Toutes les musiques de We Culte. Entre rap tranchant et esthétique drag flamboyante, Piche s’impose comme l’une des voix les plus singulières de la scène française. Artiste sensible, puissant et profondément libre, il a électrisé l’Echonova de Séné (près de Vannes, Morbihan) avant de s’apprêter à enflammer La Cigale à Paris, le 25 novembre. Un succès qui annonce déjà un rendez-vous majeur : l’Olympia, le 24 novembre 2026, où son univers hybride et incandescent devrait trouver un écrin à sa hauteur.
Piche : « Le drag, c’est la forme, l’enveloppe. Moi, mon métier, c’est de chanter, de rapper. »

Piche, l’art de brouiller les genres
Vendredi 21 novembre, à l’Echonova de Séné, près de Vannes, le public a découvert un artiste qui n’entre dans aucune case, et qui semble déjà n’en avoir cure. Sous les lumières du Morbihan, là où l’on ne s’attend pas toujours à rencontrer des météorites, Mike Gautier alias Piche, a littéralement embrasé la salle. Un succès franc, vibrant, presque évident pour celles et ceux qui l’ont vu se déployer sur scène. Quelques jours avant son concert très attendu à La Cigale, le 25 novembre, l’artiste affirme son identité : puissante, libre, hybride.
Entre maquillage millimétré, rap intense et présence aimantée, Piche s’avance comme une figure rare dans le paysage musical français. « Avant tout, je suis un chanteur qui fait du drag », glisse-t-il d’emblée, comme pour déminer ce qui pourrait, encore aujourd’hui, brouiller la perception du public. « Le drag, c’est la forme, l’enveloppe : les atours, l’extravagance, un peu comme une Lady Gaga. C’est une discipline avec laquelle j’exprime mon travail, mes messages, mon engagement. Moi, mon métier, c’est de chanter, de rapper. »
La scène comme territoire, dès l’enfance
L’histoire commence à Arles, avec les claquettes de sa grand-mère. Il en rit encore : un détail d’enfance qui, chez lui, devient déjà un geste de scène. « Je les mettais parce que ça me surélevait, dit-il. Et je dansais, comme tous les enfants qui mettent un tee-shirt derrière la tête pour faire des cheveux. La performativité a commencé comme ça. »
La danse le gagne tôt. Conservatoire d’Avignon, école fondée par Roland Petit à Marseille, puis formation aux danses urbaines à Lyon. Un parcours brillant qui le mène vite vers les scènes professionnelles, clips, comédies musicales, et surtout trois années marquantes dans Fashion Freak Show de Jean-Paul Gaultier. « J’ai commencé très jeune. À 21 ans, j’étais déjà dans le spectacle de Gaultier. » Et pourtant, quelque chose lui manque.
Le drag comme bascule
La révélation arrive plus tard, presque naturellement. « Je me suis demandé : c’est quoi la suite ? » Le milieu de la danse, aussi riche soit-il, impose des étiquettes : danseur, pas chanteur ; interprète, pas créateur. La liberté y est rare. Le drag bouleverse la donne.
« Le drag, c’est un vecteur de liberté et de message. C’est une forme de travestissement, une performativité du genre », explique-t-il. Un langage, un outil, un dispositif. Et surtout un espace où l’on peut tout, être : chanteur, acteur, rappeur, humoriste, performeur. « Le public est très éclectique. Certains viennent pour l’art drag et ne connaissent rien au rap. D’autres aiment le rap mais ne connaissent rien au drag ou à la culture queer.
Du coup, ces publics se rencontrent dans mes concerts alors qu’ils ne se croiseraient jamais ailleurs. Cela crée des safe places. »
Alors Piche devient… Piche. Sans abandonner son identité civile, qu’il revendique pleinement : barbe comprise, signature visuelle assumée : « Je voyage entre masculin et féminin. Le milieu musical est saturé : je ne révolutionne pas les genres, mais je propose une manière différente de les présenter et je représente des gens qu’on voit peu. »
Un art politique par nature
Impossible de parler de drag sans parler d’engagement : « Le drag est politique par essence. On transgresse les codes de la société. » Il évoque les pionnières, notamment les femmes trans racisées, actrices essentielles des révoltes et des luttes LGBTQ+. « On leur doit énormément. Les combats ne sont pas finis. »
Lui milite par l’art, avec la certitude tranquille de ceux dont l’identité fait déjà rupture. « Dès que tu joues avec le genre civil, c’est politique. »
Sur scène, cette revendication devient énergie. À l’Echonova, chaque morceau fait vibrer la salle : le rap se mêle aux paillettes, les basses se frottent aux talons, et l’ensemble tient dans un même geste, cohérent et fulgurant.
Une rencontre du public… et des publics
Ce qui frappe, dans les salles où il se produit, c’est la diversité des gens venus l’écouter.
À Séné, ce mélange se sentait : ados maquillés jusqu’aux tempes, fans de rap curieux, familles ouvertes, habitués des shows drag, retraitées ravies, tout le monde ensemble, comme dans une parenthèse où les genres n’ont plus de frontières : « Les gens viennent pour un univers. Tu peux faire du stand-up un soir et du chant le lendemain. Tant que c’est qualitatif et engagé, ça passe. »
Drag Race, puis les JO : l’envol
Le grand public le découvre grâce à Drag Race France en 2022. « Ça a été le début de la rencontre avec le public. Une vraie reconnaissance. »
Puis survient ce moment improbable : performer lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Paris 2024 . « Historique, souffle-t-il encore. J’étais avec Sydney Kidoll, Paloma et Camille, on était les premières drag queens françaises à y être. Je le referais 50 fois. »
Identités croisées : Gitan, drag queen
Ses origines, algériennes et gitanes, il les revendique aujourd’hui avec fierté, même si le chemin fut long. « Je ne me reconnaissais pas dans une culture qui ne semblait pas me reconnaître. »
Puis le renversement : comprendre que l’identité n’a pas à se plier aux stéréotypes. « Être Gitan, c’est être Gitan. Peu importe ce que tu en fais. Je suis une autre version de cette identité. » Dans sa famille proche, le soutien est solide : « Ma mère est très supportive. Mon frère fait de la musique avec moi. Ma sœur aussi me soutient. »
Et maintenant, la Cigale et l’Olympia
L’Echonova n’était qu’une étape — brillante, chaleureuse, saluée — avant un rendez-vous autrement attendu : La Cigale, le 25 novembre. Une salle mythique, un public déjà au rendez-vous, et un artiste en pleine ascension qui s’apprête à franchir un cap.
Et ce n’est qu’un début : Piche sera également à l’Olympia le 24 novembre 2026, un horizon qui consacre sa montée fulgurante. Sur scène, vendredi soir, il confiait : « Je me suis longtemps demandé ce que j’apportais au paysage musical. Le drag m’a aidé à trouver ma place. Aujourd’hui, je défends quelque chose qu’on voit peu. »
À l’Echonova, cette place, il l’a prise. À Paris, il s’apprête à la confirmer. Et en 2026, à l’Olympia, il pourrait bien l’ancrer définitivement.
Victor Hache





