Jeune auteur prometteur, Guillaume Lavenant publie « Protocole gouvernante ». Un premier roman à l’univers étonnant, déroutant et mystérieux qui exerce sa fascination à chaque page et donne envie de le reprendre aussitôt terminé. Depuis quand un livre ne vous a t-il pas fait cet effet ?

Ce récit est une dystopie, machiavélique, dont le but est semble-t-il de bousculer l’ordre établi d’une société endormie dans ses habitudes et campée sur ses certitudes. Qui est cette femme ? Pourquoi se fait-elle embaucher par cette famille modèle ? « Protocole gouvernante  » est de ces romans qu’il faut relire tant ils sont riches et n’épuisent pas leur mystère passée la première lecture

guillaume lavenant
Jeune auteur prometteur, Guillaume Lavenant publie son premier roman « Protocole gouvernante »

Auteur et metteur en scène, Guillaume Lavenant mène un travail de création littéraire dans les champs du théâtre, de la performance et de l’écriture narrative. Il signe ici son premier roman chez Rivages. Livre au scénario implacable, très cinématographique dans sa façon d’installer le lecteur dans une atmosphère; autant prévenir : si vous l’ouvrez, n’imaginez pas occuper vos journées à d’autres activités, tant il est haletant et poursuit encore bien après l’avoir refermé.

Si le succès d’un livre est une alchimie, son titre détermine bien souvent sa rencontre avec le lecteur et celui-ci est particulièrement efficace. Une entrée en matière comme le sont les premières notes d’un morceau de musique qui signe immédiatement un tube : il accroche et reste en tête. « Protocole gouvernante » est une mécanique bien huilée, à la construction originale et à la forme déroutante étant écrit au futur, à la seconde personne du pluriel. L’usage du vouvoiement perpétuel par ce narrateur extérieur, dont on ne saura pas grand-chose, sinon que témoin, il place son œil aiguisé dans le trou de la serrure pour nous donner à voir, à ressentir, à frémir.

Ce récit est une dystopie, machiavélique, dont le but est semble-t-il de bousculer l’ordre établi d’une société endormie dans ses habitudes et campée sur ses certitudes, pour que du chaos advienne un ailleurs, meilleur. En cela ce roman a aussi une dimension politique et rappelle dans la description d’une société qui se délite, « 1984 » de George Orwell.

Si les premières pages sont déroutantes, on s’installe rapidement dans l’histoire. Et l’on suit avec la même application les instructions données à cette gouvernante, qui reçoit ses ordres d’une entité qui peu à peu prend le nom d’une personne, un certain Lewis. Le décor est celui d’une banlieue (trop) paisible, un quartier pavillonnaire semblable à n’importe quel autre d’une ville moyenne, les mêmes squares, jardins, écoles, bains-douches, banques, volets qui claquent au vent et parquet qui cèdent sous la pression d’insidieuses gouttes d’eaux… Au sein d’une famille en apparence idéale, l’arrivée d’une jeune femme, gouvernante, chargée de s’occuper de la fille du couple, Elena, sème le trouble. Car très vite, il est entendu que cette gouvernante a des desseins mystérieux.

guillaume lavenantPlongée en apnée dès les premières lignes :

« Vous irez sonner chez eux un mercredi » ordonne un narrateur. «Au mois de mai. Vous serez bien habillée, avec ce qu’il faut de sérieux dans votre manière d’être peignée. Vous ressentirez un léger picotement dans le bout des doigts. Il vous faudra tourner la tête et projeter votre regard sur le voisinage pour recouvrer votre calme. Ce qui finira par survenir, à la vue des pelouses bien tondues et du soleil qui dessine le contour de chaque chose. Derrière sa moustache, le voisin vous fera un signe. À ses pieds se tiendra, en appui sur sa béquille centrale, une Triumph Thunderbird 900, année 96, dont les pipes d’admission auront été déposées, le cache-culbuteurs retiré, la culasse soigneusement mise à part, avec boulons d’assemblage et goujons, sur les dalles de granit de l’allée…»

Qui est cette femme ? Pourquoi se fait-elle embaucher par cette famille modèle ? On avance dans ce roman comme dans un couloir sombre. Il suscite l’envie d’y aller malgré les questions qui taraudent et la peur d’y trouver des réponses. Guillaume Lavenant nous attire du côté obscur, met au jour cette pulsion, au-delà du principe de plaisir, décrite par Freud pour expliquer le fonctionnement psychique : le conflit fondamental entre pulsion de vie et pulsion de mort.

« Protocole gouvernante  » est de ces romans qu’il faut relire tant ils sont riches et n’épuisent pas leur mystère passée la première lecture. Alors si vous n’avez pas peur d’y revenir, n’hésitez pas à accompagner cette héroïne sur le chemin de son dessein, à défaut de destin. Et n’oubliez pas de prendre garde au regard des voisins…

  • « Protocole gouvernante » chez Rivages. 176 pages – 18,50€

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