soyons à la page denis podalydes
"Soyons à la page" : Denis Podalydès publie «En jouant, en écrivant. Molière & Cie » (c) Bénédicte Roscot

« Soyons à la page ». Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec « En jouant, en écrivant. Molière & Cie », le nouveau livre de Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, pour un hommage et une réflexion sur Molière ; on enchaîne avec « Le jongleur », le passionnant récit biographique de la Polonaise Agata Tuszynska qui s’est plongée dans l’univers de Romain Gary, et on achève la semaine avec « Le temps est une mère », le recueil de l’Américain d’origine vietnamienne Ocean Vuong qui magnifie la poésie libre et libérée. 


Soyons à la page avec Denis Podalydès, Agata Tuszynska et Ocean Vuong


soyons à la page
« Soyons à la page » : « En jouant, en écrivant Molière & Cie » de Denis Podalydès

DENIS PODALYDES : « En jouant, en écrivant. Molière & Cie »

Encore et encore, il aime rappeler que, pour lui, Molière fut la « porte d’entrée du théâtre ». En 2022, pendant toute l’année, fut célébré en France le 400ème anniversaire de la naissance de l’auteur de, entre autres, « Tartuffe » et des « Fourberies de Scapin ».

Pendant cette même année, Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française (« la maison de Molière » à Paris), a « rédigé des préfaces et des notes personnelles, répondu à des journalistes, joué Orgon dans « Tartuffe » et repris deux mises en scène ».

Profitant de cette commémoration, il a réfléchi, s’est interrogé sur ce « besoin presque « buccal » que j’ai de Molière », sur ce goût viscéral et sensuel qu’il éprouve à la fréquentation des mots de l’auteur du « Bourgeois gentilhomme ».

Et il a consigné le tout- qu’il propose, aujourd’hui, en un recueil joliment titré « En jouant, en écrivant. Molière & Cie ». Une fois encore, Podalydès confirme qu’il est, de l’époque, le meilleur auteur qui joue la comédie et met en scène. Et, au fil des pages de ce nouveau texte délicieusement écrit, il prend un joyeux plaisir à rappeler qu’un auteur classique, à commencer par Molière (1622- 1673), doit être considéré comme un « contemporain, neuf, pertinent et subversif mais aussi fragile, difficile et discutable ».


LIRE AUSSI « La Danseuse » de Patrick Modiano : le roman du devoir de mémoire


soyons à la page
« Soyons à la page » : « Le jongleur » de Agata Tuszynska

AGATA TUSZYNSKA : « Le jongleur »

Se lancer dans un chantier immense tout en se disant, au moment d’y entrer, qu’on ne le cernera jamais… Voilà le sujet auquel s’est trouvée confrontée l’auteure et historienne polonaise Agata Tuszynska quand elle s’est plongée dans son nouveau livre, « Le jongleur ».

Le sujet du chantier : partir à la découverte du romancier et diplomate français d’origine russe Romain Gary (1914- 1980). Tenter un récit biographique de l’auteur de « La Promesse de l’aube » relève de la folie tant Gary, né Roman Kacew, a passé ses jours et ses nuits à jouer et déjouer, à passionner et dépassionner sa vie. Il y eut cette enfance auprès de sa mère à Vilnius, dans le ghetto de Wilno.

Il y eut ce demi-frère mort très jeune mais dont il n’a jamais évoqué l’existence. Il y eut le mystère du père… sans oublier, bien des années plus tard, l’épisode Emile Ajar, cet écrivain fantôme, ce double en littérature avec lequel il se joua des jurés Goncourt. Agata Tuszynska a tenté, dans cet immense chantier que sont la vie et l’œuvre de Gary, d’y trouver des lignes de force. En avançant dans son travail, elle a trouvé des points communs entre sa vie et celle du romancier : elle aussi a grandi seule auprès sa mère, est juive et héritière d’une histoire marquée par la Shoah…

  • «Le jongleur» d’Agata Tuszynska. Traduit par Isabelle Jannès-Kalinowski. Stock, 568 pages, 25 €.
soyons à la page
« Soyons à la page » : « Le temps est une mère » de Ocean Vuong

OCEAN VUONG : « Le temps est une mère »

Souvent, il confie : « Le roman est une expérience terrestre, le poème est une marche sur la Lune ». Puis, à 35 ans, Américain d’origine vietnamienne, il ajoute : « Je me sens beaucoup plus à mon aise dans cette suspension du poème ».

Ces années passés, on l’avait remarqué pour deux textes vertigineux : « Ciel de nuit blessé par balles » (2016) et « Un bref instant de splendeur » (2019). En cet automne, on le retrouve avec « Le temps est une mère », éblouissant texte aux allures d’OLNI- objet littéraire non identifié.

En effet, ce qui, chez certains OS (ouvriers spécialisés) de la chose écrite et autoproclamés poètes, ne serait que bazar se présente, avec Ocean Vuong, sous les allures de l’élégance, du raffinement et de la folie douce.

Ainsi, au fil des pages, le poète déroule émerveillements et traumatismes- il avoue ne pas écrire plus de cinq à six poèmes par an, et ne toujours pas amis la mort de sa mère manucure analphabète en 2019, terrassée par le cancer.

Dans ce « journal poétique », on lit de courts textes, des tercets, un poème qui déroule les actions à l’envers et même des listes d’achats effectués sur Amazon… et de nombreux moments de grâce suspendue, tel : « Ô ma sœur, graine semée- aide-moi- / je suis là pour mourir mais je compte bien rester ».

  • « Le temps est une mère » d’Ocean Vuong. Traduit par Marguerite Capelle. Gallimard, 128 pages, 16 €.

Serge Bressan

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.