« Nouvelle vague » : hommage au cinéma et au génie de Godard

Nouvelle vague
"Nouvelle vague" : Jean-Paul Belmondo (Aubry Dullin) et Jean Seberg (Zoey Deutch) pendant le tournage du film "À bout de souffle" (©Jean-Louis Fernandez/ARP).

Sortie cinéma. Vous reprendrez bien un peu de nostalgie? Les boomers chers à François Bayrou vont se replonger dans l’ambiance du cinéma français des années 60, et les plus jeunes la découvrir, avec le film NOUVELLE VAGUE qui sort mercredi 8 octobre sur les écrans après avoir été présenté en compétition au dernier Festival de Cannes.

« Nouvelle vague » : Hommage au cinéma en général, émouvant et malicieux, le film rend sympathique un Jean-Luc Godard (1930-2022) plein de vitalité, de génie créatif et d’humour.

Le film, réalisé par l’Américain Richard Linklater, raconte le tournage du premier long-métrage de Jean-Luc Godard, À BOUT DE SOUFFLE, sorti en 1960 et qui fut l’une des dates importantes de l’histoire du cinéma.

On est en 1959 et Godard (Guillaume Marbeck), critique aux Cahiers du cinéma, est en retard sur ses confrères Claude Chabrol et François Truffaut, qui sont passés de l’autre côté et sont devenus cinéastes. Lui aussi veut réaliser son premier film. « La meilleure façon de critiquer un film, c’est de réaliser un film », dit-il au producteur Georges de Beauregard, qu’il arrive à convaincre. Le projet À BOUT DE SOUFFLE est alors sur les rails.

Jean-Paul Belmondo et JeanSeberg

Godard discute du scénario avec Truffaut, sur un banc d’un quai de la station de métro Richelieu-Drouot; va voir Jean-Paul Belmondo (Aubry Dullin) dans une salle de boxe; prépare le tournage dans un café avec son assistant réalisateur Pierre Rissient (Benjamin Clery); rencontre Roberto Rossellini, le père de la Nouvelle Vague selon lui, et Jean-Pierre Melville, sur un tournage; accueille Jean Seberg (Zoey Deutch) dans une brasserie, avec son mari François Moreuil.

Et puis c’est le premier jour de tournage: deux heures, pas de scénario ni de dialogues pour le lendemain. « Sois rapide comme Rossellini, malicieux comme Sacha Guitry, musical comme Orson Welles, simple comme Marcel Pagnol, blessé comme Nicholas Ray, efficace comme Hitchcock, profond comme Bergman et insolent comme personne », lui a dit Truffaut.


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Tournage dans les rues de Paris

Le tournage, à la hussarde dans les rues de Paris (notamment les Champs-Elysées), sera joyeux, léger, désordonné. Au 12e jour de tournage, Godard marche sur les mains. Au 16e jour, il joue un petit rôle dans son film (et toute l’équipe se moque gentiment de lui). Avant chaque prise il s’adresse à son chef opérateur Raoul Coutard: « Moteur, Raoul! », et celui-ci lui répond: « Ça tourne, Jean-Luc! »

Le film, au départ une histoire policière, est atypique et va révolutionner le cinéma, devenant le symbole d’une génération de réalisateurs qu’on appellera « la Nouvelle Vague » –une expression inventée deux ans auparavant par François Giroud dans L’Express, à propos de la jeunesse française.

Hommage ému

Comme beaucoup de réalisateurs ensuite, Richard Linklater, 65 ans (il est né l’année de la sortie du film), a été influencé par À BOUT DE SOUFFLE et a voulu rendre un hommage ému à Jean-Luc Godard: NOUVELLE VAGUE, dit-il, est « comme une lettre d’amour à ceux qui vous ont donné envie de faire des films ».

Il a tourné une vingtaine de films depuis 1985, les plus célèbres étant sa trilogie « Before » avec Ethan Hawke et Julie Delpy (BEFORE SUNRISE en 1995, BEFORE SUNSET en 2004, BEFORE MIDNIGHT en 2013) et surtout BOYHOOD, sorti en 2014, pour lequel il a filmé une famille du Texas sur une période de 12 ans.

Noir-et-blanc

Pour NOUVELLE VAGUE, il a utilisé une image au format presque carré (1.37) et en noir-et-blanc, comme l’original. « Il ne s’agit pas de refaire À bout de souffle, mais de le regarder sous un autre angle. Je veux plonger ma caméra en 1959 et recréer l’époque, les gens, l’ambiance. Je veux traîner avec la bande de la Nouvelle Vague », dit-il.

Il a aussi voulu que le tournage et l’atmosphère du film ressemblent à ceux du film de Godard, avec une bande de copains qui n’avaient pas conscience d’écrire une page historique du cinéma: « Je l’ai dit à tous les acteurs: vous ne faites PAS un film d’époque. Vous vivez l’instant présent. Godard est un critique reconnu mais c’est un réalisateur qui débute. Vous vous amusez à tourner avec lui, mais vous vous demandez si ce film sortira un jour… »

Plein de charme

NOUVELLE VAGUE plaira beaucoup aux cinéphiles mais c’est un film grand public, gai et léger, plein de charme, à la reconstitution historique soignée, avec notes de jazz et chansons de l’époque (Dalila, Sacha Distel, Dario Moreno, Richard Anthony) et voitures des années 50 alignées le long du trottoir (Dauphine, DS, 4CV, Aronde, 403…).

Il y a certes des dialogues intellos et des citations enfilées comme des perles (« L’art n’est pas un passe-temps, c’est un sacerdoce », dit Jean Cocteau à François Truffaut après la sortie des 400 coups« On ne se moque pas du cinéma, sinon c’est lui qui se moque de vous », dit De Beauregard à Godard; « Leonard de Vinci l’a dit mieux que personne, l’art n’est jamais terminé, seulement abandonné », dit Godard).

Célébrités

Il y a des célébrités qui défilent tout au long du film, comme un Who’s Who en images (Claude Chabrol, Suzanne Schiffman, Jacques Rivette, Éric Rohmer, Agnès Varda, Juliette Greco, Robert Bresson, Françoise Arnoul, Richard Balducci, José Bénazeraf, Daniel Boulanger).

Les acteurs ont été choisis pour leur ressemblance physique avec les personnages originaux. C’est particulièrement réussi pour Guillaume Marbeck, cigarettes et lunettes noires, qui imite très bien la voix et le phrasé de Godard. Dans les rôles du couple Belmondo-Seberg, Aubry Dullin et Zoey Deutch ne sont pas mal non plus,  crédibles et fidèles à l’image qu’on a gardée des acteurs originaux.

Émouvant et malicieux

Hommage au cinéma en général, émouvant et malicieux, NOUVELLE VAGUE rend sympathique un Jean-Luc Godard (1930-2022) plein de vitalité, de génie créatif et d’humour –davantage que le faisait le film LE REDOUTABLE en 2017, dans lequel Michel Hazanavicius racontait la relation amoureuse, de 1966 à 1970, entre le réalisateur et l’actrice Anne Wiazemsky.

Bien sûr c’est sur la chanson Nouvelle Vague de Richard Anthony, sortie cette année-là, que se déroule le générique de fin. Comme dit l’autre, cela ne nous rajeunit pas. Quoique…

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « S’ils veulent la Nouvelle Vague, donnons-leur un raz-de-marée » (Jean-Luc Godard à Georges de Beauregard).

  • Nouvelle Vague (France, 1h46). Réalisation: Richard Linklater. Avec Guillaume Marbeck, Zoey Deutch, Aubry Dullin (Sortie 8 octobre 2025)

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