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Patrick Bruel intervient sur la scène du théâtre Antoine à Paris, lors d'une soirée contre l'antisémitisme en Europe le 3 juin 2024, organisée par la revue "La Règle du Jeu" (c) (Geoffroy van der Hasselt/ AFP)

Intense moment d’émotion lundi 3 juin au Théâtre Antoine, à Paris. A l’initiative de  la revue La Règle du jeu, dirigée par Bernard-Henri Lévy, de nombreuses personnalités, intellectuels, écrivains, artistes et quelques politiques ont tenu à participer à cette grande soirée de mobilisation intitulée « L’Europe contre l’antisémitisme ». Devant plus de 700 personnes, les intervenants se sont succédés sur scène pour dire leur inquiétude devant la montée de l’antisémitisme en France et la haine des juifs dans de nombreux pays européens. A l’image de Patrick Bruel qui a lancé « Comment a-t-on pu en arriver là, à nouveau ? ». Un texte fort et sensible dans lequel le chanteur « pleure l’histoire qui se répète » que We Culte présent ce soir-là, a choisi de publier.


Patrick Bruel : « Nous traversons des temps sombres, des temps qui peuvent faire basculer l’histoire à nouveau »


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Patrick Bruel et Bernard-Henri Lévy lors d’une soirée de mobilisation contre l’antisémitisme, au théâtre Antoine, à Paris, le 3 juin 2024 (c) AFP/Geoffroy van Der Hasselt

Plus de 700 personnes étaient réunies lundi 3 juin au Théâtre Antoine, à Paris. Une soirée de mobilisation organisée par la revue La Règle du jeu, dirigée par Bernard-Henri Lévy. Intitulé « L’Europe contre l’antisémitisme », l’événement a rassemblé de nombreuses personnalités, intellectuels, artistes, politiques, dont Yaël Braun-Pivet, Gérard Larcher, Président du Sénat, Anne Hidalgo, maire de Paris ou encore l’ancien Premier ministre Manuel Valls.

On notait également la présence de Sandrine Kiberlain, Yvan Attal, les écrivaines Christine Angot et Julia Kristeva, la rabbin Delphine Horvilleur et le grand rabbin de France Haïm Korsia.

Sur la scène du théâtre parisien, tous se sont succédés pour dire leur inquiétude devant la montée de ce nouvel antisémitisme qui se banalise en France et un peu partout en Europe. Parmi les interventions, on retiendra celle de Patrick Bruel : « Comment a-t-on pu en arriver là ? » a lancé le chanteur qui a évoqué ces « temps sombres qui peuvent faire basculer l’histoire à nouveau.»


Patrick Bruel« Comment a-t-on pu en arriver là à nouveau? Qu’est-ce qu’on a oublié de dire ou de faire ? Et surtout, pourquoi ? (…) Comme il est difficile de s’exprimer sur ce sujet (l’antisémitisme) car il faudrait déjà définir ce que c’est qu’être juif, mais c’est aussi impossible de comprendre les raisons de l’antisémitisme (…).
Ce soir, j’ai envie de faire ma scène de ménage avec Dieu et je lui hurle « pourquoi ? », mais il ne me répond pas. Quand on naît juif, peu importe si nous croyons en Dieu, si nous lisons la Torah ou si nous vivons selon ses préceptes, nous sommes un jour confrontés à une haine que nous ne savons pas expliquer. En naissant, nous devenons l’incarnation d’une question restée sans réponse d’un pourquoi qui a retentit pendant trois millénaires, de l’Egypte à l’Allemagne, de ghettos en pogroms, de l’Inquisition au génocide.
Ce soir je hurle en tant que juif certes parce que je ne suis jamais aussi juif que quand on me le rappelle. Mais je hurle aussi et surtout en tant que citoyen, citoyen français inquiet pour les valeurs républicaines et pour cet humanisme qui a fait dès qu’il le pouvait le progrès des civilisations (…).
Mais plutôt que de pleurer, faudrait-il en rire ? Ce rire de la résilience, de la résistance, de la croyance de la capacité des êtres à sortir de la nuit (…). Est-ce bien l’heure de rire ? Certainement, car nous traversons des temps sombres, des temps qui peuvent faire basculer l’histoire à nouveau (…). 
Que veulent dire ces cycles et ne sommes-nous pas depuis toujours les premières victimes quand l’obscurité risque de s’abattre sur l’humanité toute entière ?
L’exercice est difficile, mais il faut le mener, ne pas être dans l’excès, demeurer obsédé par la paix, ce don que les hommes parfois s’offrent à eux-mêmes et qu’il nous faut chercher. Chercher aussi la vérité quand tant de mensonges nous assaillent et aveuglent tant de gens sincères.
L’exercice de penser, de faire le choix de la nuance, de préférer la réconciliation au clanisme est difficile en ce moment. Et pourtant, en humanistes on se doit de tenir cette ligne, de sauver la raison, de nous unir pour retrouver la lumière, celle de Romain Gary, de Camus, celle de Barbara. Oui, car un enfant qui meurt qu’il soit de n’importe où est un enfant qui meurt  et qu’il est abominable d’avoir à choisir entre deux innocences.
Car avant tout, nous devons préserver l’essentiel. Et l’essentiel est de demeurer lucides, de demeurer libres, de demeurer forts. Mais le plus important est de demeurer audibles.
Alors, pourquoi ? Je reprends ma question de départ. Je suis sérieux. Est-ce que quelqu’un peut répondre à cette question ? Non. Pas de réponse. Remarquez, je comprends, je n’en vois pas une de valable (…). Ce soir je pleure l’histoire qui se répète, je pleure les silences assourdissants (…).
Au-delà des mots, qu’est-ce qu’on fait chacun à notre échelle ? A mon humble niveau, je propose tous les soirs pendant mes concerts un petit film qui date de 2004. J’avais réunis à l’Opéra de Versailles un pianiste palestinien et un pianiste israélien pour jouer à quatre mains un morceau de Mozart. Et tous les soirs huit mille personnes applaudissent ce moment de concorde. J’espère qu’ils pourront vite rejouer ensemble.»
Propos recueillis par Victor Hache

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