coeur synthétique de chloé delaumeTrès moderne, joyeux, ce roman est porté par un écriture ciselée, qui donne aux mots leur éclats et aux formules la brillance du cristal, pur mais tranchant. Le livre est aussi une construction fine et aboutie, au fil des saisons, « le mois d’août grimpe par la fenêtre, septembre se cambre, l’automne s’entêtera à lui creuser des cernes », dont la bande-son se joue à chaque titre de chapitres, autant de clins d’œil entre les lignes: « Stewball », « J’ai demandé à la lune », « Partenaire particulier », « Comme d’habitude », « L’amour c’est comme une cigarette… »

Chloé Delaume est factieuse et joue de la figure de style avec efficacité, pour servir le texte. Elle sait jongler entre elles pour rendre les émotions avec une douce ironie et la tendresse que cette héroïne inspire invariablement. Cette tendresse aussi pour les femmes, toutes les femmes qui lui ressemblent, sœurs de cœur unies par cet intermezzo parfois dissonant de l’entre deux âges.

Véronique Sousset

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