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Le compositeur Jean-Claude Petit, nouveau président du conseil d’administration de la Sacem, explique en quoi le droit d’auteur est fondamental 
à la création.

Au Midem, ce dimanche 2 février, lors d’une conférence, vous prendrez la parole 
en tant que nouveau président du conseil d’administration 
de la Sacem. Quel sera le sens de votre message ?

Jean-Claude Petit. Il s’agit d’une assemblée d’éditeurs et de producteurs de musique. Je vais donc leur parler chiffres, bilan et enjeu de l’industrie de la musique. Avec Jean-Noël Tronc, notre directeur général, nous ferons le bilan financier de l’année, de nos projets, de nos nouveautés, de nos initiatives et de nos combats. Car le droit d’auteur continue d’être un combat. Et dieu sait s’il est difficile chaque année et que nous avons des adversaires obstinés !

La Commission européenne vient de lancer une consultation publique sur une révision du droit d’auteur justement. Craignez-vous les conséquences de cette initiative ?

Jean-Claude Petit. Ce qui nous inquiète, c’est qu’on a toujours eu du côté des grands industriels une certaine opposition au droit d’auteur parce que c’est eux qui le paient sur Internet. Les gens de Google bien sûr ne doivent pas être de chauds partisans du droit d’auteur. Nous devons donc négocier avec eux. Mais il y a aussi les politiques qui prennent le relais par méconnaissance de ce qu’est notre droit. Méconnaissance non seulement de ce qu’est la 
Sacem mais de toutes les sociétés d’auteurs, en particulier européennes, qui sont unies dans ce domaine. Les politiques prêtent souvent une oreille un peu complaisante à nos adversaires qui pratiquent un lobbying intense. Il y a à droite et à gauche des gens qui, au nom de la liberté, aimeraient nous priver de notre liberté à nous, auteurs. C’est ne pas comprendre que le droit d’auteur reste le salaire des auteurs et des compositeurs. Nos sociétés de droits sont des coopératives ouvrières et je tiens au mot. Car nous gérons nous-mêmes notre maison. Nous mutualisons l’argent que nous collectons et nous nous organisons pour protéger nos sociétaires, y compris socialement.


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Les usages du numérique sur Internet ont bouleversé le paysage des musiques actuelles et leur consommation. Pensez-vous qu’il soit possible d’améliorer le partage de la valeur entre les créateurs et les grands opérateurs du numérique, tel Google, etc. ?

Jean-Claude Petit. Mais le partage de la valeur a toujours été une négociation entre nous et les médias. Ainsi, nous négocions avec la télévision, avec les discothèques, avec les radios. Nous négocions avec Google et YouTube. C’est toujours un rapport de forces. On essaie de l’exercer avec nos amis anglais, espagnols, italiens, allemands et même américains en étant une puissance qui représente les créateurs, et nous sommes tristes de voir que peu de politiques nous relaient réellement dans ce domaine. Être auteur-compositeur, c’est un métier. Ce n’est pas juste un idéal. Je trouve sidérant que certains ne le comprennent pas et prônent la gratuité sur Internet. Je dis toujours : si vous voulez la gratuité, moi je ne paie plus ni mon gaz ni mon électricité parce qu’après tout, ce sont des tuyaux. Qu’est-ce que c’est d’autre Internet ? Un tuyau ! Quand on négocie avec 
YouTube, on obtient le droit d’auteur, parce qu’ils se rendent compte que le jour où il n’y aura plus de créateurs, ils n’auront plus rien à diffuser. C’est nous qui écrivons toute la musique soi-disant gratuite mais payée par les abonnements des consommateurs. Il faut que le public le comprenne mais aussi les politiques, et curieusement, c’est assez difficile.

La Sacem a initié un Panorama sur les industries culturelles 
et créatives récemment publié. Quel est l’objectif recherché 
à travers cette étude ?

Jean-Claude Petit. On parle souvent de la musique, du cinéma, de la peinture et des arts en général, sans dire ce qu’ils génèrent. C’est-à-dire des spectateurs, des auditeurs, des recettes, de la publicité, une industrie même. Il fallait montrer que c’est une industrie qui rapporte de l’argent à tout le monde et qui rapporte des emplois. Plus il y a de spectacles, de concerts, de films… plus il y a de spectateurs qui se cultivent, qui s’enrichissent et participent ainsi à l’économie du pays. On voulait que les politiques, qui sont les destinataires premiers de ce Panorama, se rendent compte que, quand ils attaquent nos droits, ils attaquent aussi l’emploi.


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Comment appréciez-vous
la proposition du CSA, qui a entraîné une réaction très vive des sociétés d’auteurs et de la filière musicale, d’assouplir le régime des quotas de chansons françaises sur les radios ?

Jean-Claude Petit. Cela au nom de la modernisation ! Cela veut dire moins de salaires, moins d’emplois, moins de droits. Si on ne défend pas notre identité, d’autres le feront. La chanson française est une réalité et doit être bien exposée à la radio. Cela ne veut pas dire qu’on rejette les productions étrangères, au contraire. J’ai été pianiste de jazz, je suis le premier à aimer la musique américaine. L’idée du CSA, c’est de diminuer les quotas au profit de la chanson en anglais avec le prétexte que les chanteurs français chanteraient maintenant en anglais. Or, quand vous voyez la production, vous vous apercevez que l’immense majorité des artistes chantent en français. Qui vend le plus de 
disques aujourd’hui ? C’est Stromae qui est belge, mais il chante en français.

La place de la musique 
à la télévision se réduit 
de manière dramatique avec de nombreuses disparitions d’émissions de variétés. Quelle réflexion cela vous inspire ?

Jean-Claude Petit. Il y a beaucoup de musique à la télévision. Par contre, l’exposition de la chanson, sous toutes ses formes, est très maigre. Une émission comme Alcaline passe à 23 h 30 ! Vous avez les héritiers des radios crochets, tel The Voice qui est diffusé à un bon horaire mais dont la moitié des chansons sont en anglais. En dehors de cela, l’exposition des jeunes talents est pratiquement absente à la télévision, laquelle a beaucoup de mal à programmer des émissions de variétés avec des artistes de toutes les générations. Là aussi, il y a un combat à mener.

Midem du 1er au 4 fevrier. Cannes (06). infos : www.midemfestival.com

Pétition pour le droit d’auteur 
en Europe :

« Oui à la culture, 
non au démantèlement du droit d’auteur en Europe ». À quelques 
mois des élections européennes, 
les créateurs se mobilisent en lançant une pétition destinée à faire entendre leur voix et « alerter les autorités 
sur la nécessité de faire de la culture une véritable priorité ». « Demandons dès maintenant aux institutions
européennes, aux candidats, 
partis politiques, chefs d’État… 
de soutenir et développer la culture, protéger les droits d’auteur… 
pour une Europe toujours plus 
riche » mentionne la pétition 
en ligne relayée par la Sacem : 
www.creatorsforeurope.eu/fr/

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=OVT06uzofYA&w=420&h=315]

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