vanessa springora
"Le consentement" de Vanessa Springora : notre coup de cœur de 2020. © JF Paga/Grasset

Livres. Avant la rentrée littéraire d’hiver programmée pour le 7 janvier 2021, un ultime coup d’œil dans le rétro pour se rappeler les temps forts de l’année qui tire à sa fin. L’occasion pour WE CULTE de présenter sa sélection des dix meilleurs romans et récits français parus en 2020. Mention spéciale pour « Le consentement » de Vanessa Springora, notre coup de cœur.

d'un cheval l'autre bartabas« D’un cheval l’autre » de Bartabas

Créateur du Théâtre Zingaro (tzigane, en italien), Bartabas est enfin passé à l’écriture, c’est « D’un cheval l’autre », magnifique texte empli de passion et de poésie, hymne à la beauté de l’équidé, chant d’amour et d’amitié avec l’animal… En dédicace du livre, Bartabas évoque des « premiers pas dans l’écriture de l’âme ». Il raconte l’aventure théâtrale qui l’a mené du fort d’Aubervilliers, proche banlieue nord de Paris à plusieurs tours du monde. Il raconte sans jamais vraiment se raconter. Au hasard des pages et dans de rares interviews radio-télé, il admet que, oui, « de Zingaro, je suis l’âme ». Il n’en dit pas plus… Il a écrit. Dans la caravane des nuits de Bartabas, de A à Z, il y a les chevaux, d’Akim à Zurbaran, d’Angelo à Zingaro… La journée s’achève, la nuit se pointe.

  • « D’un cheval l’autre » de Bartabas. Gallimard, 320 pages, 20 €.

Héritage de Miguel Bonnefoy« Héritage » de Miguel Bonnefoy

On nous avait promis une fresque familiale. « Héritage »– le 3ème roman de Miguel Bonnefoy, c’est bien mieux et encore plus que cela. L’auteur, 33 ans, père chilien et mère vénézuélienne, nous a offert tout simplement un enchantement littéraire. L’histoire est simple, elle commence au 19ème siècle avec Lazare Lonsonier, viticulteur dans le Jura ruiné par la crise du phylloxéra. Il a migré- il voulait les Etats-Unis, il s’est retrouvé au Chili. Avec lui, début d’une saga- que Miguel Bonnefoy va réussir le tour de force à resserrer en 206 pages ! Ainsi, on va cheminer avec la fille de Lazare, pionnière de l’aviation, et aussi le fils de celle-ci, Ilario Da, révolutionnaire qui sera torturé dans les prisons de la dictature chilienne. Le grand roman de l’amour et de la transmission.

  • « Héritage » de Miguel Bonnefoy. Rivages, 256 pages, 19,50 €.

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 "Le bonheur, sa dent douce à la mort" de Barbara Cassin « Le bonheur, sa dent douce à la mort » de Barbara Cassin

D’abord, le titre- emprunté à Rimbaud : « Le bonheur, sa dent douce à la mort ». Puis le sous-titre : « Autobiographie philosophique », et la confidence de l’auteure Barbara Cassin, philosophe et philologue, académicienne française depuis 2019 : même s’il n’en a pas la forme, ce livre est un dialogue avec Victor, l’un de ses deux fils. Sa force ? Ce n’est pas une autobiographie ni un livre de philosophie… Helléniste, Barbara Cassin n’a jamais emprunté les chemins de la bien-pensance. Ses compagnons de réflexion ont toujours été les présocratiques, grands ennemis de Platon. Au fil des pages, il y a la famille, les penseurs (Derrida et Heidegger), les poètes (Deguy et Char) et une foule de questions sur les mots, la langue ou encore l’amour. Un livre aussi pétillant qu’enthousiasmant.

  • « Le bonheur, sa dent douce à la mort » de Barbara Cassin. Fayard, 252 pages, 20 €.

Trencadis de caroline deyns« Trencadis » de Caroline Deyns

Biographie linéaire ? Biographie romancée ? Essai ou encore tant d’autres manières classiques d’appréhender une femme et une artiste comme Niki de Saint Phalle (Catherine Marie-Agnès de Saint Phalle, 1930- 2002), Caroline Deyns a choisi. A la façon du trencadis, ce mot catalan pour une mosaïque d’éclats de céramique et de verre. « Trencadis », c’est un texte éclaté, différentes formes narratives- en ouverture, des enfants d’une classe maternelle sont confrontés à une œuvre de l’artiste des « Nanas ». Ensuite, s’enchaînent des témoignages, des commentaires d’un psychiatre, des faits historiques, des citations… Des fragments plus ou moins longs (parfois, une seule phrase au milieu de la page blanche) pour une vie, un destin de mille et mille éclats. Une vie, bien plus qu’un roman.

Vie de gerard fulmard de jean echenoz« Vie de Gérard Fulmard » de Jean Echenoz

Pour son 18ème roman, en impeccable ingénieur des lettres, Jean Echenoz s’est intéressé à un loser, anti-héros qui est, en fait, un héros contemporain. C’est « Vie de Gérard Fulmard », un texte sur un type ordinaire… Le style « echenozien » est là, à toutes les pages avec ce Gérard Fulmard, né en 1974, 1m68 pour 89 kg. Il a été viré de son job de steward (on ne saura pas pourquoi), il se retrouve détective pour une histoire de disparition d’une femme qui se trouve être la compagne d’un des dirigeants d’un petit parti politique (à peine 2% selon les sondages). Fulmard se retrouve embringué dans une drôle d’histoire, lui qui ne sait rien faire et qui habite dans un deux-pièces d’une rue parisienne où, dans le passé, un chanteur s’était défenestré et où un étudiant japonais avait cannibalisé sa petite amie…

  • « Vie de Gérard Fulmard » de Jean Echenoz. Editions de Minuit, 240 pages, 18,50 €.

une farouche liberté gisele halimi« Une farouche liberté » de Gisèle Halimi

Une voix. Unique parce que libre. La voix d’une femme avocate, militante anticolonialiste, signataire dans les premières années 1970 du « Manifeste des 343 » pour l’avortement, une des figures françaises essentielles du féminisme… Avant de partir à jamais le 28 juillet dernier à 93 ans, Gisèle Halimi avait écrit « Une farouche liberté », en collaboration avec la journaliste Annick Cojean. Un livre bref, à peine plus de 150 pages, une introduction, six chapitres (« La blessure de l’injustice »« Ma liberté pour servir celles des autres », « Le viol, acte de fascisme ordinaire », « Choisir… la sororité », « Une féministe en politique », « Avocate pour toujours » ) et une conclusion pour passer le flambeau. « Une farouche liberté », le testament d’une femme au plus profond d’elle-même féministe. »

  • « Une farouche liberté » de Gisèle Halimi. Grasset, 160 pages, 14,90 €.

 chanson bretonne jmg le clézio« Chanson bretonne » de J.-M.G. Le Clézio

Prix Nobel de littérature 2008, JMG Le Clézio confiait : « Je déteste la guerre, car j’ai subi la faim, la peur, le vide ». Avec « Chanson bretonne » suivi de « L’Enfant et la guerre », il (se) raconte à 80 ans. Deux contes pour la Bretagne de son adolescence, et puis retour en arrière, Nice et l’arrière-pays dans les temps de la Deuxième guerre mondiale. L’écriture est enchanteresse, emplie d’émotion, avec à peine une point de nostalgie. En quelque sorte, un livre bref pour la pièce manquante à son œuvre colossale lancée en 1963 avec  » Le Procès-verbal ». Et aussi une réflexion sur « comment devenir un homme en échappant à la violence des hommes ». Evoquant ces deux contes, l’auteur parle d’une « introspection à rebours »… et glisse : « Peut-être vais-je m’arrêter là. Ai-je tout dit ? »

  • « Chanson bretonne » de J.-M.G. Le Clézio. Gallimard, 160 pages, 16,50 €.

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rumeurs d’amérique alain mabanckou« Rumeurs d’Amérique » d’Alain Mabanckou

Romancier, poète, professeur (au Collège de France à Paris et à l’UCLA à Los Angeles) et membre de la SAPE (Société des Ambianceurs et Personnes Elégantes), Alain Mabanckou vit une partie de l’année outre-Atlantique. Ce qui lui a inspiré « Rumeurs d’Amérique », un livre dans lequel il évoque son « Amérique entre imaginaire et réel », racontée par le professeur, le père, le rêveur, le citoyen engagé qu’est Alain Mabanckou, romancier à l’écoute d’un pays, d’un monde en mouvement(s). Mabanckou, l’homme qui écoute et rapporte les rumeurs qui s’élèvent d’un pays, d’un monde dont, au fil des pages, il célèbre « l’immense et le minuscule » et on se promène dans une « autobiographie américaine, entre les rebondissements de l’insolite, la digression de l’anecdote et les mirages de l’imaginaire ».

  • « Rumeurs d’Amérique » d’Alain Mabanckou. Plon, 256 pages, 19 €.

 dictionnaire amoureux de l’inutile de françois et valentin morel« Dictionnaire amoureux de l’inutile » de François et Valentin Morel

On ne le dira jamais assez : dans la vie, il y a le futile, le nécessaire et aussi… l’inutile. Ce qui vaut bien un « Dictionnaire amoureux de l’inutile », ce que n’ont pas manqué de rédiger les Morel père et fils, François et Valentin. Avec les Morel, on ouvre donc le  » dictionnaire amoureux » à la lettre A comme Académie française- précision : « Rassurez-vous. On ne va pas commencer par une entrée trop à charge et tellement attendue contre l’Académie française… », et on ferme à la lettre Z comme Zou : « Il y a un moment, il faut bien arriver à transcrire la dernière entrée du dictionnaire. L’inutile, c’est l’infini ». Au fil des quelque 520 pages, les Morel père et fils, le François et le Valentin se sont allègrement amusés, eux pour qui l’inutile est essentiel et indispensable !

  • « Dictionnaire amoureux de l’inutile » de François et Valentin Morel. Plon, 544 p, 25 €.

NOTRE COUP DE COEUR DE 2020

le consentement vanessa springora« Le consentement » de Vanessa Springora

Un témoignage cinglant, froid et implacable pour une plongée dans le monde de la pédophilie. L’auteure avoue qu’il lui a fallu pas moins de trente ans pour enfin écrire « Le consentement ». Une histoire qui donne le vertige. Son histoire avec un homme, la cinquantaine, alors qu’elle avait tout juste 13 ans. Lors d’un dîner avec sa mère attachée de presse, l’homme ne l’a pas quittée des yeux. Il est G. ou encore G.M.- comme Gabriel Matzneff, écrivain qui, dans les années 1980, a connu un succès critique et jamais caché ses amours avec de très jeunes filles et garçons. Pendant deux ans, l’auteure et G. vivront une histoire- d’amour. A la sortie de cette histoire, Vanessa Springora plongera. Se sentira même coupable, persuadée qu’elle a été consentante. Un livre aussi implacable qu’indispensable.

  • « Le consentement » de Vanessa Springora. Grasset, 216 pages, 18 €.
Serge Bressan

 

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