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ENTRETIEN. Le chanteur revient avec « Très souvent, je pense à vous ». Un album éminemment sensible aux mélodies mélancoliques où il reprend quinze classiques de la Dame en noir, qu’il admire depuis son enfance.
 

Vous rendez un magnifique hommage à Barbara à travers cet album.

Comment avez-vous abordé son univers ?

Patrick Bruel: Barbara, c’est un peu toute ma vie. J’y suis très attaché depuis l’âge de 8 ans, depuis que j’ai découvert cet album Bobino, enregistré en 1967 et ces chansons Madame, À mourir pour mourir, Ma plus belle histoire d’amour. Pourquoi un enfant de 8 ans était-il touché comme ça, par ces mots ? Pourquoi l’adolescent que j’étais a eu besoin qu’elle dise les mots qui ne pouvaient pas sortir ? Pourquoi j’ai vu tous ses concerts à partir de 1974 ? Ce sont des questions auxquelles j’ai peut-être fini par répondre avec cet album. J’avais déjà chanté Vienne en concert et Dis quand reviendras-tu une ou deux fois, mais toutes les autres chansons du disque, je ne les avais jamais interprétées. Je les ai approfondies en les chantant, avec quasiment une prise à chaque fois. Cela fait plus de quinze ans que je me pose la question de quand je chanterai Barbara ? Et lorsque j’ai fait l’Opéra-Garnier où j’ai interprété Vienne avec un orchestre symphonique, j’ai ressenti une telle émotion ! Je ne pouvais pas en rester là. J’ai essayé de faire miennes les chansons de Barbara, qui, au niveau de leur propos me correspondent. Je me sens bien avec ce que ça dit et la manière dont ça le dit. J’ai voulu le faire dans un immense respect mais pas dans un respect béat et tiède. Il y a des audaces dans les arrangements, dans la couleur.

Est-on impressionné quand on reprend un répertoire aussi mythique ?

Patrick Bruel: On est impressionné, comme tout acteur qui reprend Molière ou ­Shakespeare. Je suis obligé à ce moment-là de m’intéresser à l’auteure Barbara et pas à l’interprète qui m’a tellement donné. Je n’ai pas voulu aller dans une imitation, un total look, et puis je suis un homme. C’est un avantage forcément pour essayer de faire un peu oublier l’interprète féminine. C’est ce qu’avait dit Barbara quand elle avait chanté Brel et Brassens.

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On vous sent presque intimidé sur l’Aigle noir …

Patrick Bruel: C’est une chanson tellement connue qu’elle a été la plus difficile à envisager. J’ai voulu que ce soit assez pop, dans une ambiance qui se balade entre Muse et Pink Floyd. Je voulais rester sobre et montrer un côté très intime de la voix avec quelque chose de plus grand derrière qui monte avec des milliers de guitares qui tombent sur elle.

Qu’avez-vous appris de toutes ces chansons ?

Patrick Bruel: Quand je chante Ma plus belle histoire d’amour, Nantes, ça me traverse le corps. Je raconte forcément un peu de mon histoire. Comme, lorsqu’on va jouer un rôle, on amène aussi quelque chose de soi. J’ai apporté beaucoup de choses personnelles et j’ai fait un grand voyage avec ce disque. C’est ce que j’ai fait de plus intime jusqu’à présent. Je suis allé loin en moi. Je suis retourné dans mon enfance, mon adolescence, mon parcours, dans mon histoire avec mon public. J’y suis retourné avec Barbara que j’ai rencontrée et qui m’avait témoigné une immense tendresse. Quand on ouvre l’album, il y a de très belles photos et sous la rondelle, la reproduction d’un des fax qu’elle m’avait envoyés où elle termine par « Très souvent, je pense à vous avec tendresse et force. » J’ai repris à mon compte la phrase dans le titre du disque, pour le lui dire à elle. C’est plus qu’un simple hommage. C’est « moi aussi, Madame, je vous remercie de vous ». Elle m’a beaucoup donné, apporté.

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La chanson le Mal de vivre pourrait renvoyer à ce que nous vivons, non ?

Patrick Bruel: Complètement, mais ça se termine par la joie de vivre. Cette chanson, c’est rester debout malgré cette chape qui vient vous prendre, se glisse de manière insidieuse, vous écrase. Il y a cet instinct de survie qui oblige à regarder devant, à vous dire « c’est possible ». Au bout de chaque tunnel, il y a une éclaircie, une manière de se relever, le goût de vivre. Cette chanson est pour moi la plus forte du disque. Elle résume Barbara qui a tellement souffert.

Quels sentiments vous inspirent les attentats du 13 novembre ?

Patrick Bruel: Je me sens, comme 99 % des gens, spectateur impuissant d’un drame annoncé. On est encore dans l’émotion. La plaie est très ouverte. On a besoin de silence et de réunion. Les gens veulent comprendre. Comment expliquer l’inexplicable, l’insupportable, l’inqualifiable ? Le cri après Charlie, c’était « Plus jamais ça ». Aujourd’hui, il s’avère que ça n’a pas pris son sens. Dans mon premier tweet, j’ai écrit : « Horreur, tristesse, jusqu’à quand ? » Qui va répondre à ça ?

Très souvent, je pense à vous , chez Sony Columbia.
Une voix émouvante et tout en retenue pour Barbara.Patrick Bruel rêvait de rendre hommage 
à Barbara, qu’il a longtemps admirée en secret avant d’oser l’interpréter. Il lui dédie aujourd’hui un magnifique album aux arrangements sobres ou audacieux mêlant mélodies électro-pop (l’Aigle noir) 
et ambiances dépouillées où les notes 
de piano tombent comme des gouttes de pluie sur Nantes. Un univers mélancolique qui va bien à la voix émouvante de Bruel, qui revisite avec justesse et sensibilité le répertoire de la Dame en noir. Très souvent, je pense à vous, lui avait-elle écrit un jour. 
Il lui retourne le compliment avec cet opus tout en retenue, le plus intime du chanteur.

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