Les livres qu’on aime. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec « Le nageur éternel », le nouveau texte de Gilles Bornais, connu pour ses polars impeccables, qui invite à plonger dans le grand bain ou dans l’eau vive. On enchaîne avec « Norferville » d’un poids lourd XXL du thriller « à la française » : Franck Thilliez– et nous voilà embarqués, lecteurs, dans le Grand Nord québécois pour un roman de sang et de glace. On boucle la semaine avec « Pleurer au supermarché », le premier roman de l’Américaine Michelle Zauner, connue comme chanteuse d’un groupe indie-pop- on savoure sans modération son texte d’amour, de deuil et de cuisine…
GILLES BORNAIS : « Le nageur éternel »
L’aurait-on oublié, « la natation est vieille comme le monde ». D’entrée, dans « Le nageur éternel », Gilles Bornais nous rappelle cette vérité première et essentielle et cette sentence courante dans l’Antiquité qui voulait qu’un homme peu instruit ne savait ni lire ni nager…
Journaliste et écrivain, Bornais a été amené, enfant, à la natation pour soigner une vilaine blessure contractée dans un autre sport- c’est peu dire que la natation l’a alpagué ! En 2012, il avait écrit une fiction dédiée à la natation : « Huit minutes de ma vie », et en 2019, il publiait « Le Nageur et ses démons »– fort de ses plus de 30 000 kilomètres d’eau chlorée, il a repris le texte, l’a revu et actualisé. Certes, il évoque les champion.ne.s d’hier et d’aujourd’hui mais il ne manque pas d’en appeler à la littérature, à la philosophie, à la médecine ou encore à la physique pour écrire et chanter sa passion pour la natation. Pour toutes les nages.
En piscine, en eau libre ou en mer, la brasse, le crawl, le papillon, le dos, la nage indienne… Comme personne, Gilles Bornais sait évoquer le solfège de la nage, la souplesse du crocodile ou encore l’art d’être un baigneur. Avec un tel maître de nage, héros et anonymes peuplent, au hasard des lignes ou des cours d’eau, « Le nageur éternel ». Alors, on plonge !
- « Le nageur éternel » de Gilles Bornais. Editions Paulsen, 336 pages, 8 €.
FRANCK THILLIEZ : « Norferville »
Un roman de sang et de glace. Direction le Grand Nord québécois, « cet environnement incroyable, immense, très joli et en même temps très hostile parce que dangereux ». Avec, pour guide, un des maîtres du thriller « à la française », Franck Thilliez, 50 ans, 24 romans au compteur, dont le tout récent « Norferville » (premier tirage à 180 000 exemplaires !).
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Dans le décor de cette ville minière où la température peut descendre en-dessous des -20°C et où personne ne vous entend crier, le corps sauvagement mutilé d’une jeune fille a été trouvé, abandonné dans la neige à proximité d’une réserve autochtone. Ce corps, c’est celui de la fille de Teddy Schaffran, détective et criminologue à Lyon. Pas un instant, il ne s’interroge : il va à Norferville, il veut comprendre.
L’affaire est suivie par Léonie Rock, une flic métisse qui a grandi là et qui, ado, a été violée par trois inconnus. Teddy et Léonie se lancent dans une quête éperdue pour percer le mystère, pour trouver la vérité là où « c’est un enfermement extérieur, une fois qu’on est dans cette ville on est piégés, on ne peut pas en sortir ». Malgré l’hostilité de la nature et des hommes. Une fois encore, avec « Norferville », Franck Thilliez prouve qu’il sait à la perfection et en pleine liberté tisser les fils d’un bon thriller…
- « Norferville » de Franck Thillez. Fleuve Noir, 456 pages, 22,90 €.
MICHELLE ZAUNER : « Pleurer au supermarché »
La jeune femme, soudain, fond en larmes. Dans ce supermarché asiatique aux Etats-Unis, elle voit, là devant elle, des produits coréens. Immédiatement, arrivent les larmes- et le souvenir irrépressible de cette mère morte quand la narratrice avait 26 ans.
La narratrice, c’est Michelle Zauner– elle est la chanteuse et guitariste du groupe indie-pop Japanese Breakfast, et signe là son premier roman, « Pleurer au supermarché » (50 semaines sur la liste des best-sellers du « New York Times », vendu à plus d’un million d’exemplaires et un des livres préférés de Barack Obama).
Là dans ce supermarché, inconsolable, l’auteure remonte le temps avec, pour fil rouge, la cuisine- la passion de cette mère partie à jamais. La cuisine, les repas partagés… temps suspendu… Enfant, Michelle Zauner est trop asiatique pour les autres enfants, pas assez pour sa mère. A l’adolescence, elle a des difficultés avec sa mère, et file à l’autre bout du pays, y intègre un groupe rock, s’éloigne de ses parents.
Un jour, elle apprend que sa mère est malade- cancer. Les deux femmes vont se rapprocher, se retrouver, Michelle se marie, s’installe à New York et décide d’apprendre à cuisiner « comme ma mère ». Un grand roman sur la famille, la différence, le chagrin, le deuil, la cuisine et l’amour filial.
- « Pleurer au supermarché » de Michelle Zauner. Traduit par Laura Bourgeois. Editions Christian Bourgois, 320 pages, 22 €.
Serge Bressan