Livres/« Dans la tête de JCR ». Véronique Sousset, connue pour ses écrits sur la réinsertion et le système pénitentiaire, publie un nouveau livre percutant et troublant avec « Dans la tête de JCR ». Ce livre se penche sur l’univers mental complexe de Jean-Claude Romand, jugé et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour le meurtre de sa femme, ses deux enfants et de ses parents. Se basant sur ses expériences et son travail auprès de détenus, l’autrice s’immerge dans cette exploration psychologique et nous invite à une réflexion profonde sur la nature humaine, la culpabilité et la possibilité de rédemption.
« Dans la tête de JCR » : un livre troublant qui invite à une réflexion profonde sur la nature humaine, la culpabilité et la possibilité de rédemption
Un quintuple meurtre
D’emblée, l’éditeur nous prévient que le livre n’est pas une biographie mais qu’il s’agit bien d’une pure fiction : « les pensées, les sentiments, les sensations, les gestes quotidiens relatés dans ces pages sont entièrement le fruit de son imagination ».
Nous voici dans la peau de ce « JCR » condamné à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d’une peine de sûreté pour un quintuple meurtre. Des faits particulièrement horribles qui renvoient à l’affaire Jean-Claude Romand, ce faux médecin, qui dans la nuit du 9 janvier 1993 a tué sa femme ses deux enfants et ses parents, sans que l’on puisse expliquer son geste.
Il quitta la prison de Saint-Maur, dans l’Indre, après 26 ans de détention et une demande de libération conditionnelle qui lui vaudra un aménagement de peine et de retrouver la porte de sortie.
Dès lors, Véronique Sousset, qui a été longtemps directrice pénitentiaire dans différents établissements, avant d’être nommée directrice interrégionale adjointe à Strasbourg, s’interroge : « si la prison ne lave pas du crime, les années de détention donnent-t-elles le droit de pouvoir un jour revenir dans la communauté des hommes ? ».
Mais tous les meurtres commis se valent-ils? Vaste sujet philosophique dont elle s’empare avec sensibilité : « Faire ce chemin avec lui illustrait la différence entre comprendre et excuser, entre entendre et justifier, entre concevoir et consoler ».
Vivre après la prison
Comment vivre après la prison et se réadapter à la liberté quand on a passé autant d’années en détention? : «La perpétuité n’est pas assortie d’une mort sociale et il n’y a pas d’angélisme, ni honte, ni crachat sur la justice rendue à rechercher le temps venu si les conditions sont réunies » écrit-elle.
La libération conditionnelle s’accompagnera d’une période probatoire sous le régime de la surveillance électronique avec bracelet à la cheville et obligation de ne pas quitter le territoire. Elle tente alors de décrire les sensations ressenties par celui qui recouvre la liberté, l’odeur de l’herbe mouillée, la foule et les gens qui s’amusent pendant un 14 juillet, le chant des oiseaux, la lumière qui caresse ce visage longtemps resté à l’ombre des barreaux…
Elle cherche aussi à comprendre ce qui s’est passé ce jour-là. Pourquoi cet homme a-t-il tué sans mobile apparent? Elle se met dans la tête de Jean-Claude Romand, mais rien n’y fait, impossible de comprendre ce personnage dont la personnalité complexe reste une énigme et semble être « un trou noir, un fantôme ». Tout juste aura-t-il ces mots au moment du procès : « je suis un monstre, la pire des punitions pour moi est d’être encore vivant », avant demander de « pardon à ceux qui souffrent à cause de moi ».
Une plongée dans la psyché criminelle
Ce qui frappe dans cet ouvrage, c’est la volonté de l’autrice de dépasser la simple description des faits pour pénétrer les mécanismes internes de JCR. Elle ne se contente pas d’une approche clinique ou judiciaire. Elle cherche à travers cette fiction à comprendre les motivations, les contradictions et les failles de cet homme qui, aux yeux de la société, est irrémédiablement marqué par le crime. Cette quête de compréhension, menée avec empathie mais sans complaisance, rend la lecture captivante et dérangeante.
La notion de culpabilité
Sousset aborde le concept de culpabilité. Plutôt que de poser un jugement manichéen, elle interroge la possibilité de la rédemption et le rôle du contexte dans le passage à l’acte. Le lecteur est confronté à ses propres limites de tolérance et d’empathie face à des actes inexcusables, mais dont les racines sont parfois ancrées dans des traumatismes profonds.
Le débat sur la réinsertion
Ce livre s’inscrit dans un contexte où la question de la réinsertion des condamnés est plus que jamais d’actualité. Véronique Sousset, forte de son expérience sur le terrain, pose cette question essentielle : comment accompagner ceux qui ont fauté sans les enfermer définitivement dans leur statut de criminel ? L’autrice nous force ainsi à revisiter nos certitudes sur la justice, la culpabilité et la rédemption. Un ouvrage nécessaire pour quiconque s’intéresse aux limites de la condition humaine. « Dans la tête de JCR » est un livre dérangeant qui ne laisse pas indifférent.
Victor Hache
A lire : Véronique Sousset « Dans la tête de JCR » – Le Cherche Midi, 216 pages, 18,90 €