Étretat, naissance d’un mythe pictural au fil des falaises

etretat par-delà les falaises
"Étretat par-delà les falaises" : Claude Monet "Etretat l'aiguille et la porte daval" (Courtoisie Image © The Clark Art Institute )

Exposition / Étretat par-delà les falaises. Jusqu’au 1er mars 2026, le musée des Beaux-Arts de Lyon accueille l’exposition Étretat par-delà les falaisesCourbert, Monet, Matisse. Réalisée en collaboration avec le Städel Museum, Francfort-sur-le-Main (Allemagne), elle y sera présentée du 19 mars au 5 juillet 2026. Dès l’entrée, on est saisi par un film présentant ces falaises où, sous l’effet de l’érosion, la roche a pris des formes spectaculaires d’arches et d’aiguille. Au cours du XIXème siécle les artistes se sont emparés de ces paysages. Étretat est devenu alors un village d’artiste comme l’a été Barbizon près de Paris ou Pont-Aven en Bretagne. C’est cette histoire que nous raconte l’exposition.

Étretat par-delà les falaises – Courbet, Monet, Matisse : L’intérêt majeur de cette exposition est de nous faire découvrir à travers cent-cinquante œuvres et documents les évolutions de la perception du paysage et de sa figuration

En 1920 Eugène Isabey est un des tout premiers peintres à s’intéresser à ce village. Il sera rapidement suivi par l’allemand Johann Wilhelm Schirmer puis par Eugène Delacroix et Camille Corot. Viendront ensuite Courbet, Monet et Matisse qui, avec de nombreux autres artistes ont  transformé Étretat en un véritable atelier de peinture en plein air.

Les peintres y ont attiré également de grands noms de la littérature comme Victor Hugo et Guy de Maupassant, tandis qu’au début du XXème siécle Maurice Leblanc fait appel à l’Aiguille d’Étretat dans une aventure d’Arsène Lupin racontée dans L’aiguille creuse.

L’exposition lyonnaise nous fait découvrir d’abord un village de pêcheurs normand qui va se transformer avec l’invention du bain de mer, une pratique préconisée d’abord par le corps médical avant de se trasformer en une activité touristique qui va gagner de l’importance avec les décennies.

L’intérêt majeur de cette exposition est de nous faire découvrir à travers cent-cinquante œuvres et documents les évolutions de la perception du paysage et de sa figuration. C’est une contribution très éclairante à l’histoire  de la peinture car on perçoit très clairement comment les falaises sont traitées différemment selon les courants artistiques.



Eugène Le Poittevin « Les Bains de mer, plage d’Etretat », 1864. Huile sur toile ; 63 x 149,4 cm. Collection particulière. Courtoisie image Sotheby’s

Courbet s’installe à Étretat en 1869 et y peint onze fois les falaises. Monet découvre ce travail en 1882 lors d’une rétrospective Courbet et réalise lui-même plusieurs séries lors de son passage en 1883 puis en 1885 où il peint cinquante tableaux représentant la côte normande. L’exposition lyonnaise propose une passionnante sélection issue de ces séries.

Eugène Boudin prend ensuite le relais de Monet à partir de 1887, mais il s’intéresse surtout à la vie quotidienne des pêcheurs. A la fin du XIX siècle Félix Vallotton y vient à l’occasion de son voyage de noces et s’intéressera aux touristes et aux baigneurs. En 1920 c’est Henri Matisse qui séjourne à deux reprises à Étretat où il a réalisé plus de quarante peintures et de nombreux dessins. Il présente une vision très épurée des falaises à la limite de l’abstaction.

Ces falaises sont devenues dès 1850 un lieu d’exploration pour les premiers photographes ayant une ambition artistique comme le fut par exemple Alphonse Davanne. Le photographe Elger Essler conclue le parcours avec une série réalisée en 2000, Cap d’Antifer — Etretat, qui  suit la très précise description qu’en avait faite Maupassant à la demande de Flaubert qui cherchait lui-même un décor normand pour y situer un  passage de son Bouvard et Pécuchet.

Les écrivains ont en effet beaucoup contribué à assurer la notoriété d’Étretat. Dans ses chroniques Maupassant a rendu compte plusieurs fois du travail des peintres  devant les falaises. Dans Chronique d’un paysagiste il raconte comment il a suivi Claude Monet « à la recherche d’impressions…suivi d’enfants qui portaient ses toiles, cinq ou six toiles représentant le même sujet à des heures diverses et avec des effets différents ».

Cette exposition nous permet donc de découvrir comment un lieu exceptionnel a été à l’origine d’une riche créativité artistique multiforme.

Mais les commissaires de l’exposition lyonnaise n’oublient pas également de nous rappeler que « le site d’Étretat est aujourd’hui en péril, fragilisé par la surfréquentation touristique et l’érosion des falaises accélérée par les effets du changement climatique ». Ils souhaitent donc que cette exposition nous invite « à interroger notre regard sur le paysage et sur le processus de création d’un mythe ». De nombreuses animations sont organisées au Musée des Beaux Arts de Lyon pour contribuer à cette réflexion.

Yves Le Pape

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Yves Le Pape