[ON Y ETAIT] Le mois de juillet à Avignon nous offre la possibilité d’assister à quelques pièces du In et à explorer la multitude des propositions du Off en prenant le parti de la surprise et de la diversité. Ces premiers spectacles du Festival d’Avignon nous font naviguer dans les univers d’artistes dont les imaginaires permettent des découvertes surprenantes et parfois d’infinies émotions. On peut y affronter les réalités les plus dures comme les rêveries les plus folles.
La dure réalité que vivent bien des femmes est présentée par Clarisse Fontaine dans « Cette petite musique que personne n’entend », mis en scène par Joey Starr. Le rappeur a été condamné pour violences conjugales dont il se sent toujours coupable. Mais il veut maintenant contribuer à sa façon au changement des mentalités et c’est pourquoi il a accepté de soutenir le projet de Clarisse Fontaine. Seule en scène au Théâtre du Balcon, elle raconte ses hommes et ses douleurs avec beaucoup d’émotion et l’appui de vidéos avec qui elle engage des échanges. La scène nous montre la triste réalité de la condition de beaucoup de femmes d’aujourd’hui.
« Le Jardin des Délices »
Au plus loin du réalisme, Philippe Quesne occupe La carrière de Boulbon que le festival avait abandonnée ces dernières années. Son « Jardin des délices » s’inspire, nous dit-on, du tableau de Jérôme Bosch. Quand on a eu l’occasion d’admirer cette œuvre au musée du Prado à Madrid et d’en garder un souvenir inoubliable, il n’est pas facile de faire le lien entre le spectacle et cette œuvre, hormis quelques scènes qui évoquent clairement le travail du peintre.
Philippe Quesne occupe l’espace de la carrière avec ses acteurs et propose un spectacle qui peut laisser perplexe. Mais pour le metteur en scène c’est la carrière elle-même qui est le personnage principal de ce spectacle et il a effectivement réussi à redonner vie pleinement à une lieu que le Festival pourrait occuper à nouveau plus souvent.
« Les amoureux de Molière »
Après le théâtre de l’absurde on prend plaisir à retrouver Molière à La condition des soies, dans ce spectacle complètement dingue de la compagnie des Mauvais élèves qui s’étaient déjà attaqués, à leur façon, à Shakespeare et quelques autres grands noms du théâtre.
Soutenus très activement à leurs débuts par le duo d’humoristes Shirley et Dino, toujours toujours à leurs côtés cette année, ils ont maintenant l’essentiel de la responsabilité de leurs créations, une œuvre collective qui construit une histoire rocambolesque en piochant dans les plus grands textes de Molière pour en extraire des personnages et des situations et en tirer un patchwork loufoque agrémenté de quelques chansons très kitschs des années 70. On rit beaucoup et on prend plaisir à retrouver Molière, toujours aussi vivant, et un public chaleureux et enthousiaste qui suit désormais avec fidélité cette belle troupe.
Alissa Wenz
Enfin on peut conclure en poésie ce premier parcours dans la diversité du Off. On l’a fait en chanson avec Alissa Wenz qui était à l’Arrache Coeur jusqu’au 15 juillet, ce haut lieu des auteurs-compositeurs-interprètes de la chanson française. Alissa Wenz est chanteuse et romancière et elle écrit des textes d’une grande force, parfois autobiographiques.
Elle évoque les douleurs d’un élève de collège dans un environnement trop violent, la paille qu’envoyait les marins partis à Terreneuve, le geste d’amour de ceux qui ne savaient pas écrire. Dans une belle filiation avec Barbara elle raconte deux femmes qui se déchirent pour un homme. Et elle chante sa Bretagne natale où l’ont dit souvent qu’il fait beau trois fois par jour, une image qui décrit aussi la vie agitée des sentiments amoureux qu’interprète si bien Alissa Wenz.
Yves Le Pape