Mission Lescure, nouveaux usages du Web, les professionnels de la musique se réunissent au Midem, à Cannes, pour sauver un secteur en crise.

Cannes (Alpes-Maritimes) Au Midem (Marché international du disque et de l’édition musicale), les graves difficultés économiques que connaîssent actuellement les enseignes Virgin en France et HMV en Angleterre, seront dans toutes les têtes.

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La société a muté et, aujourd’hui, ce n’est plus seulement les ventes physiques de disques qui sont touchées (moins 50 % depuis 2002), mais également les magasins et, plus largement, les industries culturelles de la musique, du cinéma ou du livre. Réunis au Palais des festivals de Cannes, les acteurs de la filière musicale vont devoir plancher sur la manière de s’adapter aux nouveaux usages du Web, marqués par la culture de la gratuité, tout en protégeant les contenus et les œuvres. C’est dans ce cadre que la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, a confié à l’ancien PDG de Canal Plus, Pierre Lescure, une mission de « concertation sur les contenus numériques et la politique culturelle à l’heure du numérique ». La mission devra permettre de préparer « l’acte II de l’exception culturelle » en favorisant création et diversité, retombées économiques, lutte contre la contrefaçon commerciale ainsi que l’accès par le plus grand nombre aux pratiques culturelles numériques.

C2CLe groupe C2C sera sur scène ce soir (27 janvier) au Magic Mirrors à Cannes

Si l’idée d’une mission de concertation a été plutôt bien accueillie, tous n’ont pas accepté d’y participer. La Quadrature du Net, UFC-Que choisir ou encore le Syndicat des artistes, musiciens, chanteurs, danseurs et enseignants (Samup) ont fait part de leurs réserves sur la mission Lescure : « Pour la troisième fois en cinq ans, la mission de définir les orientations des politiques portant sur la culture et Internet est confiée à une personne fortement impliquée dans les intérêts privés de la production, distribution et promotion des médias… » Réagissant à cette tribune (1), le syndicat Adami, représentant les artistes-interprètes, a estimé, pour sa part, vouloir « laisser une chance à ce gouvernement de se saisir enfin de la question du partage de la valeur et de la rémunération des artistes sur Internet ». Et pourtant, ajoute l’Adami « que de désillusions après les missions Olivennes, Création et Internet, Hoog… Un nouvel échec serait dramatique ». Les professionnels ont une marge d’action d’autant plus réduite que, pour la première fois, sous un gouvernement de gauche, le budget du ministère de la Culture a diminué de 110 millions, soit une baisse de 4,3 % ! « Est-ce là le lancement de l’“acte II de l’exception culturelle ?” a réagi aussitôt le PCF. N’y a-t-il pas là une incohérence incompréhensible de la part d’un gouvernement qui affirme haut et fort que l’éducation et la jeunesse sont les priorités majeures du quinquennat, et qui considère que la culture ne fait pas partie de cette priorité ! »

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Autant dire que l’on joue serré. L’heure est au lobbying et aux négociations en coulisse des professionnels de la culture, dont la plupart ont souhaité être entendus. Un bilan d’étape de la mission Lescure, début décembre, a indiqué qu’une soixantaine d’auditions d’organismes et de personnalités avaient déjà eu lieu, près de quarante autres devant se dérouler avant l’élaboration de propositions pour le rapport qBIRDY HUNTui sera remis fin mars.

Birdy Hunt fait partie des nombreux artistes à découvrir au Midem

En ce qui concerne la musique, le rapport pointe une offre « dans l’ensemble riche et de qualité » en soulignant que la progression des ventes numériques ne compense pas l’érosion des ventes physiques. Les industries culturelles françaises sont confrontées à une prédominance américaine du marché qui a vu se développer des géants tels Google, Apple, Amazon, aux dépens des acteurs de la culture. « Il est crucial, indique le rapport, que l’industrie de la culture adopte une attitude offensive dans sa conversion au numérique. » S’agissant de la lutte contre le piratage, la mission estime que « la réponse graduée », instaurée par l’Hadopi, fait « l’objet de nombreuses critiques ». Des pistes sont ainsi avancées pour lutter contre les sites illégaux, comme l’idée de « mieux responsabiliser les hébergeurs », « réduire la visibilité de l’offre illégale en agissant sur les référencements par les moteurs de recherche » ou « assécher les sources de revenus des sites contrevenants ». Au cœur de tout cela, la question de la défense du droit d’auteur reste primordiale. Auditionnée, la Sacem rappelle que si l’on veut faciliter l’accès pour tous à la musique, il faut « mettre en œuvre une régulation moderne ». Parmi les solutions, un axe pourrait ainsi passer par une « TVA à taux réduit sur la culture en ligne » (2).

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Pour Jean-Noël Tronc, directeur général de la Société d’auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, « il faut en finir avec l’exception numérique » dont bénéficient les technologies de l’information. Selon lui, la question majeure que devra trancher la mission Lescure est celle du « partage de valeur entre les industries culturelles d’un côté et les industries électroniques, informatiques et Internet de l’autre, c’est-à-dire les fabricants de terminaux et les grands services marchands d’Internet » (3).

(1) Libération 25 et 27 septembre 2012. (2) Site Touspourlamusique. (3) Les Échos 21 janvier 2013.

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