Elixir premier festival rock français
Les Fuzztones en 1985 au festival Elixir (c)Louis Blonce (sdp)

À travers un livre passionnant, Gérard Pont et Olivier Polard retracent l’histoire d’Élixir, plus grand rassemblement musical de l’héxagone.

C’est une histoire de bout du monde, le rêve de voir se créer en plein cœur de la Bretagne un Woodstock à la française. C’est ce que raconte Élixir, le passionnant livre (éditions Coop Breizh) de Gérard Pont et d’Olivier Polard, sur la couverture duquel il y a cette phrase « Le jour où les Clash sont venus chez nous… » On est à la fin des années 1970, période de désert culturel en France où faire venir des groupes de rock anglais en Finistère paraissait impossible. Pourtant, une équipe de doux dingues y est parvenue sans rien connaître de la production de concerts.

Élixir est né du pari fou de Pierre et Jean-Paul Billant, deux cousins bretons de 20 ans, fils d’agriculteurs, de monter un festival à une époque où on n’avait aucune idée de ce que cela signifiait. Aux États-Unis il y avait eu Monterey et surtout le mythique festival Woodstock en 1969, le premier grand rassemblement international de musique pop, qui avait réuni des milliers de jeunes lors d’une espèce de grand-messe champêtre où étaient venus se produire Joe Cocker, Jimi Hendrix ou Janis Joplin. En France, on était loin d’imaginer pouvoir organiser de tels festivals musicaux. C’était compter sans la volonté des cousins Billant, que viendra rejoindre un jeune libraire brestois amoureux de musique, Gérard Pont, aujourd’hui patron du Printemps de Bourges et des Francofolies de La Rochelle. Armés d’une bonne dose d’inconscience, ils se lancent dans l’aventure et créent en 1979 la première édition du festival Élixir à Irvillac, au beau milieu des champs de patates ! Il fallut convaincre les agriculteurs de cette bourgade du Finistère non loin de Landerneau de prêter quelques hectares de leurs terres pour accueillir le festival.

Faute d’avoir un lieu pérenne, l’événement devient itinérant. Plounéour-Trez, Plomodiern, Guéhenno, Saint-Pabu… À chaque fois, il faut trouver une commune où installer l’événement, construire à la hâte des scènes en bois sous des hangars agricoles, discuter avec les autorités locales tout en imaginant une affiche artistique attractive. On appelle Dan Ar Braz, Gwendal et d’autres chanteurs bretons. Des contacts sont pris avec des agents anglais pour les inciter à faire venir leurs groupes à Élixir. Murray Head sera l’un des premiers artistes britanniques à accepter de s’y produire ; suivront Donovan, Luther Allison, Wilko Johnson, Joe Jakson, Jimmy Cliff, Leonard Cohen, Fela Kuti, Simple Minds, Joe Cocker, les Stranglers, Nina Hagen, mais aussi Arno ou les Clash ! Les gens viennent par milliers, mais on ne parvient pas à équilibrer les comptes. Il y aura des histoires d’ego au sein de l’équipe, des visions différentes entre ceux qui veulent garder l’esprit associatif des débuts d’Élixir et les autres qui cherchent à le professionnaliser, des arriérés de TVA à payer et souvent des fiascos financiers.

Neuf ans qui ont marqué à jamais l’histoire musicale de la Bretagne

Une expérience extraordinaire qui les conduira jusqu’à Athènes en 1985, où ils organisent Rock in Athen au stade antique Panathinaïkos, avec à l’affiche Depeche Mode, Culture Club, The Cure ou Téléphone, jusqu’à la dernière édition d’Élixir en 1987 à Bannalec. Neuf ans qui ont marqué à jamais l’histoire musicale de la Bretagne, où a été inventé de manière spontanée le modèle dont se sont inspirés plus tard nombre de festivals. À l’image des Vieilles Charrues, Transmusicales, Helfest ou de la Route du rock, qui quelque part tiennent du pionnier et défricheur Élixir. Le premier grand festival français organisé par une bande de rêveurs passionnés de musique dont la devise était : « Ne pas servir au public ce qu’il aime, mais ce qu’il pourrait aimer. »

Élixir est aussi un documentaire de Jérôme Bréhier à voir sur France 3 Bretagne, le 18 décembre.

 

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