Adapté du célèbre roman de Gustave Flaubert, « Madame Bovary », film de Claude Chabrol, est l’histoire d’une jeune femme à la tête pleine de rêves qui, ne pouvant les vivre, ira d’amours mal vécues en déceptions, jusqu’au désespoir. Une relecture brillante de Chabrol, qui a réussi à dépeindre l’ennui domestique et les mœurs de province au 19è siècle. Avec Isabelle Huppert, dans le rôle de l’héroïne romantique, rêveuse, amoureuse, éternelle insatisfaite. Un mal-être et un spleen qui pourraient bien faire écho à notre société actuelle.
« Madame Bovary », héroïne romantique victime de son ennui
En Normandie vers 1837, Emma, fille de paysans fortunés, est élevée dans un couvent où elle reçoit une éducation de jeune fille de bonne famille. Elle lit, surtout des romans d’amour. Aspirant à une vie pleine de romanesque, elle épouse un médecin, Charles Bovary. Mais l’ennui rattrape ses rêves et c’est d’amours en amours vite délaissées qu’elle se rend compte à quel point son existence est toujours vide. Une enfant qu’elle abandonne bientôt à une nourrice et des dépenses fastueuses, puis des dettes lui font comprendre qu’elle est et sera vraisemblablement toujours insatisfaite.
Adapter « Madame Bovary » un tel monument de la littérature française, était une tâche impressionnante, dont Claude Chabrol s’est sorti avec brio. Enfin, presque pour ceux qui ont lu le beau roman de Gustave Flaubert. Pour tous les autres, c’est une superbe histoire avec des décors magnifiques et de riches costumes. Une relecture brillante du cinéaste au plus près de l’écriture du roman de Gustave Flaubert, qui a réussi à dépeindre l’ennui domestique en province au 19è siècle.
Les interprètes sont excellents bien qu’Isabelle Huppert, toujours un peu froide, est une Emma Bovary qui aurait mérité d’être plus vibrante. Un supplément de passion eut été le bienvenu car cette héroïne romantique, rêveuse, éternelle insatisfaite, est en demande de passion, sous sa robe de bourgeoise provinciale.
La réalisation est fidèle, réaliste, cruelle parfois, mais tellement proche de la réalité d’aujourd’hui. Les femmes passionnées qui se sont trompé de mari s’ennuient toujours autant car le mal-être d’Emma s’est étendu à l’infini. Au 19ème siècle, les Anglais avaient nommé ce mal le spleen, maladie de l’âme qui survient surtout dès l’automne ou à l’entrée de l’hiver. Emma a tenté d’oublier son spleen qui la rongeait en s’étourdissant. Les robes, les soieries, les rubans, le bal puis les hommes, n’ont pu éviter la descente vers son enfer. Mais était-elle si particulière ?
Aujourd’hui, nous noyons notre blues aux terrasses des cafés même si l’on sait qu’il n’est soluble dans aucune boisson. Elle avait tout ce qu’une femme de sa condition pouvait souhaiter : un bon mari, aimant, de l’argent et même un enfant. Mais l’âme d’Emma était atteinte, plus d’espoir de guérison…
Avec « Madame Bovary », Gustave Flaubert a réinventé le roman, créant un style tellement nouveau qu’il choqua les critiques de 1856, qu’on lui intenta un procès. La censure du Second Empire coupa même 70 passages de son livre dans « La Revue de Paris » jugés non seulement licencieux mais n’étant pas dans le genre de l’époque, selon les codes romanesques. Flaubert s’était défait de l’habit lyrique à la mode, comme il l’écrivit à ses amis qui le critiquaient : « Vous m’avez guéri du cancer du lyrisme ».
Jane Hoffmann
- A voir : « Madame Bovary » (1991) de Claude Chabrol, avec Isabelle Huppert, Jean-François Balmer, Christophe Malavoy, sur Arte mercredi 29 septembre à 20:55