claire keegan ce genre de petites choses
L’écrivaine irlandaise Claire Keegan. Photo Murdo Macleod

Livre. Voix importante de la nouvelle génération des écrivains irlandais, Claire Keegan publie « Ce genre de petites choses ». Une ode subtile, douce et sensible sur un homme gentil, un héros modeste, dont les seuls rêves sont ceux qu’il fait en dormant. Sa vie coule comme le fleuve de la ville, même s’il éprouve parfois la vacuité de son existence de travailleur et de bon père de famille. Une nouvelle d’une écriture limpide, poétique qui interroge la banalité du mal ou comment un homme ordinaire se fait juste parmi les justes. De quoi réchauffer les frimas de l’hiver.

Il se dit beaucoup de choses en ville sur ce couvent et ses pensionnaires, des filles-mères placées là par des parents honteux, dont les enfants illégitimes seraient ensuite vendus ?

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L’écrivaine irlandaise Claire Keegan. Photo Murdo Macleod

Nous sommes à la fin l’année 1985, dans la ville de New Ross en Irlande. Nous suivons Bill Furlong, propriétaire du dépôt de bois et de charbon qui ne manque pas en cette période de Noël de clients, ni de commandes et de livraisons. L’hiver est rigoureux et les habitants grelotent de froid et de peur du lendemain.

Bill Furlong « parti de rien, moins que rien pourraient dire certains ». Il habite dans la ville avec sa femme Eileen et leurs cinq filles. Ce sont de bons citoyens et de vertueux catholiques. Aucune ombre dans ce bel ordonnancement familial, si ce n’est la quête intime de Bill sur ses origines.

Né de père inconnu, il doit sa bonne éducation à sa bienfaitrice Mrs Wilson, chez laquelle la mère de Furlong, âgée de 16 ans était employée quand il a vu le jour. En cette période de festivités et de réunions de famille, Bill Furlong est ramené à sa condition et s’interroge en silence. Que va-t-il transmettre des valeurs reçues? Il travaille beaucoup, a peu de temps pour les siens. Il se questionne sur l’utilité des jours. Brave homme.

Le jardin du couvent proche ressemble à une carte postale avec ses ifs et ses pins saupoudrés de givre. C’est une institution séculaire et les religieuses du Bon Pasteur responsables du couvent dirigent une école professionnelle pour filles et une florissante blanchisserie.

Il se dit beaucoup de choses en ville sur ce couvent et ses pensionnaires, des filles-mères placées là par des parents honteux, dont les enfants illégitimes seraient ensuite vendus ?  » Les gens disaient beaucoup de choses et une bonne moitié de ces paroles n’étaient pas crédibles ; on ne manquait jamais d’esprits superficiels et de ragots dans la ville. »

Mais à l’occasion d’une livraison de bûches et de charbon, il découvre dans la chapelle une douzaine de filles, vêtues d’uniformes gris, à quatre pattes, encaustiquant le plancher comme des forçats. Il est saisi. L’une d’elle plus hardie que les autres s’approche et lui demande de l’emmener, loin ou à la rivière pour s’y noyer.

Bill Furlong ne pourra plus dire qu’il ne sait pas. En rentrant dans sa camionnette, troublé par ce qu’il vient de voir, il perd son chemin. Il s’arrête près d’un homme sur le bord de la route :  » Pourriez-vous m’indiquer où cette route me conduira ? » Il pose ici la question qui ne cesse de le tarauder, celle de son existence. Quelle direction prendre pour faire le bien et rendre un peu de ce qu’on lui a donné jadis ?

livre ce genre de petites chosesC’est lors d’une seconde livraison qu’ouvrant le local à charbon du couvent, il trouve cette fois une jeune fille en haillons, enfermée dans cette réserve, hébétée, pieds nus à même le sol noir et glacial. Elle lui apprend ce qu’il redoutait d’entendre. La rumeur dit vrai.

La mère supérieure drapée dans son habit de bure aussi austère que son esprit, chasse alors le malaise et feint de s’occuper de la jeune fille, prétextant une banale broutille ou un jeu de cache-cache. Il est perdu, il a vu, il a entendu et reviendra.

C’est une nouvelle d’une écriture limpide, poétique qui interroge la banalité du mal ou comment un homme ordinaire se fait juste parmi les justes.

Véronique  Sousset

  • « Ce genre de petites choses » de Claire Keegan. Edition Sabine Wespieser, 120 p, 15 €
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Claire Keegan

L’auteure Claire Keegan

Claire Keegan est née en 1968 en Irlande. Elle a grandi dans une ferme du comté de Wicklow, qu’elle a quittée pour aller étudier à La Nouvelle-Orléans et au pays de Galles. Également diplômée de Trinity College à Dublin, elle vit aujourd’hui entre l’Irlande et la Corrèze. 

Saluée comme une des voix importantes de la nouvelle génération des écrivains irlandais, elle est traduite en chinois, en japonais, en italien, en slovène, en allemand, en tchèque, en bulgare et en espagnol. Dans nombre de ces pays, ainsi qu’aux États-Unis, elle a longtemps figuré sur les listes de meilleures ventes et obtenu plusieurs prix importants.

En France, son œuvre est traduite chez Sabine Wespieser éditeur : après « L’Antarctique », son premier recueil paru en mai 2010, « Les Trois Lumières » (2011) a remporté, comme dans les autres pays où il a été publié, un beau succès critique et public, de même que son deuxième recueil de nouvelles, « À travers les champs bleus », paru en 2012. « Ce genre de petites choses », paru en novembre 2020, est une novella de la même eau que le très remarqué « Les Trois Lumières ».

 

 

 

 

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