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"Métro d'Hiver" (c) Christophe Airaud

PHOTO. Photographe de presse à ses débuts, Christophe Airaud, journaliste à  FranceInfo-culture, a repris ses boîtiers en 2016 par passion de l’image. Aujourd’hui, il présente une série de 26 photos en noir et blanc, faites de mystère et de poésie urbaine. Une exposition baptisée « Disparition (s) » à découvrir du 28 janvier au 22 février à la Galerie Rastoll, à Paris. L’occasion d’aller à la rencontre de cet amoureux de la photographie, qui a accordé à WE CULTE sa première interview.

Christophe Airaud: « Les photos qu’on peut voir à la galerie Rastoll, ne sont pas pures. Elles ont été triturées un peu comme on le faisait à l’époque de l’argentique au moment du développement. J’essaie de les tordre dans tous les sens, pour qu’elles expriment autre chose. Il y un travail de la matière. Je cherche des traces un peu abstraites… »

Après des années de travail dans l’ombre, Christophe Airaud a ressenti le besoin de mettre en lumière ses photographies, afin que ses images puissent prendre vie sous le regard des visiteurs. Des clichés à l’univers très photogénique qu’il va présenter à la Galerie Rastoll, dans le Marais à Paris : « quand on voit ses photos accrochées au mur, ça change leur vie » confie-t-il « c’est un peu comme le numérique et Instagram, les photos n’existent vraiment que quand elles sont tirées et disposées sur un mur les unes à côté des autres. » 

Photographe de presse à ses débuts et cameraman, sa première passion a d’abord été pour l’image. Puis la vie a fait qu’il s’est dirigé vers le journalisme, avant de reprendre ses boîtiers en 2016. Pour sa première exposition solo, Christophe Airaud, journaliste à FranceInfo-culture, a choisi de présenter 26 photographies en noir et blanc de moyen format. Une série baptisée « Disparition (s)«  teintée de mystère, de silhouettes fantomatiques et de poésie urbaine.

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Le photographe Christophe Airaud présente « Disparition (s) ». Une exposition à voir du 28/01 au 22/02 à la Galerie Rastoll, à Paris. (c) Kea Nop

Cela fait plusieurs années que votre travail photographique met en lumière des portraits empreints d’un certain effacement, comme s’ils semblaient se soustraire à notre regard. Qu’est-ce qui vous fascine dans l’idée de « disparition(s) » ?

Christophe Airaud : En fait, c’est né de la première photo qu’on voit sur le flyer, qui représente une femme de dos. Une photo qui m’a vraiment marqué. Je ne suis pas sûr que lorsque j’ai appuyé sur le bouton du déclencheur, je me suis rendu compte de ce qui se passait. Ce n’est qu’après, en la travaillant, en la regardant que je me suis aperçu de ce côté fantomatique. J’ai découvert alors que dans mon stock d’images, il y avait souvent cette espèce de fantôme qui rôdait.

Avant d’être journaliste, vous avez été photographe…

Christophe Airaud: J’ai été photographe de presse à la fin des années 1990. Mais comme je dis souvent, mon banquier m’a fait comprendre que je gagnais tellement bien ma vie qu’il fallait que j’arrête ! (rires). C’était une catastrophe, j’avais des dettes… Après j’ai fait des expositions à Bordeaux, des choses avec la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) avec un ami écrivain, Claude Bourgeyx. Mais je n’y arrivais pas, financièrement c’était trop dur, donc j’ai abandonné. Et je suis parti dans le journalisme. Quand je me suis remis à la photographie 25 ans plus tard, j’ai réfléchi à ce qu’on peut montrer comme photo aujourd’hui alors que tout le monde en fait. Partant de l’idée de ce questionnement et de cette espèce de fantôme, cela m’a donné un fil que j’ai tiré depuis deux ans.

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Femme de dos. Disparition (s) ». (c) Christophe Airaud

Comment expliquez-vous votre évolution et le fait que vous soyez passé du reportage à un style artistique proche de l’abstraction ?

Christophe Airaud : Ce que je propose à la Galerie Rastoll, c’est une série, un projet qui vit à lui seul. C’est vrai que les photos « On stage » ou « tauromachie » qu’on peut voir sur mon site sont plus proches du reportage. Ce que je cherche aujourd’hui, c’est d’être sur une démarche artistique. Il y a une volonté d’abstraction un peu comme en peinture. Ce qui m’intéresse, c’est comment garder une présence humaine, tout en effaçant la figuration, le visage. La série que je présente est un peu comme un roman-photo. Il y a une histoire, une quête de quelqu’un, d’un être disparu… J’espère qu’en suivant le parcours, le visiteur pourra se faire son propre film et découvrir un chemin en regardant ces clichés. Depuis cette photo de femme de dos jusqu’à la dernière qui est un homme de face, il peut se passer un truc, même si le récit n’est que dans ma tête.

Vous arrive-t-il de résonner la photo comme un tableau ?

Christophe Airaud : Oui. J’ai d’ailleurs une autre série « Cartographie », qui est uniquement abstraite, faite de traits, de lignes… la photo est un médium qui me passionne. J’aime la chasse à l’image mais comme je ne vois pas ce qu’on peut faire de nouveau et d’intéressant, je cherche des traces un peu abstraites…

Quel appareil utilisez-vous ?

Christophe Airaud : J’ai un Leica, mais je travaille le plus souvent avec un petit appareil Canon numérique, que j’ai toujours sur moi. Je me mets en quête de quelque chose, que ce soit à la campagne, dans une ville, dans un pays à l’étranger ou dans mon quartier. J’ai également beaucoup de plaisir à travailler sur Photoshop qui me permet d’avoir une approche graphique où je déforme complètement l’image première. Les photos qu’on peut voir à la galerie, ne sont pas pures. Elles ont été triturées un peu comme on le faisait à l’époque de l’argentique au moment du développement. J’essaie de les tordre dans tous les sens, pour qu’elles expriment autre chose. Il y un travail de la matière.

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« Liberté » (c) Christophe Airaud

Vous présentez une série en noir et blanc. Est-ce à dire que vous êtes moins sensible à la couleur?

Christophe Airaud : Quand j’ai repris la photographie il y a quatre ans c’était un contre-pied à Instagram, aux réseaux et aux selfies. Le noir et blanc c’est déjà se mettre sur un autre territoire que ces photos qui pullulent sur le Net. C’est presque plus compliqué de travailler l’abstraction en noir et blanc. Cela me plait plus que l’utilisation de la couleur qui permet moins de choses, je trouve.

Qu’est-ce qui vous a poussé à reprendre vos boîtiers en 2016 ?

Christophe Airaud : Je crois que c’est une réaction au récit journalistique que je trouvais très formaté et manquant d’espace. C’est aussi un contrepoint à mon job de journaliste quotidien où l’on se doit et heureusement de respecter des règles journalistiques. En tant que reporter pendant une dizaine d’année je me suis aperçu qu’il y avait plein de choses que je saisissais ou que je voyais, que le journaliste ne peut pas raconter. Et puis, j’ai la passion de l’image. J’ai été cameraman pendant dix ans, le décalage entre l’image et le récit journalistique me fascine. L’image est toujours plus forte mais elle ne dit pas la vérité, elle est menteuse. Et elle l’emporte à chaque fois. Tout ça m’a poussé à vouloir ne refaire de la photo que pour moi. Un endroit où j’ai toutes les libertés, où je n’ai pas de compte à rendre, pas de déontologie, pas de règle. C’est pour ça que je n’ai pas trop honte à dire que c’est un acte de création.

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« La vie d’en face » (c)Christophe Airaud

Il émane de vos photos une poésie mêlée de douceur, d’interrogation, de mélancolie avec des personnages entre ombres et reflets qui paraissent presque absents de la réalité. Vos images témoignent-t-elles d’un regard inquiet sur l’avenir ?

Christophe Airaud : Peut-être que cela vient de mon job, de voir un monde qui s’effondre, un monde inquiet qui a du mal à  affronter ses interrogations. Mais c’est vrai que l’idée de fantôme me parcourt. En même temps, il y une certaine humanité parce que tous ces gens que j’ai croisés et saisis, on sent dans leur regard qu’il y a de l’inquiétude. Je ne le vis pas toujours au moment de l’acte mais après avoir vu le résultat. Il n’y a pas une démarche de récit de ma part. C’est presque inconscient, un truc qui se dégage de ma propre vision des choses. Je ne suis pas d’un tempérament hyper optimiste sur l’avenir. On sent peut-être également une sorte de violence urbaine. On capture toujours les sentiments que l’on projette sur le monde tel qu’il est.

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La prochaine exposition de Christophe Airaud (photo) aura lieu à la Chapelle des Capucins à Aigues-Morte du 4 au 19 avril. (c) avallat

Après votre exposition à la Galerie Rastoll, sur quel projet comptez-vous travailler ?

Christophe Airaud : J’attends la fin de l’exposition pour voir comment ça se passe, mais c’est vrai que j’ai de plus en plus envie de montrer mon travail. J’ai un projet d’expo avec un autre photographe, Kea Nop, début avril à la Chapelle des Capucins à Aigues-Mortes. Une série qui est plus réaliste, plus terrienne intitulée « De la boue, des hommes et des animaux », qui correspond assez bien à cette région un peu âpre, désertique.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Expositions « Disparition (s) » Galerie Rastoll , 16 rue Sainte Anastase 75003 Paris – du 28 janvier au 22 février et « De la boue, des hommes et des animaux » du 4 au 19 avril à la Chapelle des Capucins, Place Saint Louis, Aigues-Mortes / Gard (30 220).

Retrouvez les photographies de Christophe Airaud sur son site BlackandBlanc

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