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Fanny Ardant sera sur la scène du Théâtre Anne de Bretagne le 7 octobre, où elle jouera le texte de Marguerite Duras Hiroshima mon amour.

Spectacle. C’est une icône du théâtre et du cinéma que va recevoir le Théâtre Anne de Bretagne à Vannes. L’actrice Fanny Ardant y jouera dimanche 7 octobre le célèbre texte de Marguerite Duras Hiroshima mon amour, dans une mise en scène de Bertrand Marcos. Rencontre avec une artiste à jamais amoureuse des mots et de la littérature.


Fanny Ardant: « Je crois que Marguerite Duras est l’auteur que j’ai le plus joué sur scène »


fanny ardant texte hioshima mon amourVous serez sur la scène du Théâtre Anne de Bretagne à Vannes le 7 octobre où vous jouerez Hiroshima mon amour, de Marguerite Duras. Comment est née l’idée de vous lancer dans ce projet ?

Fanny Ardant : C’est le metteur en scène, Bertrand Marcos, avec qui j’avais déjà joué l’Eté 80 au Théâtre de l’Atelier, à Paris, qui m’a proposé de jouer Hiroshima mon amour, une adaptation théâtrale du texte qui avait été écrit pour le film d’Alain Resnais. J’ai dit oui, parce que je trouve ce texte de Marguerite Duras est magnifique et ce qu’il dit me plait incroyablement.

Doit-on parler d’un monologue, d’une lecture ?

Fanny Ardant : Je joue et suis seule en scène. Aujourd’hui, c’est très à la mode de faire des lectures. Je suis contre les lectures. Tout le monde est capable de lire tout seul le soir dans son lit. On n’a pas besoin de faire des lectures. Là, c’est un spectacle qui dure une heure. Ce texte est lancé, joué, interprété.

Avez-vous encore en mémoire le rôle d’Emmanuelle Riva, l’actrice principale du film d’Alain Resnais ?

Fanny Ardant : Oui, je me souviens très bien du rôle d’Emmanuelle Riva et je me souviens de l’accent du Japonais. Je vu le film très jeune et il m’avait beaucoup frappée. Je me rappelle de l’ouverture. Je me souviens presque de tout. Vous savez, quand vous allez rarement au cinéma, les premières visions d’un film restent indélébiles.

marguerite duras portrait

Ce n’est pas la première fois que vous jouez Marguerite Duras. Vous semblez aimer son œuvre particulièrement, la musicalité de sa langue…

Fanny Ardant : J’aime sa langue, son univers. J’aime son audace, sa pensée libre. Je crois que c’est l’auteur que j’ai le plus joué sur scène. Souvent quand on me dit « qu’est-ce que tu voudrais jouer ? », je réfléchis et dis « je vous rappellerai demain ». Et le lendemain je réponds «pourquoi pas Marguerite Duras ? » (rires).


A travers le texte Hiroshima mon amour, Fanny Ardant a voulu mettre en avant « le devoir de mémoire, le devoir d’être très attentifs pour ne pas que les choses recommencent »


couverture du livre hiroshima mon amourQuelle lecture faites-vous de Hiroshima mon amour, un texte qui parle de mémoire, d’amour, de liberté, très politique aussi. Qu’est-ce qui vous paraît important de mettre en avant?

Fanny Ardant : Le devoir de mémoire, le devoir d’être très attentifs pour ne pas que les choses recommencent. Le 20ème siècle a été marqué par cette exaction-là. Ce que je trouve très intéressant, très fort c’est que Marguerite Duras commence son texte par des gens qui sont dans un musée et restent pensifs. Pour elle, toutes les occasions de rendre les gens pensifs sont excellentes. Souvent, on les empêche de penser. On brouille, on raconte des bobards. Elle rend à l’être humain sa grandeur, c’est-à-dire à chacun de réfléchir, de prendre sa responsabilité. Comme elle est de nature romanesque, elle en profite aussi pour parler du personnage féminin qui dit avoir oublié cette histoire d’amour qui l’a incendiée, avec ce jeune soldat Allemand, durant la seconde guerre mondiale (tué le jour de la Libération de Nevers NDLR). Elle se dresse contre une société qui juge. Marguerite Duras est d’une grande actualité aujourd’hui où l’on jette des anathèmes sur les gens. On montre du doigt, on détruit la réputation de quelqu’un avant même que la justice ait été rendue. Elle n’a pas peur. Il faut penser tout seul et ne pas penser en groupe.


Fanny Ardant: « Je trouve que la littérature, la grande littérature est révolutionnaire »


On a l’impression quand on vous entend lire de manière aussi profonde et charnelle, que la langue des mots est une source inépuisable d’émotion, que vous aimez y plonger pour y déceler une lumière…. Pourriez-vous vous passer de littérature ?

Fanny Ardant : Non. Je trouve que la littérature, la grande littérature est révolutionnaire. Elle est vraie, elle vous aide à vivre. Quand on va dans une bibliothèque, tout d’un coup, je ne sais pas pourquoi, à cause du verbe, de la forme et du fond, on ne se sent plus tout seul. Il y a des livres qui racontent juste une histoire. Et il y a une littérature qui vous fait progresser dans votre réflexion, dans la vie. Je dis souvent que Marguerite Duras a été un des plus grands écrivains du 20ème siècle. Quand vous avez découvert Proust, Balzac ou Dostoïevski, c’est comme si la vie avait une intensité. Les mots, la forme, l’intrigue, les personnages…c’est beaucoup plus fort qu’un éditorial dans un journal, le discours d’un curé dans sa chaire.

On imagine que quand vous êtes en tournage, vous emportez une valise de livres !

Fanny  Ardant : Oui, parce que je ne me suis pas mise aux livres qu’on peut lire sur un ordinateur (rires). Cet été, j’ai relu dans La Pléiade, Balzac que j’avais lu quand j’étais trop jeune. J’ai relu Les Illusions perdues. C’est incroyable tout ce qu’il raconte sur les journalistes, sur la politique ou sur la littérature. Comment il y a des écrivains qui sont encensés par la critique parce que c’est comme un jeu de dupes, derrière. C’est très moderne Balzac, même si on râlait quand on nous le faisait lire à l’école.


Fanny Ardant: « J’ai ce rapport bizarre avec le théâtre, un amour-haine »


fanny ardant sur scène
Vous serez seule sur scène. N’est-ce pas un exercice un peu fou que d’être là, à nu, devant le public ?

Fanny Ardant : C’est exactement ça : être seule et à nu. Et tant pis, à la grâce de Dieu ! J’ai ce rapport bizarre avec le théâtre, un amour-haine. Quand j’aime un texte, bien sûr il y a une sorte de vertige. Mais en même temps, c’est comme si je venais en mon nom personnel dire des choses. Vous voyez le pari de rentrer dans un trou noir avec un public qu’on ne voit pas mais qui vous écoute ! Sinon, ce n’est pas la peine de venir. Il ne faut jamais prendre un public en otage. C’est une tension. Je pense que la densité du texte ne doit  pas dépasser une heure.

Au cinéma, la pellicule garde en mémoire le jeu des acteurs, tout le contraire du théâtre qui est un art de l’éphémère. Comment vivez-vous le fait que rien ne reste après une représentation théâtrale ?

Fanny Ardant : C’est une des choses du théâtre que j’aime le plus. Ça été fait, ça été dit et demain ce ne sera jamais plus pareil. J’aime l’idée de l’éphémère. Aujourd’hui, il faut toujours des captations, des photos, des petits films. Il y a un vers de Marina Tsvetaeva, une poétesse russe qui dit : « la plus belle victoire sur le temps et la pesanteur, c’est peut-être de passer sans laisser de trace ». Cela me plait le geste gratuit. J’ai souvent entendu des gens me parler d’une représentation ou d’un opéra. En les écoutant, j’étais tellement passionnée par ce qu’ils avaient vécu, que curieusement, c’était comme si j’avais vu le spectacle, que la transmission c’était la responsabilité du spectateur.

Fanny Ardant: « Je préfère lire un livre qui me fait pleurer qu’un livre qui me faire rire »

Il y a une dualité en vous, entre l’actrice qui peut tout jouer, les drames comme les comédies. Dans quel registre vous sentez-vous le plus à l’aise ?

Fanny Ardant : Le pessimisme ! (rire). Ce qui ne signifie pas que je sois négative. J’aime les comédies quand le personnage est grave. Un peu comme dans Feydeau. Je ne suis pas une rigolote. J’aime ce qui est sombre, c’est vrai. Je préfère lire un livre qui me fait pleurer qu’un livre qui me faire rire. Je n’apprécie pas le grotesque, ni la comédie pour la comédie. En même temps, j’aime sourire parce que je me moque de moi-même. Je ris dans la vie beaucoup plus qu’au cinéma ou au théâtre. C’est pour ça que je trouve que tant qu’on pourra rire, se moquer ou ne pas se prendre au sérieux, c’est essentiel. Il y a quelque chose dans le rire qui nous sauve.

fanny ardant texte hioshima mon amourVous menez une carrière magnifique depuis vos débuts. Sauriez-vous dire ce que le cinéma et le théâtre vous ont apporté ?

Fanny Ardant : Une sorte d’intensification de l’existence. Quand la vie m’abandonnait ou quand j’avais du chagrin, je pouvais en deux ou trois mois de tournage, vivre des choses intensément. Cela me donnait la sensation de ne pas m’arrêter à moi, Fanny, qui avait vécu tel ou tel moment. Cela m’a sauvée. Vous savez, le théâtre et le cinéma, c’est comme un artisanat. Vous devez vous lever de bonne heure le matin, savoir vos lignes. Cela vous structure. Parce que dans ma folie personnelle, j’aurais pu aller vers de grandes dérives. Dans ce métier, comme quand on est ébéniste ou marbrier, il faut une discipline. Et cette discipline, je m’y suis conformée parce que je savais que cela me sauverait.

Entretien réalisé par Victor Hache

 

 

 

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