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"Dune" : une épopée magistrale sortie des sables © Warner Bros

Sortie cinéma « Dune ». Quand t’es dans le désert (depuis trop longtemps)… « Dune », roman de Frank Herbert (1920-1986) paru en 1965 et considéré comme le livre de science-fiction le plus célèbre, avait aussi jusqu’à présent la réputation d’être l’un des plus difficiles à adapter au cinéma. Ce n’est plus le cas avec le magistral film du réalisateur canadien Denis Villeneuve, sorti sur les écrans français mercredi 15 septembre.

Son « Dune » brise avec maestria la malédiction qui s’était abattue sur les deux précédentes adaptations cinématographiques: celle, avortée, du réalisateur franco-chilien Alejandro Jodorowsky en 1975 qui avait, dit-il, l’accord de Salvador Dali, de Mick Jagger, d’Orson Welles, de David Carradine, d’Amanda Lear et des Pink Floyd pour la musique; et celle de David Lynch dont le film, en 1984, connut un cuisant échec critique et public.


Cinéma. « Dune » : une épopée magistrale sortie des sables


Événement cinématographique de la rentrée

Pour ce « Dune » 2021, ce sera le contraire: les premières critiques ont été dans l’ensemble très élogieuses et le succès public semble assuré pour ce qui est à coup sûr –en attendant le dernier James Bond le 6 octobre– l’événement cinématographique de la rentrée.

C’est de la science-fiction mais l’histoire n’est pas plus compliquée qu’un Star Wars. On est en l’an 10191 et l’espace est gouverné par un empire féodal interstellaire, l’Impérium, qui confie à la famille Atréides le contrôle de la planète Arrakis. Désertique, dangereuse, inhospitalière mais stratégique, cette planète, également connue sous le nom de « Dune », est la source unique de « l’Épice », une drogue qui immunise contre les poisons, procure des facultés mentales surhumaines et rend possible la navigation interstellaire.

Vers de sable géants

Le duc Leto Atréides (Oscar Isaac), qui vit paisiblement sur la tranquille planète Caladan, emmène donc sur Arrakis sa concubine dame Jessica (Rebecca Ferguson), leur fils Paul (Timothée Chalamet) et ses soldats les plus fiables et les plus fidèles. Outre la fameuse Épice, la planète Dune, brûlée par le soleil, est connue pour ses vers de sable géants, longs de plusieurs centaines de mètres, qui attaquent à la moindre vibration.

On n’irait pas y passer une semaine de vacances mais elle abrite son peuple autochtone, les Fremen, aux yeux bleus translucides, qui vivent cachés dans le désert profond et sont dirigés par un certain Stilgar (Javier Bardem). Sorte de djihadistes soft, au nombre de 50.000, ils attendent un messie qui les libérera de l’oppression de l’Impérium.

Un piège

La famille Atréides ne manque pas d’ennemis, notamment la Maison Harkonnen, menée par le monstrueux, sanguinaire, adipeux et lévitant baron Vladimir (Stellan Skarsgard), furieux de se voir privé du contrôle d’Arrakis après 80 années d’exploitation de la planète et de harcèlement des Fremen. Leto Atréides a vite compris qu’accepter de gouverner Arrakis équivalait à tomber dans un piège tendu par ses ennemis. Son fils Paul aura-t-il les épaules assez larges pour l’aider à combattre les dangers qui s’annoncent?



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« Dune »: Timothée Chalamet est Paul, le héros du film, appelé à un destin hors du commun (©Warner Bros.)

Paul a des dons que d’autres n’ont pas. Outre le fait d’être polyglotte et entraîné au combat, il est télépathe (comme sa mère) et a des rêves prémonitoires. Il voit notamment en rêve une mystérieuse jeune femme membre des Fremen, Chani (Zendaya), dont il semble tomber amoureux. Mais il doute aussi de ses capacités à être le héros qu’attendent sa famille, ses proches, les Fremen, l’humanité tout entière –une humanité qui n’est qu’un petit grain de sable dans l’immensité cosmique…

Mots d’auteur

Comme beaucoup de films de science-fiction, « Dune » ne manque pas de mots d’auteur et de phrases un peu solennelles, à la limité de la banalité: « Au-delà de la peur, le destin attend », dit le slogan de l’affiche; « Les rêves sont des messages des profondeurs », dit la première phrase du film; « La peur tue l’esprit », dit Jessica, la mère de Paul; « Un grand homme ne cherche pas à diriger. Il est appelé à le faire. Et il répond », dit son père, Leto; « Les rêves font de belles histoires. Ce qui compte, c’est quand on est éveillé », dit le maître d’armes Duncan (Jason Momoa), l’un des mentors de Paul; « Un animal pris au piège dévorera sa propre patte pour s’échapper », dit Gaius Helen Mohiam (Charlotte Rampling), « Diseuse de Vérité » de l’empereur et révérende mère des Bene Gesserit, un puissant ordre féminin qui peut lire et manipuler les pensées; « Quand tu prends une vie, tu prends aussi la tienne », dit une voix off.

Le meilleur film de Denis Villeneuve

Mais les défauts de ce film hors du commun pourraient se limiter à cela, tant le reste est magistral, somptueux, grandiose. C’est bien sûr le meilleur film de Denis Villeneuve, réalisateur remarqué de « Sicario » en 2015 sur les narco-trafiquants à la frontière américano-mexicaine, qui est ensuite passé à la science-fiction avec « Premier Contact » en 2016 et « Blade Runner » 2049 en 2017, sortes de galops d’essai de ce « Dune ».

Le film, fort et émouvant, qui dure deux heures et demie qu’on ne voit pas passer (la première moitié est plus destinée à exposer la situation et les personnages et la seconde moitié davantage consacrée à l’action et aux combats), est remarquable dans son fond et dans sa forme.

Dans le fond car Denis Villeneuve rend l’histoire facile à comprendre, même pour ceux qui n’ont pas lu le livre. Au-delà de l’action et des rebondissements de l’histoire, le film, comme le livre, sonnent comme une réflexion globale (et très actuelle) sur le pouvoir politique, avec des dimensions sociale, écologiste, féministe, anticolonialiste, spirituelle, philosophique, voire mystique.

Grande richesse visuelle

dune épopee magistraleSur la forme c’est aussi une réussite car, à côté de nombreuses scènes intimistes, « Dune » offre de grands espaces et des séquences d’une grande richesse visuelle.



Tout est immense, majestueux, démesuré, dans des couleurs grise, ocre ou blanche: tempêtes de sable avec des vents de 800km/h; vaisseaux spatiaux massifs comme des mini-planètes ou ronds comme des œufs ou plats comme des doubles crêpes; dôme métallique des Harkonnen et atmosphère sombre à l’intérieur; vastes paysages verdoyants de la planète Caladan; blockhaus géants sortant de l’eau et s’immobilisant dans l’air; hélicoptères-libellules aux pales vibrionnantes; canyons et falaises écrasés de chaleur; bunker d’Arrakis et sa double rangée de palmiers-dattiers sacrés à l’extérieur, pénombre et lourdes portes à l’intérieur; milliers de mercenaires alignés sous la pluie et un genou à terre avant l’attaque; assaut nocturne avec explosions, raids de vaisseaux, débarquement de soldats et rayon laser bleu qui détruit tout; forteresse de béton enfouie dans le sable; attaques des vers géants à grande bouche, comme des avalanches horizontales où le sable remplacerait la neige; et, bien sûr, ces dunes de sable blanc à perte de vue.

Exaltant

Pour tout dire, le film est à l’image de la réplique de Paul quand il débarque sur Arrakis et qu’on lui demande comment il qualifierait son nouvel ordre de mission: « Exaltant –le mot est faible ». Un Timothée Chalamet omniprésent, traits fins, élégant, grand et mince, cheveux mi-longs, nez et menton pointus. L’acteur franco-américain de 25 ans a été révélé au grand public par « Call Me By Your Name » de Luca Guadagnino en 2017, puis vu récemment dans « Un Jour de Pluie à New-york » de Woody Allen et Les Filles du Docteur March de Greta Gerwig.

Une suite

À la fin de ce « Dune » qui est d’ores et déjà l’un des meilleurs films de science-fiction jamais tournés, l’un des personnages –on ne vous dit pas qui– dit: « Ce n’est que le début ». Car Denis Villeneuve a choisi d’adapter le roman de Frank Herbert en deux parties, et une suite est donc déjà prévue. « J’envisage « Dune » comme une déclaration d’amour au cinéma sur grand écran », explique-t-il. « C’est comme cela que le film a été rêvé, conçu et finalisé. Mais cette histoire est trop complexe pour être racontée en un seul opus, et pour moi, malgré les difficultés –car il s’agit du film le plus important et complexe de ma carrière–, « Dune » est comme un avant-goût, un hors d’œuvre de la deuxième partie qui reste à venir, et qui sera le plat principal ». On en salive déjà, ravis de ne pas être privé de désert.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Ma route mène au désert » (Timothée Chalamet, à la fin).


bac nord cinegongA voir : « Dune » (États-Unis/Canada, 1h55). Réalisation: Denis Villeneuve. Avec Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Oscar Isaac. (Sortie le 15 septembre 2021)

  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

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