Arts. Peintre vivant le plus cher du monde et tenu pour un des maîtres du pop art, le Britannique David Hockney a quitté, à 83 ans, Los Angeles pour s’installer dans un village en Normandie. Un livre à la gloire d’un artiste qui peint « juste ce que je vois », lui a récemment été consacré et une exposition lui est dédiée. A voir au musée Granet d’Aix-en-Provence qui présente en partenariat avec la Tate Gallery, une riche rétrospective de l’oeuvre de l’un des plus importants artistes contemporains au monde. Jusqu’au 28 mai 2023.
Dans « David Hockney. A Chronology », Hans Werner Holzwarth passe au scanner l’œuvre du peintre, ses thématiques, son évolution- cet art pictural tout en liberté et passion, qui a fait de lui le peintre vivant le plus cher du monde
« David Hockney est né le 9 juillet 1937 dans la ville de Bradford dans le Yorkshire, il est le quatrième de cinq enfants. Son père Kenneth travaille pour un comptable et demeure pacifiste même en temps de guerre. Sa mère Laura est Méthodiste et végétarienne. Ils vivent dans des conditions modestes », lit-on en ouverture de « David Hockney. A Chronology », le tout récent (et magnifique) livre consacré au peintre britannique le plus célèbre (et le plus cher, du côté des salles de ventes) de l’époque.
Un jour, la télé allemande a même affirmé : « David Hockney a écrit- et plus encore, peint- une œuvre unique dans l’histoire de l’art »… Il est encore tout gamin quand il publie ses premiers dessins dans le journal de son école, il dessine des posters pour des événements de la ville. A 13 ans, il entre à la Junior Art School de Bradford, il enchaîne avec la Bradford School of Arts et commence à peindre des extérieurs, et en 1955, il peint un portrait de son père- souvenir : « Mon père avait acheté la toile, il a installé mon tableau sur un chevalet à roulettes et mis des miroirs tout autour pour en voir toutes les nuances « …
Aujourd’hui à 85 ans, David Hockney est le peintre vivant le plus cher du monde. Interrogé sur la signification de ses tableaux, il dit simplement : « C’est juste ce que je vois ». Une autre fois, il avait confié : « Je peins de mémoire ». Très vite, pour Catherine Cusset- l’auteure de « Vie de David Hockney », « il a été un artiste qui ne fait pas de compromis sur son désir ». Et d’ajouter : « C’est un artiste extrêmement libre. Quand on écrit, quand on créé, quand on est artiste, c’est qu’on a « une vision ». C’est aussi un homme qui travaille énormément ».
Dans « David Hockney. A Chronology », Hans Werner Holzwarth passe au scanner l’œuvre du peintre, ses thématiques, son évolution- cet art pictural tout en liberté et passion, cet art qui, en 2018, a fait de lui le recordman des artistes vivants avec une toile vendue 90,3 millions de dollars (environ 75 millions d’euros) chez Christie’s à New York. Achevé en mai 1972 et aussi iconique que « A Bigger Splash » (1967), le tableau de 2,13 m sur 3,05 m, « Portrait of an Artist (Pool with two figures) » a détrôné « Balloon Dog (Orange) » de Jeff Koons, vendu 58,4 millions de dollars (environ 48 millions d’euros) en 2013… Mais rien des 90,3 millions de dollars de la vente n’est allé à David Hockney : en 1972, il avait vendu le tableau pour à peine plus de 20 000 dollars. De son côté, Alex Rotter, le co-président de l’art contemporain, confiera, après la vente-record : « J’espère qu’il est heureux et satisfait. Mais c’est un artiste. Il n’a pas besoin qu’on lui dise qu’il est formidable. Il le sait ».
En avril 2010, David Hockney– tenu pour l’un des maîtres du pop art, achète un des premiers iPads- « parce que l’écran est bien plus grand que celui du téléphone. J’ai conseillé à mes amis d’en acheter également, ainsi je peux leur envoyer mes dessins », rapporte Hans Werner Holzwarth dans « David Hockney. A Chronology »… Et puis, une nouvelle vie pour le résident de Los Angeles : en 2019, il visite le Musée de Bayeux en Normandie, il est venu y revoir la célébrissime Tapisserie- lui vient alors l’idée de quitter la Californie pour venir s’installer dans la campagne normande et d’y peindre l’arrivée du printemps.
Il acquiert une maison à colombages à Beuvron-en-Auge (Calvados), un village de 191 habitants, y passe le confinement lié à la Covid-19 avec ses deux assistants, Jean-Pierre et Jonathan, et de son petit chien Ruby, et peint pas moins de cent dix tableaux. Sur le premier réalisé sur une tablette graphique, quatre jonquilles sur un tapis d’herbe vert tendre- titré « Do remember they can’t cancel the spring » (en VF : » Souvenez-vous bien qu’ils ne peuvent annuler le printemps »).
Il y a aussi « The Entrance », tableau magnifiant l’art figuratif avec cette route mauve bordée de pommiers et menant à une maison à colombages… Peintre star des piscines et jeunes gens aussi attirants que broyés par les chagrins d’amour, Hockney s’est, à 83 ans, mué en « gentleman farmer » de la peinture.
Et, émerveillé par le miracle de l’éternel recommencement qu’offre la nature, il confie : » Comme des idiots, nous avons perdu notre lien avec la nature alors même que nous en faisons pleinement partie. Tout cela se terminera un jour. Alors, quelles leçons saurons-nous en tirer ? J’ai 83 ans, je vais mourir. On meurt parce qu’on naît. Les seules choses qui importent dans la vie, ce sont la nourriture et l’amour, dans cet ordre, et aussi notre petit chien Ruby. J’y crois sincèrement, et pour moi, la source de l’art se trouve dans l’amour. J’aime la vie « …
Serge Bressan
- A lire :« David Hockney. A Chronology » de David Hockney et Hans Werner Holzwarth. Taschen, 516 pages, 20 €
- A voir : Exposition « David Hockney Collection de la Tate ». Musée Granet, Place Saint Jean de Malte 13100 Aix-en-Provence. Jusqu’au 28 mai 2023.