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Mourad Merzouki, danseur, chorégraphe et créateur des festivals de hip-hop Karaval et kalypso. Photo Julie Cherki

Danse. Danseur, pionnier du hip-hop, Mourad Merzouki est devenu une figure incontournable du paysage chorégraphique français. Nous sommes allés à la rencontre du créateur de Karavel, dont la 14ème édition se déroule à partir du 1er octobre à Bron, près de Lyon et de Kalypso (4 novembre au 27 décembre dans 46 lieux d’Ile-de-France). Deux festivals qui comptent parmi les plus importants rendez-vous de la danse hip-hop dans le monde, par leur qualité et leur durée.

Mourad Merzouki est un des pionniers du hip-hop français qu’il a commencé à pratiquer à Saint-Priest dans la banlieue de Lyon. A Bron, à deux pas de là il dirige aujourd’hui Pôle en Scènes, un bel équipement culturel qui propose une programmation très éclectique associant théâtre, cirque et bien sûr de la danse avec la venue du grand chorégraphe José Montalvo. Merzouki lui-même est aujourd’hui une figure incontournable du paysage chorégraphique français. Folia, son dernier spectacle est une éblouissante association de musiques baroques, de tarentelles du sud de l’Italie et de danse contemporaine. Mais il n’a pas pour autant oublié ses racines. A Bron et à Créteil, dont il dirige le Centre Chorégraphique, il a créé Karavel et Kalypso, deux festivals qui sont sans doute le plus important rendez-vous de la danse hip-hop dans le monde par leur qualité et leur durée. Rencontre avec Mourad Merzouki qui nous parle de ses nombreux projets pour la saison 2020/2021.

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Mourad Merzouki. Photo Julie Cherki

Une question préalable : est-ce que les danseurs professionnels peuvent maintenant travailler malgré le Covid ?

Mourad Merzouki: On a eu très peur car jusqu’à la fin juin c’était totalement incertain. La question de la distanciation se posait : il ne faut pas de contact, un mètre de distance, le masque, le gel… Tout ça n’est pas possible pour nous. Comme les sportifs professionnels, on a maintenant le droit au contact et on est dispensé de ces règles qui sont à l’opposé de la danse et de la chorégraphie. Mais c’est bien sûr étrange et difficile de danser devant des salles masquées à moitié vide. Et on a hâte que tout ça ne soit plus qu’un mauvais souvenir.

Vous avez créé deux festivals, Karavel et Kalypso. Pourquoi ces deux événements ?

Mourad Mersouki: Karavel est né il y a 14 ans pour donner aux danseurs venant du hip-hop la possibilité de partager leurs chorégraphies avec le plus grand nombre car la danse connaît de grandes difficultés de diffusion. En 2007 Karavel durait le temps d’un week-end. Les compagnies ont été ensuite de plus en plus nombreuses à me solliciter pour pouvoir y présenter leur travail. Le festival a donc beaucoup grandi et accueille cette année 39 compagnies dans 24 lieux de la métropole lyonnaise. Aujourd’hui il y a un public pour cette danse et il y a des artistes qui sont forces de propositions et existent dans la paysage chorégraphique français.

Quand j’ai été nommé à la direction du Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne en 2009, j’ai voulu y faire le petit frère de Karavel et j’ai créé Kalypso. Karavel, Kalypso c’est la danse, le voyage. On en est à la 8ème édition de Kalypso. Je me suis rapproché des théâtres d’Ile-de-France et leur ai proposé de développer avec eux ce festival. Cette année nous accueillons 46 compagnies dans 27 lieux de toute l’Ile-de-France pour 70 représentations. Karavel et Kalypso sont devenus le rendez-vous de la danse hip-hop en France, un rendez-vous peut-être sans équivalent dans le monde par son importance et sa durée. C’est pour moi une grande fierté de pouvoir mettre en avant tous ces artistes et de faire communiquer ces deux territoires, l’Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes et d’y inviter des compagnies étrangères, quand les conditions sanitaires le permettront.

A la Maison de la Danse de Lyon vous présentez Danser Casa avec votre ami Kader Attou. Vous vous connaissez depuis longtemps ?

Mourad Merzouki: Ce spectacle tourne maintenant depuis 2 ans. J’ai souhaité imaginer un spectacle avec des danseurs étrangers. Je l’ai fait en Inde et au Brésil. Celui-là a été créé avec des marocains et coécrit avec Kader Attou. Il sera en tournée dans toute la France après son passage à Lyon.

Avec Kader nous avions créé la compagnie Accrorap en 1989. Je les ai quittés en 1995 pour créer Kefig. On s’était déjà retrouvé en 2013 pour un spectacle avec des danseurs algériens. C’est donc en 2018 qu’on a créé Danser Casa. Mon écriture comme celle de Kader nous conduit à faire de la danse avec des danseurs qui viennent du hip-hop mais aussi des danseurs contemporains ou des danseurs classiques. Ce qui me plaît c’est de faire dialoguer tous ces mondes, toutes ces énergies.

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Folia, le dernier spectacle de Mourad Merzouki est une éblouissante association de musiques baroques, de tarentelles du sud de l’Italie et de danse contemporaine. Julie Cherki

Pour Danser Casa, ce sont des danseurs qui viennent du hip-hop. On va en retrouver l’énergie, par moment la musique, mais il y a aussi de la musique poétique et une écriture plus contemporaine. C’est passionnant d’emmener cette danse qui vient de la rue sur les scènes des salles de spectacles. Pour surprendre le spectateur on doit prendre des risques et changer notre façon de faire.

C’est une sorte de conte de fée que nous avons vécu Kader et moi. On s’est rencontré dans une école d’arts martiaux à l’âge de sept ans en grandissant dans les mêmes quartiers de Saint-Priest à côté de Lyon. On a fait du karaté et de la boxe ensemble. On est passé ensuite au cirque et on a créé Accrorap, notre groupe, au moment où le hip-hop arrive en France. On y mélangeait le cirque, les arts martiaux et le hip-hop. C’est ce qui a fait notre singularité et nous a permis d’être repéré par des personnalités comme Guy Darmet, alors directeur de la Maison de la Danse de Lyon. Notre démarche touchait un public large et pas seulement les gamins des quartiers. Kader dirige aujourd’hui le Centre Chorégraphique National de La Rochelle / Poitou-Charentes alors que je dirige celui de Créteil.

Au programme de la saison 2020/21 vous avez une création pour le Vendée Globe. De quoi s’agit-il ?

Mourad Merzouki: A l’origine le Vendée Globe m’avait sollicité pour une création à présenter à l’occasion du départ des voiliers en novembre. A cause de la crise sanitaire le spectacle a été reporté au moment de la remise des médailles à l’arrivée des skippers en mars 2021. C’est un spectacle pour 10 danseurs qui va s’inspirer de cette compétition. Je vais imaginer une chorégraphie autour du vent qui va être l’élément central du spectacle. Mon partenaire dans cette aventure est Mickaël Le Mer, un enfant du pays qui a grandi en Vendée. C’est un chorégraphe de hip-hop qu’il n’hésite pas à bousculer dans ses propres spectacles comme nous le faisons, Kader Attou et moi-même.

affiche festival karavel 2020Où en sont les tournées de vos différents spectacle ?

Mourad Merzouki: Les tournées viennent de reprendre. Il y a au total cinq spectacles qui tournent en France et à l’étranger : Pixel, Vertical, Danser Casa, Boxe Boxe Brasil et Folia. Beaucoup de représentations ont été annulées depuis le mois de mars mais c’est en tout une cinquantaine de danseurs et une quarantaine de techniciens qui sont maintenant sur les routes. Pour Folia nous avons un grand rendez-vous à Créteil en novembre pour une série de représentations.

Quel programme chargé vous avez !

Mourad Merzouki: Quand j’ai commencé à danser on était pas forcément accepté. On nous mettait souvent la casquette « jeunes de banlieues » issus de l’immigration. J’ai commencé à travailler dans le hall de mon immeuble. On part donc de tellement loin qu’aujourd’hui, maintenant que nous pouvons partager nos spectacles avec le plus grand nombre, on devient des boulimiques et on accepte toutes les propositions de peur que ça s’arrête. Aznavour le disait déjà : « à chaque fois que je me lève le matin j’ai l’impression que ça va s’arrêter ».

affiche festival kalypso 2020Vous allez participer une nouvelle fois au grand défilé de la Biennale de la danse 2020 repoussé au printemps prochain ?

Mourad Merzouki: Nous sommes dans une grande incertitude sur le plan des politiques de soutien à la culture mais, oui, bien sûr, on va y participer. Je vais continuer à conduire cette aventure incroyable qui rassemble 500 personnes pour le seul groupe de Bron. Il y a des jeunes, des moins jeunes tous issus de classes sociales différentes. C’est un moment qui est d’une telle puissance pour Lyon, un moment fort de reconnaissance et de fierté, de joie, de rire  pour les habitants de la métropole qui sont tellement nombreux à assister à ce défilé. Le thème de l’ensemble du défilé de la Biennale est Africa et nous avons choisi pour notre groupe le Game Boots, une danse minière d’Afrique du Sud, dynamique et généreuse.

Entretien réalisé par Yves Le Pape

  • 14ème édition du festival Karavel du 1er au 25 octobre au Pôle en Scène, Bron (69500) près de Lyon.
  • 8ème édition du festival Kalypso du 4 novembre au 27 décembre dans 46 lieux d’Ile-de-France

 

 

 

 

 

 

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