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Rod Barthet : " le débat sur le blues en français est un peu absurde. Je vis en France et je chante en français"

Musique/Interview. Trois ans après « Ascendant Johnny Cash », le guitariste, compositeur et chanteur Rod Barthet vient de sortir « À l’ombre des sycomores ». Un bel album de blues en français écrit avec la complicité de Boris Bergman et Joseph d’Anvers. Rencontre.


Rod Barthet : « On me dit parfois qu’on a du mal à me situer et ça me plait bien »


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Rod Barthet (c) Serge Orlik

Trois ans après « Ascendant Johnny Cash« , Rod Barthet, considéré comme l’un des plus brillants guitaristes de l’hexagone, vient de sortir « A l’ombre des sycomores« . Un bel album dont il a signé toutes les musiques et quatre textes. Pour le reste, il a fait appel à la plume de son complice Boris Bergman et à celle de Joseph d’Anvers avec lequel il collabore pour la première fois.

Originaire de Pontarlier, l’artiste affiche un étonnant parcours. Après avoir créé un groupe de hardcore, à l’âge de 14 ans, travaillé ses partitions à l’école de musique de Nancy, il s’est offert un road trip en Californie. Plus exactement à San Francisco où il croisera la route de vieux briscards du blues. Il a alors une vingtaine d’années lorsque le légendaire John Lee Hooker l’invite à assurer sa première partie en concert.

Depuis, s’affranchissant des codes traditionnels, Rod s’est taillé une solide réputation sur les scènes françaises et internationales, en chantant son blues dans la langue de Molière.

Dans cet album, on trouve les signatures de votre complice Boris Bergman mais aussi celle de Joseph d’Anvers ?

Rod Barthet: Avec Boris, on se connaît depuis une vingtaine d’années. A tel point que je ne prends plus de pincettes lorsqu’il me propose quelque chose qui ne me ressemble pas. Pour Joseph, j’avais d’abord lu ses livres que j’avais beaucoup aimés. J’ai vu qu’il avait travaillé avec Miossec et Thiéfaine. Je l’ai appelé et il a accepté de m’écrire des textes. Il m’a alors expliqué que lorsqu’il avait rencontré Alain Bashung, ce dernier lui avait dit qu’il voulait savoir le moins de choses sur lui. Et inversement. Il a fait la même chose avec moi. C’est quelqu’un qui aime préserver un certain mystère.

Dans la bio de l’album, il confie qu’il aime collaborer avec des écorchés. Ce n’est pas l’image que vous renvoyez pourtant ?

Rod Barthet : J’ai aussi ma part de blessures mais je n’en parle pas dans mes chansons.

Par pudeur ?

Rod Barthet : Sans doute. Par timidité aussi. J’ai tendance à me réfugier derrière ma guitare. Mais j’ai toujours aimé les textes qui ont du poids, les univers plus sombres.

Vous avez dédié « A l’ombre des sycomores » à votre grand-mère ?

Rod Barthet : Je le fais toujours. Ma mère m’a eu très jeune et c’est ma grand-mère qui m’a élevé. Quand j’ai commencé à faire de la musique, j’étais plutôt dans la mouvance punk et garage. Elle n’aimait pas trop. Mais elle a toujours été à mes côtés.

Dans votre parcours, la rencontre avec John Lee Hooker a été une étape déterminante ?

Rod Barthet : C’était magnifique ! A l’époque, j’avais une vingtaine d’années et lui était au sommet. Mais il était très cool et abordable. Il me disait qu’en tant qu’artiste, on n’avait pas le droit d’avoir un ego sur-dimensionné. Il m’a reçu chez lui et m’a même prêté sa voiture pour que je visite San Francisco. Il était content que des jeunes s’intéressent à lui. Je me suis juste trouvé au bon endroit, au bon moment.



Il paraît que vous avez refusé de travailler avec Ike Turner ?

Rod Barthet : C’était pour « Changer l’horizon« . L’ingénieur du son m’avait expliqué qu’ils allaient tous les dimanches dans la même église. Il m’a proposé de l’inviter sur l’album. A l’époque, j’avais entendu parler des violences envers sa femme Tina et je n’ai pas eu envie de travailler avec lui.

Comme pour « Ascendant Johnny Cash », vous avez souhaité des cordes sur cet album ?

Rod Barthet : C’est vrai que c’était la première fois et j’ai eu envie de recommencer. Au milieu de la chanson « A Étretat », j’ai privilégié un solo de violoncelle parce que c’était plus cohérent qu’un solo de guitare. Mon idée a toujours été de servir le morceau plutôt que de montrer que je savais jouer de la guitare.

La chanson « Est-ce que j’ai fait quelque chose ? » s’inscrit dans un registre assez léger ?

Rod Barthet : Elle parle en effet de quelqu’un qui s’interroge et qui dit merci à la vie. En ce moment, on a besoin de cette légèreté et de choses positives. Personnellement, j’ai toujours essayé de ne pas me perdre en route. Je suis très loin des formats. Quand tu as vingt ans ce sont des trucs auxquels tu penses. Aujourd’hui, cela n’a plus tellement d’importance. Je fais ce que j’aime, sans calcul.

Vous n’avez pas le timbre rocailleux et vous chantez en français. C’est un peu atypique dans le blues, non ?

Rod Barthet : Je n’ai jamais essayé de casser ma voix ! Et le débat sur le blues en français est un peu absurde. Je vis en France et je chante en français. Lorsque les gens viennent me voir après un concert, la question ne se pose pas. Il suffit d’écouter Paul Personne ! Si des artistes ne s’autorisent pas à faire tomber les barrières, qui va le faire ? J’ai toujours cultivé ma différence. On me dit parfois qu’on a du mal à me situer et ça me plait bien. Quand on ne peut pas situer quelqu’un, c’est peut-être parce qu’il ne ressemble à personne…

Entretien réalisé par Annie Grandjanin


 

 

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