Bertrand Belin(c)Ph. Lebruman (sdp)
Bertrand Belin (c)Ph. Lebruman (sdp)

Le chanteur d’ »Hypernuit » revient avec l’album « Cap Waller ». Un petit trésor de chansons folk-rock aux ambiances impressionnistes porté par une belle langue poétique, avant son concert au Trianon.

Bertrand Belin est le plus énigmatique des chanteurs. Depuis ses débuts en 2005, il cultive un certain mystère donnant à ses chansons des formes faisant écho à une abstraction poétique, dans lesquelles l’imaginaire s’évade avec bonheur. Après Parcs, le songwritter, originaire de Quiberon en Bretagne, revient avec Cap Waller. Un lieu pas vraiment défini inspiré du nom de Hugh Waller, un musicien de Sheffield en Angleterre (où il a enregistré son album) : « Il s’est éteint l’année dernière, confie-t-il. C’était un chanteur exceptionnel, avec un répertoire magnifique de musiques de luttes d’ouvriers. »

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L’auteur d’Hypernuit, qui se plaisait à ralentir le tempo pour mieux favoriser des climats sonores comme en apesanteur, offre ici des ambiances folk aux rythmiques plus enlevées. C’est presque dansant parfois, à l’image de Que tu dis, chanson construite en plans cinématographiques, mettant en scène un personnage voyant une silhouette lointaine qui se précise « à mesure qu’elle approche », dit Belin. Dans Folle Folle Folle, on aperçoit une autre silhouette marchant entre deux flaques de boue, dans un décor de pluie, un mot qui revient souvent dans son univers, « c’est comme dans un haïku japonais, quand on n’a pas beaucoup de temps pour dire les choses, un mot suffit pour dire dans quelle saison on est ».

Des obsessions liées à la notion d’isolement, 
de rupture, de déclassement…

Bertrand Belin dit volontiers que « l’équation fondamentale de cet album, c’est l’individu et le groupe ». On y retrouve ses obsessions liées à la notion d’isolement, de rupture, de déclassement. Comment explique-t-il cette attirance ? « C’est une crainte profonde, avoue-t-il, et une sollicitation du quotidien. Je vis en ville et suis sensible aux luttes individuelles que j’observe autour de moi. » Altesse traduit ainsi la misère sociale d’un homme dormant dans un hall de banque : « Quand je me lève et que je mets un pied dans la rue, je vois partout des gens par terre. » Il y a aussi Au jour le jour où le chanteur observe la ville et son aspect animal : « C’est la cité qui travaille à la digestion des destins. » Dans le Mot juste, il traite de la notion d’absence, d’exil et de déchirure au moment du départ, sans qu’aucun lieu ne soit là encore précisé : « C’est la mécanique des adieux. Il y a quelques années, c’est nous qui étions projetés sur les routes. L’exil forcé ne concerne pas seulement la géopolitique, mais les gens qui prennent la décision de partir avec ce que cela implique d’espérance, de déracinement. »

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Plus on écoute Cap Waller, plus on est envoûté par la voix grave de bluesman contemporain qu’est Belin. Loin d’être explicatives, ses chansons aux contours impressionnistes lui ressemblent. Aux questions qu’on lui pose, il préfère les chemins de traverse, se ménageant une sorte d’entre-deux où l’on est prié de trouver réponse et accessoirement sa vérité. Il parle d’écriture, pas forcément minimaliste à ses yeux, et de manière de dire les choses selon que l’on aborde une chanson ou un roman : « Dans mon livre Requin (Éditions POL), je travaille autrement la langue. La chanson est plus immédiate. C’est quelques mots dans un temps très court. C’est un autre moyen, une autre écriture. »

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Méconnu du grand public, Bertrand Belin réfute l’idée d’être un artiste en marge : « Dans mon premier disque en 2005, il ne me semble pas qu’il y avait des chansons construites pour me mettre sur la marge. Porto, Terminus Le Tréport, le Colosse, la Longue Danseuse… si elles ne sont pas devenues des tubes, c’est peut-être à cause de ma façon de les défendre en termes d’image ou autre, ce dont je me suis toujours désintéressé. » Et si Cap Waller le faisait enfin entrer dans la lumière ?

  • Album Cap Waller chez Cinq7. Le 15 décembre 
au Trianon  80 Boulevard de Rochechouart Paris 18ème.

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