Inna1bisLa chanteuse malienne revient avec Motel Bamako. Un album au groove hip-hop électro où elle évoque le Mali en guerre ou les migrants 
de Lampedusa. Un disque de rupture pour l’interprète du tube pop-soul « French Cancan », dans lequel elle renoue avec ses racines africaines.

Inna Modja est une jeune femme étonnante. Chanteuse et mannequin, on la croyait plus attirée par la mode et une pop-soul à l’esprit French Cancan, tube de son 
deuxième album Love Revolution. Depuis ses débuts en 2009, la chanteuse a beaucoup évolué et revient avec Motel Bamako, un « album engagé », dit-elle, dans lequel la chanteuse malienne se dévoile et renoue avec ses racines africaines : « J’avais envie de repartir de zéro, confie Inna Modja, de raconter mon histoire, chose que je n’avais jamais faite dans un album. »

« Allumer une petite lumière et dire je suis là ! »

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Née à Bamako, elle rend hommage à la génération de musiciens maliens, dont le Rail Band où Salif Keita a commencé : « Je n’ai jamais tourné avec lui mais il a supervisé mon apprentissage quand j’avais 15 ans. Il m’a envoyé auprès du Rail Band parce que c’était symbolique pour lui, que je me forme à la musique, là où lui et tellement d’autres musiciens avaient commencé. » Arrivée en France à 19 ans après son bac, elle s’est lancée dans la musique avec un premier album, Everyday Is a New World, aux ambiances folk acoustiques. Une manière pour elle « d’allumer une petite lumière et de dire je suis là ! » sourit-elle. Elle se positionnait comme une sorte de conteuse d’histoires derrière lesquelles elle se cachait un peu. Dans Love Revolution, elle parlait de Paris où elle vit désormais, sur fond de blues et de R&B. Avec Motel Bamako, elle se fait douce ou guerrière et privilégie les sonorités issues du hip-hop, de l’électro et des musiques traditionnelles. Une fusion très réussie où elle chante en anglais mais aussi en bambara, sa langue natale, entre guitares mandingues, kora, flûte peule et boucles électro : « Cela faisait sens pour moi de m’exprimer dans un genre plus hip-hop, le courant musical le plus important en Afrique après la musique traditionnelle. Dans les années 1990, quand le hip-hop s’est propagé partout, ça a été un moyen pour les jeunes d’exprimer leurs frustrations, de dénoncer ce qu’ils trouvaient injuste dans la société. » Chanter en bambara était tout aussi essentiel pour elle : « C’était le moyen le plus juste de raconter d’où je viens. »

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Motel Bamako va permettre de redécouvrir la chanteuse, qui a trouvé en elle la force de s’exposer en racontant son propre parcours et sa culture malienne. La chanson Tombouctou évoque ainsi les blessures de son pays meurtri par la guerre qui sévit au nord : « Personne n’aurait pu imaginer que trois ans après, la guerre continuerait, souligne-t-elle. La moitié du pays est occupé. Le Mali est un pays laïc où l’islam et le christianisme cohabitent parfaitement. Et de savoir que dans certaines parties du Mali la charia a pu être appliquée, que des femmes ont été obligées de se voiler contre leur gré, c’est contraire à tout ce en quoi je crois. Il y a une fracture dans le pays. En tant que Malien, on ne peut pas juste s’asseoir et attendre de voir ce “qu’ils vont décider là-haut, ce qui va se passer”. On veut un pays libre, un Mali indivisible et que les gens qui habitent au nord soient libres. » Il est aussi question des migrants et de Lampedusa dans la chanson Boat People, interprétée avec la grande chanteuse Oumou Sangaré : « C’est une chanson que j’ai écrite il y a deux ans au moment du naufrage d’une embarcation là-bas. Les gens fuient la guerre, la misère, la difficulté, le manque d’opportunité, d’espoir, pour venir. S’ils sont dans cette situation, le monde entier est responsable. À un moment donné, il faut tendre la main aux autres, sinon on ne s’en sortira pas. » Autant de sujets qui traversent son album et rejoignent un autre combat d’Inna Modja, celui de la lutte contre l’excision, dont elle a été victime à l’âge de 4 ans, à l’insu de ses parents : « Je travaille avec les Nations unies où on est en train de mettre des choses en place pour éradiquer l’excision en Afrique. Il faut de l’éducation, de la prévention, de la communication pour que les mentalités évoluent. » Elle qui a pu bénéficier d’une chirurgie réparatrice a choisi de se battre et de parler de ce qui reste un sujet tabou pour nombre de femmes excisées : « La réparation a changé complètement ma vie. Le fait de récupérer quelque chose que je pensais avoir perdu et qui est pour moi un symbole de la féminité, ça a été comme reprendre ma vie en main, avoir le choix et pouvoir dire : “je suis propriétaire de mon corps dont je dispose comme de ma vie”. »

Album Motel Bamako, Warner Music. Tournée en France jusqu’au 22 avril.

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