Sortie cinéma/ « Une bataille après l’autre ». James Cameron, Woody Allen, Danny Boyle, Steven Spielberg, Sam Mendes, Ridley Scott, Christopher Nolan, Baz Luhrmann, Clint Eastwood, Alejandro González Inárritu, Quentin Tarantino et bien sûr Martin Scorsese: Leonardo DiCaprio a tourné avec les plus grands. Mais il n’avait encore jamais joué dans un film d’un des réalisateurs les plus doués, Paul Thomas Anderson. Lacune comblée avec UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE (ce mercredi 24 septembre sur les écrans), l’un des films les plus attendus de la rentrée.
UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE est, même si Paul Thomas Anderson s’en défend, son film le plus politique
DiCaprio y interprète Bob Ferguson, ancien révolutionnaire désabusé et paranoïaque, qui vit en marge de la société, dans une maison en pleine forêt. Il passe ses journées en peignoir, abusant de l’alcool et de la fumette, à visionner des cassettes de vieux films, allongé sur son canapé. Il n’a qu’un sujet d’intérêt dans la vie: protéger Willa (Chase Infiniti), sa fille de 16 ans.
French-75
Celle-ci est née de sa relation avec sa petite amie de l’époque, Perfidia (Teyana Taylor), militante explosive et passionnée qui, comme lui, faisait partie des French-75, un groupe d’activistes révolutionnaires qui défendaient les immigrés et les minorités à coups d’attentats, d’actions violentes et de hold-up.
Après avoir tué un vigile lors d’un braquage de banque, Perfidia a été arrêtée puis a disparu après avoir été libérée. Prix de sa liberté et de son exil au Mexique: elle a livré des noms de militants à son ennemi juré, le colonel Steven J. Lockjaw (Sean Penn), militaire chargé de traquer les terroristes. Seize ans plus tard, celui-ci retrouve la trace de Bob Ferguson et de sa fille Willa…
Tiré d’un roman de Thomas Pynchon
C’est le 10e film en 30 ans de Paul Thomas Anderson, 55 ans, et sans doute le meilleur depuis ses chefs d’œuvre MAGNOLIA (1999) et surtout THERE WILL BE BLOOD (2007). Comme pour son film INHERENT VICE (2014), le scénario est inspiré d’un roman du plus discret et mystérieux des écrivains américains, Thomas Pynchon.
Le livre, Vineland (Ed. Seuil), a été publié en 1990 mais l’histoire s’y déroulait dans les années 60. Pour son film, Paul Thomas Anderson a décalé l’action à la période actuelle: « C’est le premier film se déroulant à l’époque actuelle que je tourne depuis longtemps et c’est très libérateur », dit-il.
Mélange des genres
UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE est, même s’il s’en défend, son film le plus politique, qui a des résonances actuelles: minorités noires et mexicaines, suprémacistes blancs inquiétants, activisme plus ou moins violent, surveillance généralisée par les services de sécurité, actions musclées de la police et de l’armée. On frôle le manichéisme avec des méchants très méchants (militaires et policiers) et des gentils plutôt gentils (activistes et militants) –même si ces derniers sont souvent tournés en dérision.
Mais ce n’est pas un film à message bien-pensant ou une critique moralisatrice de la société, UNE BATAILLE APRÈS L’AUTRE est bien plus que cela. Brillant, réalisé avec une maestria à laquelle Paul Thomas Anderson a habitué les spectateurs, paré d’une bande-son très travaillée (parfois même un peu omniprésente), c’est un mélange des genres fastueux: réflexion (le militantisme, ses moyens et ses conséquences), double histoire d’amour (amour passionné Bob-Perfidia, amour paternel Bob-Willa), suspense (la traque du colonel), action (une superbe course-poursuite en fin de film sur une route à bosses dans le désert californien) et surtout humour.
Humour
Sur ce dernier point, même en pleine tension et au cœur du suspense, le film est riche en moments drôles (quand Bob a oublié un mot de passe au téléphone), avec des vannes à caractère sexuel bienvenues et quelques dialogues au langage châtié qui feraient passer Quentin Tarantino pour un petit Mickey.
Sean Penn est impressionnant dans son personnage de colonel sadique et tourmenté, et la jeune débutante Chase Infiniti s’en tire fort bien dans le rôle de Willa. Mais l’un des intérêts du film est cette première apparition devant la caméra de Paul Thomas Anderson de Leonardo DiCaprio qui, en vieillissant, a de plus en plus des airs de Jack Nicholson.
Rencontre au sommet
Sur cette rencontre au sommet PTA-LDC, le réalisateur ne tarit pas d’éloges sur son acteur: « C’était épatant de travailler avec Leo. Il est exactement comme on me l’avait décrit. Je crois qu’on a pris beaucoup de plaisir à travailler ensemble et on espère pouvoir recommencer. C’est une chose d’envisager de faire un film, mais ce n’est pas pareil quand on s’attelle vraiment au projet et qu’on arrive sur le plateau ».
DiCaprio est tout aussi admiratif: « C’est avant tout Paul Thomas Anderson qui m’a séduit dans ce projet. (…) Cela fait une vingtaine d’années que j’avais envie de travailler avec lui et pouvoir tourner un film sur ce sujet en particulier, à ce moment de ma vie, compte énormément à mes yeux. En tant que scénariste et metteur en scène, il incarne une voix singulière et forte de sa génération, et c’est l’un des grands cinéastes de notre époque ».
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : Tu sais ce que c’est que d’être libre? C’est de ne pas avoir peur. Comme cet enfoiré de Tom Cruise » (Benicio Del Toro, chef d’un réseau d’aide aux immigrés mexicains, à Leonardo DiCaprio).
- « Une bataille après l’autre« (« One Battle After Another ») (États-Unis, 2h42). Réalisation: Paul Thomas Anderson. Avec Leonardo DiCaprio, Sean Penn, Chase Infiniti (Sortie 24 septembre 2025)
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