« Louise » : Nicolas Keitel explore les cicatrices de l’enfance

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"Louise" : Enfant, Marion a quitté le domicile familial et est devenue Louise (Diane Rouxel), loin de sa mère et de sa sœur (©Gabman/La Boétie/Scope Pictures/RTBF/Voo Be TV/Proximus).

Sortie cinéma. Une fillette de 10 ans revoit sa mère et sa sœur après avoir disparu pendant 15 ans, et elles ne la reconnaissent pas. Va-t-elle leur dire qui elle est ? C’est le synopsis, un peu invraisemblable, de LOUISE, un premier film habilement tourné, délicat et émouvant de Nicolas Keitel (mercredi 10 décembre sur les écrans).

« Louise » : Tout le film s’articule autour du point de vue de Louise, interprétée par la jeune actrice Diane Rouxel qui donne avec une belle consistance à son personnage son caractère fermé, dur, marqué par les vicissitudes de la vie

Marion, 10 ans, et sa petite sœur Jeanne vivent avec leur mère Catherine (Cécile de France), séparée du père de ses enfants. Son dernier compagnon est violent et jaloux et, un soir qu’il la bat lors d’une dispute, Marion intervient en criant « Lâche ma maman! ».

Ciseaux dans le dos

Dans la confusion et sa tentative de protéger sa mère, la gamine poignarde l’agresseur en lui enfonçant une paire de ciseaux dans le dos. Puis s’enfuit de la maison à vélo, pendant que sa mère appelle la police et les secours.

Marion trouve refuge chez son père qui, quelques jours plus tard, apprend que l’homme poignardé est mort. Le père prend soin de sa fille et lui procure une nouvelle identité pour les années à venir.



Marion est devenue Louise

Quinze ans plus tard, Marion est donc devenue Louise, jeune journaliste talentueuse, solitaire et austère. Elle a coupé les ponts avec sa famille mais, un jour, retrouve sur Facebook la trace de sa sœur Jeanne, qui chante ses chansons en s’accompagnant à la guitare dans un café-théâtre de Bruxelles.

Sous prétexte de faire un article sur elle, Louise rencontre Jeanne (Salomé Dewaels), qui lui présente sa mère. Toutes les deux ne la reconnaissent pas. Dilemme pour la jeune femme: va-t-elle leur dire qu’elle est Marion, ou va-t-elle prolonger sa rupture avec son passé?…

Manque de crédibilité

Une mère est-elle incapable de reconnaître dans une femme de 25 ans sa fille qu’elle n’a pas vue depuis l’âge de 10 ans? Et cette jeune femme ne retrouve –grâce à Internet– mère et sœur qu’au bout de 15 ans? Le scénario de départ manque certes de crédibilité, mais les explications viennent petit à petit dans la première partie du film, à coups de retours en arrière notamment.

Et si l’on décide d’y croire, l’histoire déroule alors une atmosphère de thriller psychologique et de mélodrame à la fois passionnante et teintée de sensibilité et d’émotion. Jolie scène, parmi d’autres: à la fin du dîner chez Catherine et Jeanne après leurs vraies-fausses retrouvailles avec Marion/Louise, cela fait tout drôle à celle-ci de serrer la main de sa propre mère –et, dans le couloir, une fois la porte refermée, elle a envie de faire marche arrière et de tout leur avouer…

Traumatismes de l’enfance

« J’avais envie de traiter des traumatismes de l’enfance et de leurs répercussions à l’âge adulte. D’une part, parce que cela appartient à mon histoire familiale et, d’autre part, parce que c’est un sujet universel susceptible de trouver une résonance en chacune et chacun », explique le réalisateur Nicolas Keitel, dont c’est le premier long-métrage.

Les trois rôles principaux sont féminins, et ce n’est pas un hasard. « LOUISE n’a rien d’autobiographique, mais j’y rends tout de même une forme d’hommage à ma mère, qui m’a élevé seule avec ma sœur, mon père ayant déserté notre foyer. Ma représentation féminine de la famille vient de là », ajoute Nicolas Keitel.

Point de vue de Louise

Tout le film s’articule autour du point de vue de Louise, interprétée par la jeune actrice Diane Rouxel qui donne avec une belle consistance à son personnage son caractère fermé, dur, marqué par les vicissitudes de la vie. « Le parti pris esthétique consistait à filmer Diane Rouxel en plans rapprochés pour saisir chaque variation émotionnelle sur son visage », explique le réalisateur. « Son personnage parle peu et ses émotions et pensées passent par ses expressions. Il fallait filmer son masque et ce qui filtre malgré ses efforts ».

Mais l’on est aussi admiratif devant Cécile de France, qui donne ici plusieurs facettes de son talent et apporte une force empathique supplémentaire au film. Son personnage a créé une association d’aide aux femmes battues (c’est le côté social du film) mais reste avant tout une mère qui a perdu sa fille aînée (c’est le côté drame familial). Car « mes envies de cinéma lorgnent du côté du romanesque et non du social. J’aime être embarqué dans une histoire, me sentir porté par un souffle », conclut Nicolas Keitel à propos de ce premier film habilement tourné, subtil et prometteur.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Je suis qui, en fait? Je ne sais rien sur moi. Tout ce que j’ai toujours cru, c’est des mensonges » (Marion/Louise).


  • Louise (France/Belgique, 1h48). Réalisation : Nicolas Keitel. Avec Diane Rouxel, Cécile de France, Salomé Dewaels (Sortie 10 décembre 2025)
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