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Vincent Delerm: "La chanson est le média que je préfère qui est le plus direct, immédiat. Mais de temps en temps ça passe par d’autre choses qui se nourrissent, se télescopent. C’est enrichissant parce que cela challenge un peu, ça oblige à travailler et à créer différemment". (c) Julien Bourgeois

Trois ans après « À Présent », Vincent Delerm revient avec un nouvel album « Panorama » et un premier film intimiste « Je ne sais pas si c’est tout le monde ». Deux objets artistiques sensibles qui se font écho entre légèreté et nostalgie, où le chanteur pose un regard attendri sur le sens de la vie.

Vincent Delerm: J’ai toujours eu ça très tôt, d’organiser des spectacles avec les bandes d’enfants qui étaient avec moi. Cela me plaisait d’organiser un moment qui serait comme une sorte de fête, un truc au-dessus de la vie et en même temps inscrit dans la réalité

Pourquoi aime-t-on Vincent Delerm ? Parce que ses chansons aux mélodies mélancoliques, ont le parfum de la légèreté et de la nostalgie de la vie qui passe. Trois ans après « À Présent », il revient avec un élégant projet hybride croisant chansons et images. Avec d’un côté un nouvel album « Panorama » et un premier film intimiste « Je ne sais pas si c’est tout le monde ». Deux objets artistiques qui se font écho où Delerm fait appel à la chanson, l’écriture, le cinéma, au travers desquels il cherche à faire passer un « une émotion, une sensation ». Une musique particulière qui fait le charme de son 7ème disque, dont la réalisation de chaque morceau a été confiée  à des amis artistes-producteurs (Clément Ducol, Peter von Poehl, David Imar Herman Dune, Keren Ann, Voyou, Dan Levy, Girls in Hawaï, Yael Naim…). Tandis que son film, où se confient personnalités (Jean Rochefort, Alain Souchon, Vincent Dedienne, Aloïse Sauvage…) et gens non connus, pose la question du bonheur et s’interroge sur le sens de l’existence. Des images en noir et blanc et des chansons aux contours cinématographiques qu’il dévoilera lors d’une série de concerts à la Cigale à Paris, où il se produira en mode piano-voix durant trois semaines en octobre, novembre et décembre.

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Vincent Delerm,(c) Julien Bourgeois

Vous sortez parallèlement un album et un film. Est-ce à dire que pour vous musique et images, qui se conjuguent souvent dans vos spectacles, forment un tout de plus en plus indissociable ?

Vincent Delerm : Quand on fait des chansons, on a cette tendance à convoquer des choses visuelles, à les mélanger au texte et aux arrangements. On cherche à créer un charme sans savoir vraiment d’où cela vient. Dans le spectacle, cela  amène à renforcer certaines chansons  par des visuels. Sur d’autres chansons, cela fait du bien que ce soit très pur avec juste un piano-voix. Finalement, ça s’est fait de manière naturel ce chassé-croisé. J’essaie toujours de compléter les choses les unes par les autres pour donner à ressentir une émotion, une sensation et l’image est utile pour ça.

Que voulez-vous montrer à travers les instantanés de vie de votre film « Je ne sais pas si c’est tout le monde » ?

Vincent Delerm : C’est un travail sur l’intime, sur qu’est-ce qui nous fait de l’effet, ce qui nous touche. Est-ce que c’est les grandes dates de notre vie ou au contraire est-ce que ce sont des choses plus minimales et plus dissimulées ? J’ai voulu filmer différentes personnes pour les amener à parler en espérant que cela ferait tilt chez d’autres gens et qu’ils reconnaissent toutes ces zones de soi.

Personnellement, pourriez-vous répondre à la question posée à un moment « Êtes-vous heureux »?

Vincent Delerm : D’une façon générale, le film pose beaucoup de questions sans y répondre. C’est une réponse en soi. Ce qui m’intéressait c’est que les gens qui voient le film, repartent en se disant « qu’est-ce qu’on fait de toutes ces émotions, ces choses comme ça qui parsèment nos existence ? », « qu’est-ce qu’on fait de nos amis, de nos souvenirs, de nos amours ? » Et « comment cela nous a fabriqués là où on en est aujourd’hui ? ».

Le film est dédié à Jean Rochefort, que l’on voit pour la dernière fois ici à l’écran. Qu’aimiez-vous de l’homme, de l’acteur?

Vincent Delerm : Une sorte de charme qu’il est difficile à mettre en mots. Pourquoi les gens ont une sorte d’aura ? Il entrait dans une pièce et les gens étaient heureux de sa présence. C’était un truc  fort. Jean Rochefort, c’était un mélange d’élégance, de fantaisie, de poésie, de profondeur. Il aimait faire rire mais c’était aussi quelqu’un de fondamentalement profond qui réfléchissait beaucoup au sens de la vie et à quoi sert tout cela. Il était souvent déprimé, c’était quelqu’un d’étrange. Il avait de grandes zones de flottement  et en même temps, il avait une énergie incroyable pour donner du moral aux autres. Il m’a toujours encouragé et j’ai eu la chance qu’il tourne pour la dernière fois dans mon film. C’était un cadeau de sa part. Il savait que c’était important qu’il joue dedans, pour moi. Cela lui a  faisait plaisir, je crois, de finir de cette façon-là, avec un tournage de personnes dont il savait qu’on l’admirait beaucoup et qu’on irait, à travers quelques plans, dans le sens de ce qu’il a aimé faire dans sa carrière.

Vous posez aussi un regard très tendre sur Alain Souchon. Est-t-il un modèle?

Vincent Delerm : Oui, dans son attitude, sa manière de répondre aux interviews. J’étais fasciné quand j’avais quinze ans, au moment de « Foule sentimentale ». C’était curieux de voir que cet homme qui devait avoir entre 45 et 50 ans dégageait une forme de grande modernité dans sa manière de se comporter, dans son écriture. C’était frappant. Pour moi, il était plus moderne que plein de gens de 25 ans à ce moment-là qui écrivaient des choses que je ne trouvais pas passionnantes. C’est comme pour Jean Rochefort, les chansons d’Alain, elles ont un charme particulier qui tient à sa tournure d’esprit  étonnante.

Vous avez toujours aimé le cinéma. En quoi un réalisateur comme François Truffaut a marqué votre vision des choses ?

Vincent Delerm : J’ai beaucoup parlé de Truffaut quand j’ai commencé, après j’ai fait attention à en parler moins. Mais c’est resté quelque chose de fort. Sur tous les sujets, quand il parle de chansons, de cinéma, de snobisme… c’est  constructeur. C’était quelqu’un de très travaillé, de régulier dans sa manière de construire ses films et de mettre en place d’autres projets. Il y avait chez lui quelque chose de didactique et il aimait que l’on suive sa démarche. Quand on lit sa correspondance, on comprend exactement comment il travaille. Il a laissé beaucoup de clés pour qui a envie de s’y intéresser, pour comprendre et  entrer dans son univers. Il travaillait beaucoup sur le sensible, le sentiment. C’est quand même un cinéaste sentimental.

Dans votre album « Panorama », vous rendez hommage à Agnès Varda, avec en filigrane l’idée qu’on pourrait réapprendre à vivre simplement en arrêtant l’esprit de compétition …

Vincent Delerm : C’est une course qui existe, mais je ne voulais pas que ce soit une chanson plaintive là-dessus. C’est juste se dire : il y a des gens qui sont des alternatives.  On les a sous les yeux. C’est une chance d’avoir eu quelqu’un comme Agnès Varda, une personnalité qui toute sa vie a eu cette faculté de s’émerveiller des rencontres. Cela fait envie, de ne pas déjouer. C’est la force de gens comme elle, qui ont suivi une sorte de ligne durant leur existence. Elle n’était pas influencée par d’autres. Elle avait une capacité d’émerveillement et à la fin de sa vie elle continuait à construire de nouveaux projets à chercher une forme de modernité. C’est un exemple.

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Le film s’interroge sur le sens de la vie. Sauriez-vous expliquer pourquoi vous êtes devenu artiste ?

Vincent Delerm : Je pourrais dire que c’est un hasard. En fait, j’avais vraiment envie de mettre en place des spectacles. J’ai toujours eu ça très tôt, d’organiser des spectacles avec les bandes d’enfants qui étaient avec moi. J’ai des photos de moi enfant, approchant d’un cirque où je suis cramoisi d’excitation à l’idée du spectacle. Ça toujours été comme ça. Quand j’étais petit, cela me plaisait d’organiser un moment qui serait comme une sorte de fête, un truc au-dessus de la vie et en même temps inscrit dans la réalité. Quand on fait des chansons, on est là-dedans. J’essaie qu’elles ressemblent à la vie et en même temps qu’elles soient comme une sorte d’amélioration de nos vies.

Vous faites appel à la chanson, à l’écriture et aux images. Comment définiriez-vous votre travail?

Vincent Delerm : Souvent on s’oblige à une norme et à la classer. Il faut se bagarrer parce que quand on veut imposer des formats qui sont différents, c’est un vrai boulot. Ce n’est pas à moi de décréter qui je suis, quelle est ma place. Par contre, c’est sûr que j’aime ne pas me censurer. Cela rejoint l’idée de spectacle dans le sens où on fait feux de tout bois. Quand j’ai envie de faire passer une émotion, je me demande quel est le bon vecteur. La plupart du temps, cela passe par la chanson, le média que je préfère qui est le plus direct, immédiat. Mais de temps en temps ça passe par d’autre choses qui se nourrissent, se télescopent. C’est enrichissant parce que cela challenge un peu, ça oblige à travailler et à créer différemment.

Album « Panorama » – tôt ou tard. Film « Je ne sais pas si c’est tout le monde », sortie 23 octobre, tous les dimanches à 11h00 au Cinéma des cinéastes 75017 Paris. Concerts – la Cigale, 75018 Paris : 22 au 26 octobre ; 5 au 9 novembre ; 3 au 7 décembre et tournée à partir de février 2020.

Lire: Musique. Alain Souchon: “Avec les fifties, je découvrais le monde”: https://www.weculte.com/featured/musique-alain-souchon-avec-les-fifties-je-decouvrais-le-monde/

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