Emile Zola pour son roman une page d'amour

Que nous dit aujourd’hui Émile Zola du sentiment amoureux ? Qu’il est le foyer de désirs à réinventer sans cesse. Au prix d’y laisser des vies.

Une Page d’amour
Émile Zola
Folio Classique, 416 pages, 8,30 euros

couverture du livre une page d'amour d'emile zolaJeanne, Hélène, Juliette et Henri Deberle. Qui sont-ils ? Une enfant tourmentée avec ses « jours noirs », petit être frêle à l’insatiable amour maternelle, envahie des cruautés de l’existence, qu’un ciel pluvieux assombrissait aussi bien ses yeux que son corps. Une mère, à la beauté subtile fascinée par le spectacle que sa fenêtre lui offre de Paris, succombe à une passion qu’elle n’ose s’avouer. Un médecin et son épouse. Lui tout en réserve tombe sous le charme d’une rencontre inopinée. Au fil des jours, par des gestes furtifs et sa présence lors des nuits passées au chevet de Jeanne, il se rapproche d’Hélène jusqu’à la scène de l’aveu : « Je vous aime. Je vous aime. » Son épouse trop légère et virevoltante, ses discussions remplies de futilités, amusée par ses bals et réceptions. Elle veut connaître l’adultère pour tromper l’ennui.
Après l’Assommoir paru en 1877, Émile Zola entend avec Une page d’amour « cette douceur, dérouter mon monde », écrit-il dans une lettre à Duret, fondateur du journal la Tribune (1868) où il collabore avec Jules Ferry. Cette entreprise est publiée en 1878 en feuilleton par le Bien public. Il circonscrit cet amour instinctif dans trois unités de lieux : le deux-pièces d’Hélène et de Jeanne, la maison des Deberle et le logis de la mère Fétu.

Que nous dit Zola aujourd’hui? Que l’amour, à l’instar de Platon, n’est pas qu’un sentiment, il permet d’être combattant

Les premières pages du roman, huitième de la série des Rougon-Macquart, sont fulgurantes : Hélène dans l’effroi face à une crise de sa fille appelle à l’aide « mon enfant se meurt, mon enfant se meurt », c’est le docteur Deberle qui la sauvera une première fois, puis une seconde fois où elle frôlera la mort. À travers le personnage de Jeanne s’inscrivent toutes les incertitudes d’aimer : aimer une mère de manière inconsidérée, ne pas comprendre l’abandon, ne pas la partager ; se donner à un homme séduit « penché sur elle, il buvait la légère odeur de verveine qui montait de son peignoir ». Entre Hélène et Henri, il y a l’enfant comme un obstacle de la pensée ou des codes moraux que s’inflige une mère.
couverture du livre une page d'amour d'emile zolaS’il veut « stupéfier son public », le futur signataire de Nana, ne manque jamais de dénoncer les faux-semblants de la bourgeoisie. Quand il pousse la porte d’un taudis crasseux, c’est pour écailler le vernis des murs recouverts d’une vulgaire cretonne rose, la chambre où se retrouvent Juliette et le dandy Malignon. Toutes ces allées et venues sous l’œil de Paris, un personnage redoutable ou céleste, lumineux ou orageux ; devant la ville, Hélène rêve, pleure, se révolte, accepte son désir ou le refuse. En pensant à cette seule nuit vécue ensemble où  « jamais ils ne s’étaient moins aimés que ce jour-là », Hélène va provoquer la tragédie fatale.

emile zola portaitQue nous dit Zola aujourd’hui? Que l’amour, à l’instar de Platon, n’est pas qu’un sentiment, il permet d’être combattant. Pour Hélène le surgissement d’un moi désirable et l’expression d’une sensualité pour Henri. Les dernières pages révèlent un meurtre d’amour : « Nous l’avons tuée », s’écrie Hélène à son amant. Jeanne s’est laissée mourir au bord d’une fenêtre sous une pluie battante avec pour seule confidente, sa poupée. Stupeur et tremblement ne quitteront plus dès lors le corps d’Hélène.

LIRE: Frida Kahlo par Marc Petitjean: la recherche du pèrehttps://www.weculte.com/non-classe/frida-kahlo-par-marc-petitjean-la-recherche-du-pere/

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.