Julien Masdoua : rencontre avec un grand amoureux du théâtre

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Julien Masdoua, acteur de télévision, mais aussi un grand amoureux du théâtre. /DR

Interview/ Julien Masdoua. Il y a de petits miracles dans les rues du Festival Off d’Avignon. Comme cette surprise de découvrir un tractage de Julien Masdoua, que nous connaissons depuis sept ans dans Un si grand soleil, la série quotidienne de France Télévision. C’est un personnage engagé et très sympathique aperçu tous les soirs à la télé et qui sort de l’écran, là, dans la célèbre rue des Teinturiers, pour jouer un tout autre rôle. Acteur de télévision il est aussi et d’abord un homme de théâtre, que nous avons pu voir dans Théâtrophobia, le spectacle qu’il vient de présenter à Avignon, dont nous avons rendu compte dans We Culte. Mais le théâtre est pour lui bien plus que cela, comme nous allons nous en rendre compte dans l’entretien qu’il nous a accordé. Rencontre avec un homme chaleureux, passionné et surtout un grand amoureux du théâtre.

Le théâtre vous prend beaucoup de temps à côté de la télévision ou du cinéma ?

Julien Masdoua : Je réalise une création quasiment tous les ans depuis 1996. Les tournages c’est la journée et la semaine et le théâtre c’est plutôt le soir et le week-end. Mais il y a des journées de création où c’est toute la journée le théâtre et des journées de tournage où c’est jour et nuit le tournage. Et c’est vrai, je ne prends pas souvent de vacances car l’écriture prend aussi énormément de temps. J’ai adapté En attendant Godot, j’ai travaillé sur Othello et j’ai fait un spectacle autour de Shakespeare, qui reprenait beaucoup de ses textes. Mais 99% du temps je travaille sur des textes que j’ai moi-même écrits.

De puis combien de temps existe La compagnie du capitaine, votre compagnie ?

Julien Masdoua : Ma compagnie de théâtre a fêté ses 23 ans cette année. Certains des acteurs sont la depuis le début comme Marion Trintignant et Gilles Serna. On a été rejoint ensuite par Vincent Cal et le noyau dur reste toujours présent. C’est une vrai troupe. Mais tout le monde a au moins une deuxième troupe qui les embauche ou une autre activité artistique. Ils travaillent majoritairement dans la compagnie et font des extras à côté.

Combien faites vous de créations chaque année ?

Julien Masdoua : Je crée quasiment un spectacle tous les ans. Mais j’ai souvent aussi des commandes. L’année dernière j’ai monté trois spectacles. Ce programme est fonction des opportunités et des envies.

Votre travail est-il très solitaire ?

Julien Masdoua : Quand j’ai une idée, j’en parle d’abord beaucoup avec les autres comédiens, je vais voir des films ou des spectacles et à un moment je dis stop. Je suis entièrement seul dans l’écriture. Il y a ensuite une phase de création, de mise en scène où on travaille tous ensemble, comme le fait une troupe.



Julien Masdoua dans Theatrophobia /DR

Comment avez vous créé Théâtrophobia, ce spectacle que vous avez présenté à Avignon cette année ?

Julien Masdoua : J’ai découvert par hasard l’existence de cette théâtrophobie qui est très rare mais qui existe vraiment. Elle est spécifique au théâtre. Je me suis dit que ça avait une valeur symbolique, l’image de cette société où les gens ne veulent pas aller au théâtre parce qu’ils ont peur du spectacle vivant, ils ont peur de s’ennuyer. Je me suis dit que j’allais élargir ça aux phobies en général. J’ai demandé aux comédiens ce qu’ils avaient envie de faire. Ils m’ont répondu : j’aimerais chanter, j’aimerais danser, j’aimerais faire de l’escrime. Un comédien m’a dit « j’ai 60 ans et je n’ai jamais été nu sur scène ». C’est ce que j’ai fait pour lui. J’ai tenu compte de tout ça pour que ce spectacle soit une fête pour toute la troupe.

Avez-vous voulu exprimer votre point de vue sur la place du  théâtre dans notre société ?

Julien Masdoua : J’ai voulu dire ce que dit le personnage de la pièce à la fin du spectacle : on ne vient pas au théâtre sans raison. Elle peut être au premier degré mais souvent il y a des raisons bien plus profondes. Quand le COVID s’est arrêté je me suis précipité au cinéma. Les salles étaient vides. On a repris nos activités tout de suite et c’était plein à craquer. Les gens ont besoin du contact humain et du théâtre.

Il y a eu des avancées technologiques faramineuses depuis un siècle mais il y a toujours des gens pour aller au théâtre. Je pense que ça fait partie de l’ADN de l’être humain. La représentation d’être humains par d’autres humains, c’est de ça dont j’ai voulu parler. Il y a dans le théâtre quelque chose de quasiment mystique. Il y a quelque chose de magique qui nous réunit, qu’on arrive pas très bien à expliquer, mais qui est absolument nécessaire. C’était un peu le message que je volais faire passer.

Je veux dire aux spectateurs « vous êtes les représentants de cette humanité qui n’abandonnera jamais le théâtre ». Je pense que c’est rassurant pour tout le monde que le théâtre continue de vivre. Quand je passe devant les librairies et que je vois la profusion de livres qui sont publiés, même si je ne lis pas tout, je trouve que c’est rassurant pour l’humanité

N’avez-vous pas émis aussi quelques critiques sur le théâtre d’aujourd’hui ?

Julien Masdoua : Dans mon spectacle il y a un personnage de fantôme qui est mon porte-parole. Il exprime mon point de vue personnel sur le théâtre. En tant qu’auteur de théâtre et d’acteur de la scène culturelle, c’est vrai, je n’aime pas beaucoup le théâtre trop facile, le café théâtre où il ne se passe rien et où on rigole beaucoup. Mais tant mieux. Ça n’est pas ma tasse de thé mais il faut que cela existe. Mais je n’aime pas non plus le théâtre élitiste où il faut avoir des codes pour pouvoir le comprendre. Je n’aime pas ces  spectacles où on souffre de ce manque de compréhension, où on sent que les acteurs sont loin de nous parce ce que le metteur en scène à mis cette distance entre eux et le public.

Entretien réalisé par Yves Le Pape

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Yves Le Pape