la chanson de roland jean lambert wild
"La Chanson de Roland" : Jean lambert-wild aux côtés de l'ânesse "Chipie de Brocéliande" et Aimée Lambert-wild (photo) Tristan Jeanne-Valès

Interview. Rencontre avec l’acteur Jean Lambert-wild, qui se glisse à nouveau dans les habits du clown Gramblanc pour mieux revenir aux source de la poésie épique avec « La Chanson de Roland ». Un récit mille fois chanté et un texte fondateur de la littérature française, qui retrouve ici son lustre et sa vitalité originelle grâce à une nouvelle traduction respectant le décasyllabe. Un spectacle tout public à découvrir au Grrranit, Scène nationale de Belfort, avec la reprise également de « Vitalis Coloris », un seul en scène sur l’absurdité dans lequel l’artiste se transforme en génial barbouilleur de la vie. 


Théâtre. Jean Lambert-wild, héros ludique de « La Chanson de Roland »


Décidément, le clown Gramblanc incarné par Jean Lambert-wild, ne manque pas d’imagination. Le voilà de nouveau en piste pour un retour aux sources de la poésie épique dans «La Chanson de Roland ». Une pièce au ressort chevaleresque, où il est Turold, l’écuyer de Roland racontant le quotidien de « La Bataille de Roncevaux », une des trois parties de ce récit non historique écrit au XIè siècle.

Jean Lambert-wild, aux côtés de Aimée Lambert-Wild et de Vincent Desprez, y est accompagné sur scène par l’ânesse joueuse «Chipie de Broceliande», qui met en joie les enfants.

Une façon ludique de revisiter ce texte fondateur de la littérature française, qu’il a entièrement retraduit avec la complicité de Marc Goldberg et de Catherine Lefeuvre, en mettant en avant le décasyllabe d’origine (vers en dix syllabes), qui lui confère une énergie nouvelle. Un spectacle tout public, dont la première aura lieu au Grrranit, Scène Nationale de Belfort, les 7 et 8 décembre, avec en prime la reprise de « Coloris Vitalis », un seul en scène haut en couleur sur l’absurdité, qu’il jouera les 7 et 9 décembre.

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« La Chanson de Roland » : Jean Lambert-wild (photo) Tristan Jeanne-Valès

Vous dites qu’il est grand temps de sortir « La Chanson de Roland » des bibliothèques médiévales, de convoquer à nouveau sa vitalité originelle. En quoi est-ce important de faire revivre ce récit aujourd’hui sur scène?

Jean Lambert-wild : Tout simplement, parce que c’est un texte magnifique, l’un des plus beaux qu’il m’ait été donné de lire. Le texte originel du 11è siècle est illisible, car en vieux français. Cela a été un gros travail de traduction qu’on a fait avec Marc Goldberg. Les traductions qui furent faites, ne respectaient pas une chose essentielle: le décasyllabe, les assonances, les résonances et les rimes. Du coup, on perd quelque chose dans l’organisation du texte.

Cette nouvelle traduction nous a demandé un an de travail. On a retraduit les trois grandes parties du livre « La Chanson de Roland » : « La trahison de Ganelon », « La bataille de Roncevaux » et « La vengeance de Charlemagne ». Là, ce que nous présentons dans la version théâtrale, c’est une adaptation de notre traduction de « La bataille de Roncevaux », pour que cela tienne dans un format d’une heure, respectant le temps des enfants, qui me semblait important.

Le décasyllabe permet une dynamique, comme un procédé cinématographique, et du coup la langue, même si elle peut paraître complexe, passe dans son énergie, son intelligence, son épique. C’est bouleversant d’écriture, de sensibilité. Ce texte, qui est un des fondements de la littérature française, il est paradoxale qu’il soit encore enseigné à l’école et qu’on en ai perdu sa vitalité.



Vous jouez Turold, l’écuyer qui raconte la vaillance, la démesure de Roland et sa mort sur le champ de bataille de Roncevaux. En tant que clown « Gramblanc », comment avez-vous abordé ce rôle ?

Jean Lambert-wild : Pour moi, la chanson de geste se traduit par de l’art oratoire et un rapport au corps particulier, où tel signe de main prend toute son importance. Je m’inspire pour cela de tableaux ou statuaires que l’on peut retrouver dans les cathédrales et ailleurs, où il y a ces gestes très singuliers qui font signe. Ce personnage, qui apparaît sur la tapisserie de Bayeux, on pense qu’il a été l’écuyer de Roland et qu’il a chanté cette chanson.

J’incarne Turold racontant la bataille de Roncevaux, accompagné sur scène par l’ânesse « Chipie de Brocéliande », qui est la vedette. C’est la vraie Sarah Bernhardt des équidés (rires). Elle symbolise l’esprit et aide à comprendre que les hommes ne sont pas si importants que cela dans leur folie. Sans elle, je serais dans une solitude inutile. Quand on la voit arriver avec ses ailes, il y a un voyage et une rêverie qui deviennent possibles. Cela me permet de retrouver une des traditions des clowns blancs qui travaillaient avec des animaux. Pour les enfants, c’est très important. Elle devient un vecteur de l’écoute pour créer une attention du public.



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« La Chanson de Roland » : Jean Lambert-wild (photo) Tristan Jeanne-Valès

La mise en scène repose sur l’humour et l’esthétique poétique du cirque. Pourquoi ce choix ?

Jean Lambert-wild : Pour moi, on fait appel à une tradition populaire, où le cirque, le théâtre, le clown blanc ont leur place. Il s’agit d’être précis sur les signes et les symboles et d’être dans une clarté d’exécution. Je pense que les gens aujourd’hui, ont besoin de couleur et de vivacité. Je suis très influencé par la bande dessinée. Je dirais qu’il y a un côté très Epinal dans les images. Ça ne correspond pas du tout à une esthétique de la modernité, mais je ne suis pas certain que la modernité soit contemporaine.

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« La Chanson de Roland » de Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra & Marc Goldberg (photo) Tristan Jeanne-Valès

Roland est un des héros fondateur de l’Europe, confiez-vous. En quoi résonne-t-il avec notre époque ?

Jean Lambert-wild : Cela résonne sur un principe chevaleresque, c’est-à-dire qu’est qu’être vaillant ? Il faut être vertueux dans ce qui nous entraîne. Pour moi, c’est une chose qu’il ne faut jamais oublier. Il n’y pas les bons et les méchants, mais un affrontement de vaillance. Ensuite, il y a la condamnation en sous-texte de ce qu’est la guerre, qui est une folie. Si on n’est pas attentif au désordre qu’elle créée, on y retournera toujours. Cela fait longtemps que je le dis, la guerre est à nos portes. On n’a jamais eu autant de tensions à nos frontières. Le personnage Olivier a cette phrase essentielle : une condamnation de l’hubris. « La bataille de Roncevaux », c’est une dialectique, à la fureur de Roland répond la sagesse d’Olivier. Et ça, c’est extrêmement important.

Entretien réalisé par Victor Hache

  • A voir : « La Chanson de Roland », spectacle de Jean Lambert-wild, Lorenzo Malaguerra & Marc Goldberg. Le 7 et le 8 décembre à 14h15 et 19h00 au «Grrranit» , Scène Nationale – 1 Fbg de Montbéliard, 90000 Belfort. En tournée à partir de mars 2022 (Maubeuge, Bayonne, Vannes, Haras de Hennebont…) et du 2 au 19 juin au Théâtre de la Tempête, à Paris.
  • « Coloris Vitalis », le 7 à 14 h00 0 La Maison d’Arrêt de Belfort et le 7 et 9 décembre à 20h00 au « Grrranit » – Belfort

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