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Patrick Mahé publie "Balade en Morbihan - d’Armor en Argoat". Photo Philippe Petit. Paris Match

Livres. À l’occasion de la sortie de son nouveau livre « Balade en Morbihan – d’Armor en Argoat »Patrick Mahé nous plonge dans une exploration riche et poétique du Morbihan, terre d’histoire, de légendes et de beautés naturelles. Né à Vannes et profondément attaché à sa région, l’ancien rédacteur en chef à Paris Match et écrivain partage dans cet entretien, son amour pour cette Bretagne authentique, où le bleu des mers rencontre le vert du pays intérieur.  À travers ce livre, il célèbre le Morbihan, joyau de la Bretagne Sud où la « petite mer » du Golfe rencontre les paysages verdoyants et préservés de l’Argoat.


Patrick Mahé « La Bretagne est un pays de grande liberté »


De l’Armor littoral, avec ses îles et ses côtes sauvages, à l’Argoat, ce « pays vert » riche en traditions et paysages bucoliques, Patrick Mahé nous livre son attachement profond au Morbihan. Un véritable voyage à travers une Bretagne authentique et intemporelle, qui invite à la contemplation et à l’émerveillement. Rencontre avec un journaliste et écrivain passionné qui évoque aussi son amour pour la langue bretonne, la nécessité de préserver cet environnement unique, et les trésors que chaque visiteur peut y découvrir.

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Patrick Mahé chez Cheminant avec Sophie responsable de la librairie

Votre nouveau livre « Balade en Morbihan » est une ode à cette merveilleuse région de la Bretagne Sud. Comment est né cet ouvrage ?

Patrick Mahé : Je connais très bien cette région. J’y suis né, mes parents, mes grands-parents, mes arrières grands-parents étaient vannetais. Je suis élu également de la ville de Vannes, conseiller municipal, délégué au rayonnement de la ville. Et auparavant, j’étais délégué à la culture bretonne et à la langue bretonne. Je peux dire que j’ai la Bretagne en moi ! (rires).

J’ai voulu parler de ce j’appelle le pays d’Arvor en découpant le livre en trois parties pour montrer la richesse globale d’un tout. L’Arvor, c’est le Golfe du Morbihan qui va de Port-Navalo jusqu’à Baden, l’Amor Baden, les îles, etc… dont Vannes est l’axe central, qui a cette ouverture sur la mer.
Je parle aussi du Pays Vert, qu’on oublie souvent. On vante la Trinité-sur-Mer, Carnac, Quiberon… pour les touristes, l’été. On présente le Golfe du Morbihan en évoquant très facilement l’île aux Moines ou l’île d’Arz, mais on oublie les richesses de Brandivy, d’Elven etc… dans les terres. Ce qui m’a intéressé, c’était la globalité, mais dans sa diversité.



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Comment avez-vous réussi à capturer l’essence des 34 communes dont parlez ?

Patrick Mahé : Je savais les endroits importants où il fallait aller. Je me suis renseigné auprès des municipalités et de conseillers culturels qui m’ont indiqué  des endroits plus forts que d’autres. Ma question n’était pas de demander ce qu’il fallait mettre en avant, mais ce qu’on n’a pas mis en avant et qui mériterait de l’être. Cela m’a permis de parler des richesses du pays d’Arvor. J’ai travaillé avec Alexandre Lamoureux, un photographe indépendant du nord de la Bretagne, qui a sillonné la région et en rapporté de magnifiques photos.

Quelle définition donneriez-vous du « Glas », que vous évoquez dans votre introduction pour parler de ce « pays bleu et vert » ?

Patrick Mahé : Le « Glas » est une couleur unique. On retrouve ce mot dans toutes les langues celtiques. J’ai voulu cette couverture qui représente Saint-Gildas de Rhuys, la mer et l’Océan et ce bleu, ce vert, ce turquoise qui unissent  l’Arvor, le pays de la mer et l’Argoat, le pays de la terre avec ses forêts. J’ai orthographié le mot « Glas » avec un « s », alors que par exemple en Finistère, on l’écrit avec « z ». Les deux orthographes sont possibles. Ce sont les nuances de la langue bretonne…

Vous êtes un amoureux de cette langue. Quelle place occupe-t-elle dans votre livre et dans votre vision de la Bretagne ?

Patrick Mahé : J’ai tenu à traduire l’introduction en langue bretonne.
On fait tout pour en faire une langue morte. Je ne comprends pourquoi on s’acharne sur des langues minoritaires. Que ce soit au Pays Basque, ailleurs, ou en Bretagne, elles apportent quelque chose de différent. C’est un enrichissement. C’est intéressant de voir que dans les écoles de langues bretonnes en immersion, comme Diwan ou d’autres écoles privées ou publiques, les résultats d’ensemble dans les examens nationaux du baccalauréat sont exemplaires. C’est du 100% de réussite parce que dès l’enfance, les enfants apprennent une langue différente qui élargit leur connaissances et enrichi leur vocabulaire.

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Le Golfe du Morbihan fait partie des plus belles baies du monde. Photo Alexandre Lamoureux

Vous évoquez souvent la nécessité de préserver l’environnement. Pourquoi est-ce si crucial pour le Golfe du Morbihan ?

Patrick Mahé : C’est un endroit fragile. Le Golfe a donné naissance à  l’Association des plus belles baies du monde, qui va fêter ses 30 ans en 2027. Le nouveau président, un breton de Vannes, sera élu l’année prochaine au Canada, au congrès mondial. Et le prochain congrès mondial aura probablement lieu, on l’espère, à Vannes. Cela fait venir 26 ou 27 pays et représente une quarantaine de baies du monde qui ne demandent qu’à être préservées et embellies. Elles ont pour mission de donner le bon exemple. C’est de l’écologie, quelque part. Je trouve cette démarche intelligente. On se bat pour que les mégalithes du Morbihan soient classés au patrimoine mondial de l’UNESCO. Parallèlement, il faut montrer que si on préserve cet héritage multimillénaire qui remonte à 6 000 ans, on est capable également de protéger nos rives et l’environnement de nos côtes.

Il y a le littoral, mais qu’en est-il du Pays Vert qu’on appelle Argoat ?

Patrick Mahé : C’est un pays où il y a beaucoup de fantômes dans leurs grottes, ne serait-ce que par les mégalithes où on peut entrer. D’un seul coup, on est plongé dans un imaginaire presque mystique.

Il y a aussi des choses d’une autre époque très différente, que j’évoque par moments, comme  la Chouannerie en Morbihan qu’on appelait le Pays Blanc, qui était très puissante. A Grand-Champ, il y a eu des batailles très importantes, notamment « la Bataille du pont du Loch » (le 22 janvier 1800). les Bleus qui étaient de Vannes, avaient besoin de se nourrir, d’approvisionner leurs troupes. Ils tendaient beaucoup d’escarmouches pour conquérir le Pays Blanc. Il y a de nombreuses batailles que l’Histoire n’a pas retenu ou qu’on n’a pas voulu retenir. Je ne parle pas de jugement de valeur, mais de choses factuelles.

 

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La Trinité Surzur : Fontaine à quatre colonnes érigées en 1744. Photo Alexandre Lamoureux

Dans ce pays, on trouve des choses très jolies, très belles. C’est un paysage magnifique et spirituel par le nombre de chapelles de campagne qu’on trouve en quantité beaucoup plus que dans d’autres régions même de Bretagne. Dans le Finistère, il y a d’extraordinaires calvaires, mais il y a peut-être moins de ces petits oratoires de campagne. Cela a créé une richesse patrimoniale, ecclésiastique et spirituelle, mais qui est aussi méconnue. Il faut parler d’elles, et montrer aux gens que s’ils viennent ici, ils entrent dans un livre d’histoire au sens noble, avec un H majuscule. C’est pour ça que le Pays Vert, je le mets à égalité de traitement avec le Pays Bleu (l’Arvor), parce qu’on va de découvertes en découvertes, sans fin.

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Le château de Suscinio, ancienne résidence d’été des Ducs de Bretagne. Photo Alexandre Lamoureux

Vous décrivez des lieux d’une beauté exceptionnelle. Quels sont ceux qui vous tiennent particulièrement à cœur ?

Patrick Mahé : Il y en a plein. Je dirais Port-Navalo. C’est un promontoire qui a un double avantage. Sur la pointe de Bilgroix, on a une vue à 180 degrés sur l’entrée du Golfe du Morbihan, l’entrée de la rivière d’Auray, Locmariaquer, le courant de mascaret et le début de l’Océan. Et à 1,700 km, on passe par le phare pour arriver au côté opposé et là on est face à Houat, Hoëdic et au large Belle-Île. On a là, la synthèse du Golfe et de l’Océan. Je trouve cet endroit vraiment magnifique. Ensuite, j’aime aller au château de Suscinio, qui était la résidence d’été des Ducs de Bretagne avec ses terres où l’on chassait mais qui était également un endroit bourré de vignobles à l’époque. Le vin, je ne connais pas sa qualité, mais je sais aussi que Saint-Emilion qui est né à Vannes au 8ème siècle, avait appris l’art de la vinification à la Presqu’île de Rhuys. On vit sur un site d’héritage des romains. Arradon par exemple, c’est « Aradunum » qui était la cité de villégiature des romains.

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Elven: la forteresse de Largoët et son donjon qui se dresse à 57 mètres de hauteur. Photo Alexandre Lamoureux

Il y aussi Le Hézo, Saint-Colombier, cette petite vision sur la mer qui nous fait penser aux Backwaters du Kerala en Inde. C’est absolument préservé de toute pollution, avec ces réserves ornithologiques intéressantes. Du côté de l’Argoat, j’aime les tours d’Elven, parce que c’est aussi des pages d’histoire immémoriales. Et il y a les chapelles qui sont pleines de charme, à Sulniac, Surzur, même si on est profane. Ce n’est pas une question de religiosité au sens catholique du terme. On a la libre pensée même dans les endroits les plus spirituels de Bretagne. C’est un pays de grande liberté, un pays d’accueil et non de fermeture. Je crois que cela vient de la mer. On a l’œil sur l’horizon, donc on accueille parce que l’on voit plus loin que les autres. Nous avons gardé notre identité tout en restant ouverts.

Entretien réalisé par Victor Hache

 

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