laurent petitmangin ce qu'il faut de nuit
Laurent Petitmangin publie son premier roman "Ce qu'il faut de nuit". Photo DR

Livre. Un père et ses fils tanguent sur le fil de leur vie au dessus du vide d’une existence chahutée par un destin chagrin. « Ce qu’il faut de nuit », titre sublime du premier roman de Laurent Petitmangin, nous renvoie au poème de Jules Supervielle « Vivre encore », qui à lui seul évoque parfaitement cette histoire, simple et tragique.

Ce qu’il faut de nuit
Au-dessus des arbres,
Ce qu’il faut de fruits
Aux tables de marbre,
Ce qu’il faut d’obscur
Pour que le sang batte,
Ce qu’il faut de pur
Au cœur écarlate,
Ce qu’il faut de jour
Sur la page blanche,
Ce qu’il faut d’amour
Au fond du silence.
Et l’âme sans gloire
Qui demande à boire,
Le fil de nos jours
Chaque jour plus mince,
Et le cœur plus sourd
Les ans qui le pincent.
Nul n’entend que nous
La poulie qui grince,
Le seau est si lourd.

roman ce qu'il faut de nuitNous rencontrons cet homme, le narrateur alors qu’il a perdu sa femme après l’avoir accompagnée de longues semaines à l’hôpital. « La moman » comme il la nomme, disparue, il vit donc seul avec des deux fils, Fus adolescent et Guillou, le cadet. L’existence est atone, la maison morne mais la vie coule paisible puisqu’il y a de l’affectation entre eux et avec les voisins, comme « le Jacky » l’ami de la famille.

Le père travaille à la SNCF, et est engagé politiquement à gauche mais sans être pour autant un militant actif. S’il se rend encore à la section rencontrer ses collègues c’est pour élargir les pans de sa vie sociale rétrécie qui ne s’anime que les dimanches de match, lorsque son fils Fus joue ou qu’ils se retrouvent au bord du stade pour supporter l’équipe de Metz.

Une vie sans péripétie dans un village endormi de Meurthe et Moselle, mais « où au mois d’août, la lumière vers les cinq heures de l’après-midi est la plus belle de toute l’année. Dorée, puissante, sucrée et pourtant pleine de fraicheur. »

C’est un poème, d’une écriture douce et simple, parfois légère malgré l’apprêté qui sournoisement se glissent dans les creux des liens tissés. Un drame se noue et on tourne la tête de gauche à droite pour savoir d’où la catastrophe va monter. Elle viendra de l’extrême droite… C’est une confidence, le narrateur nous glisse à l’oreille le récit poignant de « son Fus » à la dérive. C’est une mise en abyme de la relation père-fils que tout va finir pas opposer sans rémission.

L’éducation, la transmission sont-elles des valeurs solubles dans la volonté d’émancipation d’un fils qui cherche à se construire envers et contre son père, plutôt que de risquer de lui ressembler ? C’est un caillou poreux qui laisse passer les ombres et la lumière des derniers pas que le père va refaire vers son fils.

Si l’on comprend que la saison des mirabelles n’aura pas le même goût l’année prochaine, on ose à peine refermer le livre ou doucement, en reposant la couverture sur un chagrin gouffre.

Véronique Sousset

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Laurent Petitmangin. Photo DR

L’auteur: Laurent Petitmangin

Laurent Petitmangin est né en 1965 en Lorraine au sein d’une famille de cheminots. Il passe ses vingt premières années à Metz, puis quitte sa ville natale pour poursuivre des études supérieures à Lyon. Il rentre chez Air France, société pour laquelle il travaille encore aujourd’hui. Grand lecteur, il écrit depuis une dizaine d’années. « Ce qu’il faut de nuit » est son premier roman.

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