mathias malzieu et le groupe dionysos
Mathias Malzieu et son groupe Dionysos (c)YANN_ORHAN

Interview. Quatre ans après « Vampire en pyjama », Mathieu Malzieu, leader du groupe Dionysos, revient avec l’inventif « Surprisier ». Un album barock’n’roll ultra vivant, au souffle épique et onirique où se mêlent riffs de guitares « garage », cuivres, chœurs et ambiances mariachis ou western. Un disque inspiré de son roman « Une sirène à Paris » à l’énergie festive pour rêver, mais aussi résister à la morosité ambiante, qui promet de beaux moments de folie sur scène. Tournée du groupe partir du 27 mars, concert à La Cigale le 29 avril et au Zénith de Paris le 22 janvier 2021. 

Mathias Malzieu: « Je n’ai pas envie de m’échapper du réel, ce qui serait un une régression, j’ai envie de le transformer. Je pense qu’on peut le décider en affrontant la réalité avec sa part de noirceur et continuer d’aller au combat, un combat joyeux »

Il y a de la poésie partout dans la vie de Mathias Malzieu, dont les projets musicaux et les rêves fantastiques irriguent ses œuvres depuis ses débuts en 1996. Un parcours en forme de happening permanent, où Mathias Malzieu, roi de la mécanique du cœur émotionnelle avec son groupe Dionysos, invente un monde de folie poétique carrément barré ! Un livre, un album, un film, le parrainage du centenaire de Boris Vian, la direction des Trois Baudets à Paris, sans oublier un documentaire en Norvège et les concerts… Mathias Malzieu, n’arrête jamais. Une énergie qui habite son nouvel album « Surprisier » inspiré de son roman « Une sirène à Paris », qui donnera lieu également à un film éponyme réalisé par lui (sortie le 11 mars). On y retrouve son goût du partage et du lien, ce besoin de connexion avec le public, une envie d’exister à fond depuis qu’il a été obligé de vivre « à moins cent à l’heure » à cause de sa greffe de moelle osseuse, il y a cinq ans, suite à une maladie rare : une aplasie médullaire. « Je travaille beaucoup, mais j’ai la chance de travailler à mon rêve » confie Mathias Malzieu, guéri aujourd’hui, qui dans « Surprisier » chante « s’émerveiller, c’est résister ».

Un album barock’n’roll ultra vivant, onirique, festif et épique où se mêlent riffs de guitares « garage », cuivres, chœurs, ambiances mariachis, western et jeux de mots à gogo. Le tout interprété en français et en anglais. Un disque très riche, semblable à un cabinet de curiosités, qui promet de très beaux moments électrisants sur scène, lors de la tournée attendue dès le 27 mars.

dionysos surprisier
(c)YANN_ORHAN

Faut-il voir dans « Surprisier » un voyage épique dans l’imaginaire sans limite de Mathias Malzieu ?

Mathias Malzieu : Il y a de ça (rires). Ce qui me donne mon énergie, c’est que je ne suis pas en train de construire quelque chose, de trop intellectualiser. C’est beaucoup d’instinct, de passion dans ce que j’entreprends. Là, c’était vraiment une passion en trois dimensions, avec l’idée de raconter cette histoire de surprisier et d’« Une sirène à Paris ». J’ai tout écrit en même temps. A partir du moment où j’ai trouvé l’histoire, j’ai commencé à la rêver en cinéma, à écrire le roman et les chansons de Gaspard Snow. En fait l’album de Dionysos, est comme une espèce de tribute à ce personnage imaginaire principal du livre et du film. Je me suis mis à sa place. Cela m’a permis de fabriquer un vrai monde

Etre « Surprisier », c’est savoir transformer ses rêves en réalité?

Mathias Malzieu : Les surprisiers sont ceux dont l’imagination est si puissante, qu’elle peut changer le monde, si ce n’est le leur, ce qui constitue un excellent début. C’est l’idée de la capacité d’émerveillement, de surprendre, de se surprendre et de rester dans l’art de la surprise. Ça vient, dans le film et dans le livre, de la grand-mère du personnage principal qui cachait des Résistants pendant la seconde guerre mondiale dans une péniche « Le Flowerburger » – chanson qu’on retrouve dans l’album –  lesquels  avaient fondé une société secrète « Les surprisiers ». Ils enregistraient des disques sur une vieille machine, un « voice-o-graph » (cabine qui permet d’enregistrer des vinyles) pour à la fois faire des messages codés pour la Résistance et en même temps enregistrer des chansons, des poèmes. Au risque de leur vie après le couvre-feu, ils allaient distribuer des livres, des jouets qu’ils fabriquaient, des disques, sur le paillasson des gens, le rebord des fenêtres ou les cheminées. Des opérations commando de poésie pour garder l’émerveillement, une forme de résilience, pendant la seconde guerre mondiale. Gaspard Snow, le personnage d’« Une Sirène à Paris » est le dernier de la lignée dans une autre époque troublée qui est la nôtre, dans ce Paris post attentat, où il essaie de continuer dans cet esprit-là. Finalement, cela rejoint le travail de l’artiste ou de l’artisan, pour la question du panache et de la beauté du geste. C’est la poésie selon Baudelaire, qui doit être inutile, pas quelque chose qui gagne de l’argent.

La poésie qui permet de réenchanter le monde ?

Mathias Malzieu : Pour moi, c’est capital. Ça doit fonctionner exactement comme notre rapport à l’écologie. Il y a un problème collectif, mais il y a un problème individuel. Si chacun fait un petit quelque chose, déjà ça peut aller mieux. Je crois en une forme d’écologie émotionnelle, qu’on peut appeler poésie, émerveillement ou esprit d’aventure, peu importe. Le cynisme qui est à la mode, en ces temps troublés, c’est une fainéantise émotionnelle terrible. Cette espèce de grisaille entendue, nous enfonce tous. C’est vrai que les temps sont durs et que ce n’est pas facile, même si moi-même, je ne fais pas mieux que les autres. J’aime ce mot de Brel qui disait « le talent c’est le désir ». Je n’ai pas envie de m’échapper du réel, ce qui serait un une régression, j’ai envie de le transformer. Je pense qu’on peut le décider en affrontant la réalité avec sa part de noirceur et continuer d’aller au combat, un combat joyeux. Grâce à la culture, il peut y avoir du débat, de la passion, de la patience, on peut échanger. Le plus important dans la capacité créative, c’est le lien. Quand il n’est plus là, c’est la dictature, il n’y a plus de nuance, c’est droit, fermé. Cette vision vient peut-être d’un résidu de syndrome de survivance de ce que j’ai vécu il y a 5 ans avec ma greffe de moelle osseuse. On vit tous des trucs terribles, mais je crois qu’il est toujours permis de résister. La question de la créativité et de la joie, est sous-estimée par les temps qui courent.

On trouve beaucoup d’ambiances dans cet album, des guitares rock, des cuivres, des mélodies joyeuses, des voix féminines singulières… comment définiriez-vous sa couleur musicale ?

film une sirene a parisMathias Malzieu : Je voulais qu’il y ait un souffle épique dans les chansons, un truc d’ultra vie, quelque chose qui soit jouissif. Je voulais qu’on s’amuse. Le fil rouge c’est les chansons de Gaspard et ensuite le retour au merveilleux. « Vampire en pyjama » mon précédent album était un disque de combat, avec des chansons que j’avais écrites à l’hôpital, où j’avais besoin de raconter des choses en jouant doucement. Je ne voulais pas mentir avec ce que je j’étais à ce moment-là. Une fois sur scène, on a un peu plus violenté ces chansons qui sont devenues rock‘n’roll, lequel a coulé de nouveau dans mes veines. D’où les joyeusetés du rock « garage » et les riffs qu’on retrouve dans « Surprisier ». Dans le film, les chansons sont interprétées par Nicolas Duvauchelle et Marilyn Lima, avec un passage guest pour un flash-back de Carmen Maria Vega et de Baptiste W. Hamon, des artistes que j’adore. Le disque est vraiment un disque de Dionysos, avec Babet et moi qui chantons et une dimension cinématographique pour les besoins du film, dans les arrangements que j’ai faits avec Oliver Daviaud. C’est quelqu’un que j’aime beaucoup, de très important. C’est vraiment un électron libre, un semi-membre du groupe depuis 2007, avec qui je travaille depuis « La Mécanique du cœur », que j’ai rencontré au moment du disque « La Femme Chocolat » d’Olivia Ruiz.

Vous allez bientôt partir en tournée. Comment allez-vous traduire tout cela sur scène ? Prévoyez-vous une scénographie particulière ?

Mathias Malzieu : On est en train de travailler sur le concert. Je pense que ça va être assez rock’n’roll, même si on ne va pas faire semblant d’être le Dionysos des débuts, parce qu’on a 15 ans de plus  et que les sensibilités évoluent (rires). Mais il y a une envie d’en découdre, d’être sur une intensité et dans une dimension ludique à la fois, dans l’esprit des « Surprisiers ». Un titre qui n’a jamais été aussi proche de la philosophie du groupe.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • Album « Surprisier », Columbia/Sony Music, sortie le 28/02 2020. Film « Une sirène à Paris » sortie le 11 mars. Mathias Malzieu et son groupe Dionysos sera en tournée à partir du 27 mars. Concert à la Cigale (75018 Paris), le 29 avril et au Zénith de Paris (75019) le 22 janvier 2021.

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