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Paul Bloas expose ses géants à Brest jusqu'au 28 février

Exposition. Le peintre Paul Bloas expose d’immenses portraits des travailleurs de la Serrurerie Bestoise, une entreprise de chaudronnerie locale. Une exposition au « Faire Rouge » qui rend hommage à la culture ouvrière de Brest, à découvrir jusqu’au 28 février aux Capucins, lieu unique de toutes les créativités et symbole du renouveau urbain dans le quartier de Recouvrance. 


Exposition. « Faire Rouge »: les géants du peintre Paul Bloas à Brest


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Paul Bloas : « Faire Rouge » : une exposition en hommage à la culture ouvrière de Brest

Depuis ses débuts à Brest en 1984, l’artiste Paul Bloas sillonne le monde et peint sur papier des portraits géants qu’il colle en extérieur dans les endroits les plus inattendus comme une prison brestoise, un camp militaire à Madagascar ou un désert chilien.

Il a choisi cette fois un matériau moins éphémère et une exposition visible par le plus grand nombre aux Ateliers des Capucins à Brest, une ancienne usine magnifiquement transformée en lieu de culture. Les portraits géants de l’artiste brestois sont installés dans l’immense place couverte des Capucins où trônent quelques imposantes machines, souvenirs du passé industriels de ce site.

C’est là que nous avons rencontré Paul Bloas qui a évoqué pour We Culte son étonnant parcours et la construction d’une œuvre, éphémère le plus souvent, et pourtant bien inscrite dans l’histoire de la peinture contemporaine.

Vous exposez souvent à Brest ?

Paul Bloas : J’expose ici un peu à domicile car j’ai fait mes premières armes de peintre à Brest et j’y suis revenu ensuite pour rester enfermé en isolement total dans l’ancienne prison de Pontaniou pour fabriquer un certain nombre d’images. J’ai également exposé à Brest il y a 9 ans sur le thème de la mémoire ouvrière de l’Arsenal. J’ai reçu récemmment une commande de la Serrurerie Brestoise, une société de chaudronnerie, qui m’a permis de réaliser une quinzaine de portraits qui sont accrochés dans la grande Nef des Seigneurs des Capucins. Dans une petite salle je présente aussi tous les travaux préparatoires qui ont donné naissance ensuite aux plus grands formats. On y voit aussi les photos des modèles comme Sylvain qui est un découpeur de métal ou celle d’Alexia, une jeune soudeuse qui est la seule femme à travailler dans cette entreprise. Sylvain a été l’un des personnages principaux du projet et il est aussi DJ dans les boîtes de nuits brestoises.

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Comment s’est déroulé ce projet avec la Serrurerie Brestoise ?

Paul Bloas : Les dirigeants de la Serrurie Brestoise étaient intéressés par un grand format de 8 mètres de haut, un charpentier de marine, que j’ai réalisé sur le port de Brest. Ils souhaitaient des peintures dans le même style à installer dans leurs ateliers. J’ai essayé d’abord des formats sur bois mais en regardant les gars bosser sur de la ferraille, je me suis dit « pourquoi pas peindre sur du fer ? ». J’ai d’abord essayé le galva, c’est à dire de l’acier, et on a finalement choisi l’aluminium avec ses belles gammes de gris. En mars 2022 tous ces portraits seront installés dans l’entreprise. C’était une réalisation pérenne à installer dans un lieu où il y a beaucoup de chalumeaux, je ne pouvais donc pas utiliser le papier. Et pour donner sens à l’image autant utiliser les supports qui ont un lien direct avec le lieu où je vais les placer. C’est important de faire sens. C’est pour cela qu’on peut d’abord les voir aux Capucins, où il y a un important passé industriel d’ateliers de tournage et de fraisage.



Sur quel support travaillez-vous habituellement ?

Paul Bloas : D’habitude je travail sur du papier, des chutes de rotatives par exemple. Je réalise des collages en extérieur. Depuis 1984 je fais de grands bonshommes que je colle un peu partout dans le monde. Mes modèles sont plutôt de petites gens, des ouvriers ou des ceux qui zonent un peu. Mes grands thèmes ont été la prison de Pontaniou à Brest avec son univers carcéral et les lendemains de guerre à Beyrouth. Ces deux projets ont forgé les graphismes de mes personnages.

Pourquoi avez-vous choisi ce parti pris de l’éphémère ?

Paul Bloas : Il vient de mes origines plus ou moins malgaches. J’avais un an quand je suis arrivé à Madagascar et j’y suis resté jusqu’à mes 9 ans. Il y a là-bas une tradition qui s’appelle les kabars. C’est une sorte de discours pour laquelle il n’est pas important que l’histoire qu’on raconte soit vraie ou non. Ce qui est essentiel, c’est de la raconter. Ce sont des choses très éphémères comme mes peintures. Toutes celles que j’ai créées ont maintenant disparu, mais je garde toujours une trace de mes images collées grâce à la photographie.

Travaillez-vous parfois pour des commandes ?

Paul Bloas : En 2016, quand je suis allé dans le désert d’Atacama au Chili, c’etait une commande d’une compagnie de théâtre qui organisait un festival à Valparaiso. Je leur ai dit que j’étais beaucoup plus intéresssé par ce désert, qui évoque les disparus de Pinochet ou les mineurs de cuivre et de lithium. C’était aussi le lieu d’une coulée de boues toxiques qui s’est abattue sur la petite ville Chanaral, au pied de la Cordillère, et a fait 40 morts. J’ai installé mes pinceaux là bas et suis resté un moi et demi. C’était un beau désert avec des sites assez énigmatiques, des villes abandonnées, un décor très western. A part les lézards, très peu de gens y ont vu mon travail. Ce sont des lieux de nulle part, que j’affectionne particulièrement.

peinture ouvrier brest

A quel moment êtes-vous allé peindre à Berlin ?

Paul Bloas : Berlin, c’était avant la chute du mur. C’est la ville qui m’a permis pour la première fois de vivre de mon travail grâce à une bourse de jeune artiste que j’avais obtenue à 25 ans. Je devais y rester 6 mois, j’y suis resté un an. J’ai participé à cette occasion à Mythos Berlin Concepte, une grande exposition internationale qui est la première expostion à laquelle j’ai participé.

Pourquoi vous-êtes vous installé dans la prison de Pontaniou à Brest ?

Paul Bloas : Après Berlin je suis revenu ensuite à Brest à cause de cette ancienne prison. J’y ai réalisé un gros boulot qui m’a pris 3 ans. Je faisais à ce moment là un travail sur Belgrade, Budapest et Berlin qui étaient des villes qui allaient passer  de l’Est à l’Ouest. Il y avait une notion de passé, présent, futur qui était intéressante. Une prison vit par rapport à son passé et son présent mais jamais par rapport à son futur. Ces trois villes voyant le mur tomber allait vivre par rapport à un futur. J’ai essayé de relier les deux en créant une espèce de voyage à travers ces trois villes avec un réceptacle qui était cette prison. Les soixante à quatre vingt personnages y ont tous été collés.



tableau ouvrier

Quelle différence faites vous entre votre travail et le Street Art ?

Paul Bloas : La différence c’est que pour les street artistes, c’est important qu’on voit leur boulot, alors que moi je peux travailler dans un désert où personne n’ira voir mes peintures. Le street art existe depuis les peintures préhistoriques et Ernest Pignon-Ernest est là depuis longtemps. Moi, je fais de la peinture éphémère, des images qui disparaissent. Elles ne sont là que pour passer. C’est une sorte de calque de notre vie, de reflet déformé puisque mes personnages n’ont pas ce caractère photographique qu’on retrouve chez Pignon-Ernest. Ils sont surdimensionnés et déformés et ce sont des originaux que je pose.

Certes, notre boulot se justifie par notre présence en extérieur. Mais j’essaie de faire sens avec les lieux que j’occupe, ce qui n’est pas forcément le cas chez les street-artistes. Il y a des gens comme Banksy que je trouve vraiment intéressant, tout comme ceux qui jouent avec la signalétique urbaine. Mais si vous recouvrez un mur avec une belle image, ça l’est moins. Beaucoup de srteet artistes sont venus à mon exposition dans la collégiale du Mans et ils m’ont dit que je faisais partie des dinausaures. Mais je suis plus intéressé par le Land Art, par exemple le travail en extérieur de Richard Serra. Je m’intéresse aussi à Michel-Ange ou Francis Bacon. Je fais un vrai travail de peintre alors qu’avec le Street Art, on est plus dans l’illustration. Ca n’est pas le même métier.

Entretien réalisé par Yves Le Pape

  • A voir : Exposition « Faire Rouge » aux Capucins, 25 rue de Pontaniou, 29200 Brest

  • Le site de Paul Bloas https://www.paulbloas.com/ 
  • « Les saigneurs », Paul Bloas, Editions Dialogues, 178 pages, 2013, 39 € (une belle rétrospective du travail de Paul Bloas)

 

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