Les livres du week-end. Pour cette semaine, trois suggestions de lecture. D’abord, on commence avec « L’Or de Jérusalem » de Nathalie Cohen pour un roman mêlant Histoire, faits réels et fiction. On enchaîne avec « Les roses et les épines » d’Angelo Rinaldi, un des grands critiques littéraires français, dans un recueil de 58 chroniques. On boucle avec « Les Enfants de Nobodaddy » du formidable romancier allemand Arno Schmidt, tenant de la « littérature pure », pour une trilogie de l’époque nazie jusqu’à un futur apocalyptique.
NATHALIE COHEN : « L’Or de Jérusalem »
Déserteur des cohortes romaines, il a décidé de fuir Néron et sa Rome en fin de superbe. Accompagné de son fils Alexander, il file en Galilée, tout en faisant en sorte que Gaïa (vestale et mère secrète de leur enfant), la femme qu’il aime, puisse les rejoindre. Mais le destin se ligue contre lui : Rome décide de faire la guerre aux Juifs après une révolte qui touche Jérusalem puis toute la Judée qui se transforme en guerre civile ; Marcus se lance à recherche de son fils qui a été enlevé, Néron se suicide et les légions romaines en Égypte et en Judée déclarent, en 69, Vespasien empereur.
Au fil des jours, Marcus comprendra le véritable motif de la guerre menée par les Romains : prendre le Temple et, donc, récupérer tout l’or de Jérusalem… Dans ce texte mêlant Histoire, faits réels et fiction, Nathalie Cohen fait preuve, une nouvelle fois, d’une grande maîtrise dans l’art de mener son récit et d’une belle érudition- qu’elle se garde bien d’étaler grossièrement…
- « L’Or de Jérusalem » de Nathalie Cohen. Flammarion, 320 pages, 22 €.
LIRE AUSSI : « La Nuit sur commande » : regard intime sur l’art, de Christine Angot
ANGELO RINALDI : « Les roses et les épines »
Le premier rituel de la journée : après la toilette, enfiler un costume et nouer la cravate. Tout ça parce qu’Angelo Rinaldi, 84 ans et membre de l’Académie française depuis 2001, tient la littérature et l’écriture au-dessus de tout- son credo de toujours : on n’écrit pas en tenue négligée, débraillée.
Romancier et critique littéraire pendant de nombreuses années (« L’Express », « Le Point », « Le Nouvel Obs » et « Le Figaro littéraire ») après avoir été chroniqueur judiciaire à « Nice-Matin », il a manié comme personne dans ses chroniques les coups de cingle (souvent) et les compliments (rarement), se présentant comme un paisible alligator dont l’œil affleure à la surface du marigot des lettres.
Pour s’en convaincre, il suffit de lire « Les roses et les épines », un recueil publié originellement en 1990 avec cinquante-huit chroniques parues dans « L’Express ». Le classement est tout simple : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, pas du tout… Et ça défile, le plus souvent avec dézingages à la sulfateuse.
Dans ces pages écrites au cordeau (même si ses détracteurs le surnommaient « Tom Proust »), on trouve Camus, Artaud, Voltaire, Michelet, Char, Sarraute, le cardinal de Retz, Gracq, Céline ou encore Léautaud… Face à Rinaldi- le dernier critique littéraire en France ?-, c’était tous au abri !
- « Les roses et les épines » d’Angelo Rinaldi. Editions des Instants, 272 pages, 21 €.
ARNO SCHMIDT : « Les Enfants de Nobodaddy »
Adepte de la « littérature pure », dans ce recueil de trois romans, il invite lectrices et lecteurs à un plongeon dans les profondeurs de la chose écrite. C’est âpre, insolent, radical- certains lui ont reproché de ne rien respecter, ni la littérature, ni la morale : ce qui fait le charme et la force d’Arno Schmidt avec trois textes racontant l’Allemagne, de l’époque nazie jusqu’à un futur apocalyptique. Le nazisme et Hitler vus par notre râleur en chef : « Dieu, que les Allemands sont bêtes ! 95% ! (enfin, les autres ne valent pas mieux : attendez seulement que les Américains élisent leur Hindenburg ! »). Quant au christianisme, c’est « dépôt trouble de hiérarchie et d’obscurantisme ». Alors, on prendra plaisir à regarder « la lune comme un insecte dans le rose du soir ». Vive Arno Schmidt !
- « Les Enfants de Nobodaddy » d’Arno Schmidt. Traduit par Nicole Taubes et Claude Riehl. Editions Tristram, 512 pages, 25 €.
Serge Bressan