Exposition/« L’Empire du sommeil ». Le Musée Marmottan Monet invite à un voyage inédit à travers les songes avec L’Empire du sommeil, une exposition magistrale qui explore la manière dont les artistes, du XIXᵉ siècle à nos jours, ont représenté le repos, le rêve et l’inconscient. Entre visions mystiques, rêveries érotiques et questionnements scientifiques, un parcours fascinant où l’on découvre que, même les yeux clos, l’art ne cesse jamais de penser le monde.
« L’Empire du sommeil » : une traversée des âges et des consciences, une exploration des songes à travers les arts, la science et la pensée.
vers 1615-1620. Huile sur toile. Budapest, Szépművészeti Múzeum / Museum of Fine Art © Szépművészeti Múzeum/ Museum of Fine Arts, Budapest
Et si le sommeil, loin d’être un simple abandon, révélait une autre manière de voir le monde ? C’est cette question que pose le Musée Marmottan Monet avec sa nouvelle exposition, « L’Empire du sommeil », un parcours aussi érudit qu’envoûtant, placé sous le commissariat de Laura Bossi, neurologue et historienne des sciences, et de Sylvie Carlier, directrice des collections du musée. Ensemble, elles ont imaginé une traversée des âges et des consciences, une exploration des songes à travers les arts, la science et la pensée.
Dans la pénombre feutrée des salles, le visiteur pénètre dans un territoire mouvant : celui du repos et de la révélation, du silence et du mystère. Peintures, sculptures, manuscrits et objets dialoguent pour raconter une histoire universelle — celle de l’humanité endormie, de l’être suspendu entre le monde des vivants et celui de l’esprit.
L’exposition met en lumière la transformation du regard sur le sommeil aux XIXe et XXe siècles, époques où la psychologie, la médecine et la psychanalyse bouleversent les certitudes. À la lumière de Freud, de Charcot ou de Mesmer, le rêve devient un champ d’étude aussi bien qu’une source d’inspiration esthétique. Les artistes, fascinés par les énigmes du subconscient, s’aventurent dans les zones floues de la conscience : là où le corps s’abandonne, mais où l’imaginaire s’éveille.
Des toiles d’une douceur troublante — le sommeil de l’enfant, celui du saint, celui de l’amant — côtoient des visions inquiétantes : le songe biblique de Jacob, les cauchemars romantiques de Füssli, les extases des symbolistes, ou encore les corps flottants des surréalistes. Le parcours, d’une grande richesse iconographique, tisse des liens subtils entre l’Antiquité et l’art contemporain, révélant la permanence d’un thème à la fois intime et métaphysique.
L’exposition s’aventure aussi du côté de la science et du mystère : le mesmérisme, l’hypnose, les troubles du sommeil y sont évoqués à travers une iconographie médicale fascinante. Ces images, à la frontière du savoir et de la croyance, racontent l’ambiguïté d’un siècle qui tente de comprendre ce que l’esprit cache derrière les paupières closes.
Le parcours se clôt sur un espace d’une grande délicatesse : la chambre à coucher, ce théâtre silencieux où se jouent les gestes les plus quotidiens et les drames les plus secrets. Lieu d’intimité, de désir, de solitude ou de mort, la chambre devient ici un miroir de la condition humaine — un microcosme où l’art, la psychologie et le rêve se rejoignent.
Avec « L’Empire du sommeil », le Musée Marmottan Monet propose bien plus qu’une exposition : une méditation poétique sur la frontière fragile entre le réel et l’imaginaire. On en ressort comme d’un rêve lucide, les yeux mi-clos, l’esprit éveillé — convaincu que, dans le grand théâtre du monde, le sommeil n’est pas l’absence, mais une autre forme de présence.
Jane Hoffmann
- Exposition « L’Empire du sommeil ». Du 9 octobre 2025 au 1er mars 2026. Musée Marmottan Monet :
2 rue Louis-Boilly, 75016 Paris