Voix rauque, chaude et sexy, Arthur H sort Amour chien fou. Un double album voyageur où se croisent mille sensations musicales, entre ballades amoureuses et ambiances dansantes afro-disco-punk. L’œuvre d’un artiste de plus en plus libre.
Vous avez composé et enregistré votre nouvel album à la Maison de la poésie à Paris. Un lieu que vous aimez particulièrement?
Arthur H : On y a passé un mois d’enregistrement cet été. C’était magnifique. On a mis tous les instruments sur le plateau. J’ai ramené mes masques de Bali et du Mexique. Il y avait une espèce de capharnaüm d’instruments, de claviers, de batteries, d’amplis … J’ai chanté pour ce public invisible, de fantômes et d’esprits en imaginant des gens que j’aimais. Et du coup, j’avais un petit peu de la magie de la scène.
Qu’entendez-vous par ce titre énigmatique Amour chien fou ?
Arthur H : Il y a quelque chose de pathétique dans cette image et en même temps une forme d’enthousiasme absolu. Dans chien fou, je trouve qu’il y a une notion de joie pure et de liberté. C’est stimulant de voir un chien méga heureux! (rires). Pour moi, ce titre exprime un truc pas du tout mental, une forme de spontanéité, de non contrôle. L’amour à un certain moment devrait permettre ce genre d’état où on s’autorise à se lâcher, à être aussi heureux qu’un idiot de chien et être heureux d’être idiot !(rires).
Mexique, Bali, Japon…le fil conducteur de ce double disque c’est le voyage ?
Arthur H : Avec Léonore Mercier, ma compagne qui a énormément participé à ce disque, on avait comme rêve d’aller écouter la musique des balinais. Un rêve qu’on pensait impossible à atteindre. A un moment, j’ai pensé «pourquoi toutes les choses que j’ai envie de vivre depuis longtemps, qui sont en moi, pourquoi ne pas les faire tout de suite ? Pourquoi ne pas arrêter avec cette idée de j’aimerais, je voudrais et faire les choses?». Par un concours de circonstance, tout s’est mis en place. On a pris un billet peu cher «Around trip» (autour du monde). Je suis allé au Mexique faire un spectacle de poésie avec Léonore et Nicolas Repac et après, on a continué notre voyage au Japon, à Bali. C’était en mars, ça a duré un mois. L’idée, c’était de faire un premier volet du disque plus disco punk, dansant, joyeux, transe et un deuxième plus mystérieux, ballades. En allant au Mexique et à Bali, on allait toucher ces deux énergies précisément. Le Mexique avec son côté explosif qui a donné le titre «Carnaval chaotique» et Bali et sa musique mystérieuse, qui a inspiré «Le passage » avec des gongs enregistrés là bas par Léonore et arrangés après par Nicolas.
Qu’avez-vous découvert au cours de vos voyages?
Arthur H : ça a été une aventure magnifique dans la mesure où j’ai pu voir deux peuples très différents qui deviennent artistes le temps d’une cérémonie, d’un rite. Des gens qui se mobilisent, la population en entier, les enfants, les ados, les adultes, les vieux ensemble. Tout le monde prend la chose à cœur et à la fin ça produit un acte artistique fort. J’adore la musique traditionnelle, mais je n’avais jamais vu ça de mes propres «oreilles » (rires). Au Mexique, on est tombé par hasard dans une petite ville avec zéro touriste où il y avait une fête d’un saint avec des marionnettes géantes, des fanfares délirantes. C’était totalement fou, hyper jouissif de voir ce monde de couleurs, de folie, de roues de feu, de cérémonie qui dure des heures, où tout le monde danse. A Bali, c’était une autre musique, qui me parle autant pour son côté mystérieux. Une musique envoûtante qui a beaucoup influencé Debussy et Ravel au niveau des gammes, des rythmes, avec un aspect foisonnant, spirituel. On a suivi des cérémonies nocturnes qui durent aussi très longtemps avec des gens qui jouent des gongs, des cymbales, des percussions tout le temps. Des gens qui portent des masques et font des chorégraphies en forme de dragon. Tout ça la nuit sous les tropiques. C’est vraiment une expérience intense.
Vous êtes-vous senti revivifié après toutes ces impressions ?
Arthur H : Je dirai, malgré tout, qu’un voyage est toujours intérieur. L’altérité est tellement troublante, énorme, en dépit du fait qu’on est tous des humains et qu’on peut se comprendre à un niveau universel. Mais, il y a des différences culturelles qui sont aussi importantes, des différences sociales vertigineuses. On ne peut pas faire abstraction de ça. Pour moi, voyager, découvrir d’autres cultures, c’est une façon de redevenir un peu plus complet en étant ouvert aux autres, attentif. Sortir de ses habitudes, être perturbé, c’est presque le but unique du voyage.
Le chanteur qui est aussi allé au Japon, a sorti le clip « Tokyo Kiss »: « Tokyo est une mégapole avec une démesure folle et une culture entre passé et modernité très créative » dit-il.
Votre album regorge d’ambiances musicales différentes. Comme si vous aviez décidé de ne vous interdire aucune sensation musicale. Ne se limiter en rien, est-cela être artiste pour vous ?
Arthur H : J’essaie de tendre vers ça. Ce n’est pas l’approche la plus cohérente, mais c’est celle que j’ai envie d’avoir. J’ai envie de ne rien m’interdire. Passer d’une ballade sentimentale à un morceau disco punk ou afro, pourquoi pas ? La chanson, ce n’est évidemment pas l’art le plus complexe qui existe. On peut vite faire le tour de nos quelques obsessions personnelles et ne pas se renouveler, être dans une marque de fabrique. Les gens veulent qu’un artiste les surprenne et en même temps ils veulent qu’il fasse toujours la même chose. J’essaie de surprendre. En général, on perd plus de public qu’on en gagne. Mais, ça m’est égal. Je ne peux en tant qu’être humain que chercher ma propre surprise aussi.
Rêver, s’ouvrir aux autres, c’est plus important encore aujourd’hui dans cette société souvent fermée, dure?
Arthur H : C’est vrai que le monde est dur. Il y a de plus en plus un côté tragique dans le sens où on a l’impression que les espaces de liberté diminuent au fur et à mesure et que tout est fait pour qu’ils se réduisent. Je trouve ça angoissant. C’est le but de l’état d’urgence, qui devait être quelque chose d’exceptionnel, qu’on va maintenant faire passer dans la loi. Bientôt, ce sera normal et on va s’y habituer sans se rendre compte que les espaces de liberté s’amenuisent de plus en plus à tous les niveaux de la société. Tout est fait pour nous cerner. On est dans une situation compliquée, je trouve.
Il y a beaucoup de portraits de femmes dans l’album, dont un très émouvant «La boxeuse amoureuse » sur votre mère…
Arthur H : C’était le point de départ. J’ai beaucoup d’admiration pour ma mère. Une femme des années 1960 qui a un peu conquis sa liberté. C’est une génération qui a pris des risques, a découvert des choses, une nouvelle façon de vivre des relations. C’est une époque très riche et douloureuse en fait, malgré toute cette frénésie créative. Ma mère a eu de très belles histoires d’amour, tragiques aussi, en grande partie, il faut l’avouer, à cause de l’immaturité des hommes, qui eux-mêmes n’avaient pas les outils pour faire face à toutes ces nouvelles situations. Ce n’était pas de leur faute, ils n’étaient juste pas armés pour ça. Ils ont vécu le choc frontal de tous ces changements. J’ai voulu parler de cette belle résilience de ces femmes qui peuvent chuter, se relever et retrouver un amour de la vie très pur, entier, avec peu d’amertume.
Album Amour chien fou chez Believe. Tournée à partir du 2 février. Concert au Trianon Paris le 4 avril – https://www.facebook.com/arthurhofficial/