Sortie cinéma/« Sept Jours ». Pour les Iraniens qui ne veulent pas subir le régime politique des mollahs, il n’y a que deux solutions: fuir ou résister. C’est le dilemme qui se pose au personnage principal du film SEPT JOURS ( mercredi 6 août sur les écrans), une femme courageuse et déterminée.
« Sept jours » : Le film est inspiré d’un personnage réel, Narges Mohammadi, militante iranienne pour les droits humains et Prix Nobel de la paix en 2023
Maryam (Vishka Asayesh), activiste et militante, qui se bat pour les droits des femmes, est emprisonnée depuis 6 ans, loin de son mari Behnam (Majid Bakhtiari) et de leurs deux enfants adolescents, qui ont fui le pays depuis plusieurs années et ont trouvé refuge en Allemagne.
Un jour, Maryam bénéficie d’une permission de sept jours pour raisons médicales. Sa famille, des amis et des militants d’une ONG profitent de cette semaine de liberté pour lui permettre de voir mari et enfants de l’autre côté de la frontière avec la Turquie. En espérant qu’elle pourra fuir le pays: « À toi de voir. Ta famille ou la prison (…). Ne rate pas cette chance », lui dit son frère.
Continuer sa lutte
Mais elle n’a pas l’intention de s’exiler: « Je ne pars pas », dit-elle. Elle veut juste profiter de ces sept jours pour voir sa famille, et revenir en prison continuer sa lutte militante.
Le voyage clandestin vers la frontière (cachée dans le coffre de la voiture d’une amie, changeant plusieurs fois de portable, en car avec d’autres candidats au départ, rassemblée avec eux dans une maison isolée, aidée par plusieurs passeurs, évitant les tirs des garde-frontières, luttant contre le froid et la neige dans la montagne) sera éprouvant. Au point de lui faire changer d’avis, si elle parvient au but?…
Inspiré du Prix Nobel de la paix 2023
Le film est inspiré d’un personnage réel, Narges Mohammadi, militante iranienne pour les droits humains et Prix Nobel de la paix en 2023, sans pour autant retracer fidèlement sa vie. « On retrouve dans le film certains éléments tirés de sa vie: son mari, ses enfants qui vivent à l’étranger, les multiples séjours en prison, sa santé fragile. Mais le récit bascule rapidement dans la fiction », explique le réalisateur du film, Ali Samadi Ahadi.
« Ce que nous avons voulu explorer, c’est une question morale: que se passerait-il si une femme comme elle avait la possibilité de quitter l’Iran pour retrouver ses enfants? Accepterait-elle ce choix, ou déciderait-elle de poursuivre la lutte, au prix de tout le reste? ».
Personnage féminin fort
SEPT JOURS met donc en lumière un personnage féminin fort. « Ce qui m’a toujours fasciné en Iran, c’est la force des femmes, et notamment des mères », ajoute le réalisateur. « Elles sont, je crois, plus résistantes que n’importe qui d’autre sous la pression. Quand on regarde la société iranienne, on voit une majorité féminine: les femmes représentent 51% de la population, 70% des étudiants. Et pourtant, elles sont discriminées à tous les niveaux de la société. C’est cette contradiction brutale qui m’a profondément touché, et que j’ai eu envie de raconter ».
C’est le deuxième long-métrage d’Ali Samadi Ahadi, 54 ans, après plusieurs courts-métrages, documentaires et films d’animation. Il vit aujourd’hui en exil en Allemagne, après avoir quitté seul son pays à l’âge de 12 ans pendant la guerre Iran-Irak.
Avec Mohammad Rasoulof
Il a écrit le scénario de SEPT JOURS avec un autre cinéaste iranien, Mohammad Rasoulof, qui devait tourner le film mais lui en a laissé la réalisation. Rasoulof, 54 ans, qui a remporté l’Ours d’or au Festival de Berlin en 2020 pour son film Le Diable n’existe pas (tourné dans la clandestinité sur le thème de la peine de mort en Iran), et le Prix Spécial du jury au Festival de Cannes 2024 pour Les graines du figuier sauvage (sur le mouvement de révolte des femmes iraniennes « Femme, Vie, Liberté »), a été arrêté et incarcéré en 2022 et a fui son pays en mai 2024 pour échapper à une nouvelle condamnation à huit ans de prison. Lui aussi vit aujourd’hui en exil en Allemagne.
Le film est donc très politique mais est empreint de beaucoup d’émotion et, dans sa réalisation, ne manque pas de rythme et de suspense, avec cette course contre la montre du personnage principal, une tension dans des scènes souvent sombres, des paysages de montagne enneigée hostiles (le film a été tourné en Géorgie), une image qui parfois tangue, se dérobe, montrant le réalisme de l’histoire presque comme un documentaire.
Tension intérieure
La tension est aussi intérieure chez le personnage de Maryam, qui vit constamment sur le fil et est confrontée à un choix difficile: « C’est un thriller moral, un thriller intérieur », dit le réalisateur.
Et l’interprète de cette femme énergique et courageuse, Vishka Asayesh, occupe tout l’écran, avec force. Actrice très connue en Iran, elle a soutenu le mouvement « Femme, Vie, Liberté » en 2022 et, ne souhaitant plus tourner en portant le voile, a elle aussi quitté l’Iran pour s’installer en France. SEPT JOURS est le premier film dans lequel elle a joué sans porter le voile.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « N’importe où vaut mieux qu’ici » (l’amie de Maryam, qui l’incite à quitter le pays).
- « SEPT JOURS« (« Half Rooz ») (Allemagne, 1h53). Réalisation: Ali Samadi Ahadi. Avec Vishka Asayesh, Majid Bakhtiari, Tanaz Molaei (Sortie 6 août 2025)
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