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Alasdair Mckenzie : A 19 ans, le jeune alpiniste franco-écossais a déjà gravi 13 des plus hautes montagnes du monde dans l'Himalaya, dont les sommets culminent à plus de 8000 mètres d’altitude. (c) R. Johnston / Newsline Media

Evasion. A 19 ans, le jeune alpiniste franco-écossais Alasdair McKenzie a déjà gravi treize des plus hautes montagnes du monde, dont les sommets culminent à plus de 8000 mètres d’altitude. A l’image du Cho Oyu dans l’Himalaya dont il vient de réussir l’ascension le 7 juin en ouvrant une voie nouvelle d’accès, un véritable exploit. Son objectif est maintenant de franchir son 14e géant himalayen, le Shishapangma au Tibet à l’automne. Rencontre avec un héros des temps modernes, un passionné de haute montagne qui a toujours cru en ses rêves.

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Alasdair Mckenzie est né à Lorient en Bretagne et a grandi à Tignes en Savoie (c) DR

Sportif aguerri, amoureux de montagne et d’une maturité impressionnante pour son jeune âge, Alasdair McKenzie est un véritable héros des temps modernes. A 19 ans, il a déjà réalisé l’ascension des plus hautes montagnes du monde. Soit treize massifs de plus de 8000 mètres au Népal et au Pakistan, dont les mythiques Everest et Annapurna. Un exploit extraordinaire quand on sait la somme d’efforts qu’il faut pour réussir à grimper sur ces hauts sommets qui demandent des sacrifices énormes pour arriver à fièrement poser sur le toit du monde.

Le 7 juin dernier, le jeune montagnard né à Lorient (Morbihan), qui a grandi et a appris le ski de compétition à Tignes (Savoie) en dévalant les pentes du Mont-Blanc, est parvenu à ajouter un nouveau trophée à son palmarès en réussissant l’ascension du Cho Oyu dans l’Himalaya, qui culmine à 8188m. Avec ses six sherpas, non seulement il a réussi à vaincre cette terrible montagne, mais il a ouvert une voie nouvelle d’accès, là où les précédentes expéditions avaient toutes échouées.

L’objectif du jeune alpiniste franco-écossais est maintenant de franchir son 14e géant himalayen, le Shishapangma au Tibet. Un projet prévu pour l’automne 2024. Une aventure humaine passionnante que nous raconte cet amoureux de la montagne, qui entend montrer aux jeunes générations qu’il ne faut jamais renoncer à ses rêves et que tout est possible si on croit en soi et à ses projets.

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Alasdair Mckenzie : (c) R. Johnston / Newsline Media

Vous revenez de l’ascension du Cho Oyu au Népal, que vous avez gravi en ouvrant une voie nouvelle d’accès. C’est un véritable exploit !

Alasdair Mckenzie : C’est une montagne très abrupte. Cette route a été tentée 4 fois avant moi. Ces quatre expéditions n’ont pas réussi, elles étaient toujours bloquées à 7400 mètres l’altitude. On a décidé de faire autrement. J’avais six sherpas avec moi et on est parti au printemps. On s’est dit, c’est à côté de l’Everest et va essayer de profiter de fenêtres météo favorable. Sur la dernière partie, on a regardé sur Google Earth et j’ai imaginé la route en en essayant de passer par un couloir. On a regardé tous les aspects météorologiques et c’est moi qui prenait les décisions pour pouvoir monter. Heureusement que mon équipe avait confiance dans mon jugement. Ils m’ont fait confiance et au final, on a réussi à ouvrir cette route. On est parti du camp de base jusqu’au camp 3 directement en faisant 1900 mètres de dénivelé. On a dormi une nuit et après on a fait 17 heures non-stop jusqu’au sommet en fixant la route.

Cela doit être un expérience physiquement très dure…

Alasdair Mckenzie : Vu de l’extérieur peut-être, mais pour moi, c’est différent. L’année dernière, j’ai fait 5 sommets en 26 jours et parfois, je ne dormais pas pendant 36 heures. Je savais que c’était faisable physiquement et que mon équipe allait me suivre jusqu’au bout pour l’ascension du Cho Oyu.

A 19 ans vous avez déjà gravi 13 sommets de plus de 8000 mètres. Comment décide-t-on de se lancer dans une telle aventure ?

Alasdair Mckenzie : Quand j’ai arrêté le ski alpin, j’avais 16 ans. Je l’ai fait parce que la montagne me manquait. Mon coach m’a dit de faire un choix entre la montagne et le ski. Quand on est en montagne, on ne pense plus à grand-chose et c’est cela qui me passionne. Après voir fait beaucoup de sommets de 4000 mètres dans les Alpes, je voulais réaliser cette étape d’aller voir comment c’était plus haut. Du coup, j’ai décidé de faire un 6000 et un 7000 mètres, mais on n’a pas réussi les sommets. On a dû renoncer parce que c’était trop dangereux. Il faut mesurer les risques et savoir renoncer pour mieux revenir. Quand je suis arrivé au Népal pour la première fois, je suis tombé amoureux de ce pays et de cette communauté des sherpas qui en fait n’avaient rien et essaient de donner tout.  C’est cela que j’ai adoré et qui fait que j’essaie de les aider le plus possible.

Vous pourriez vivre là-bas ?

Alasdair Mckenzie : On ne va pas se mentir, je suis français et j’aime trop le pain pour pouvoir vivre là-bas toute l’année ! hahaha. Je trouve que 8 mois à l’étranger, c’est déjà pas mal ! hahaha. En fait, j’ai aimé ce pays et je m’étais promis de faire mon premier 8000 mètres avant mes 18 ans. Mon choix est tombé sur le Lhotse (8516m) en 2022 et le 15 mai j’ai réussi à gravir le sommet.

Je me sentais bien physiquement et mentalement et 9 jours après, je me suis  retrouvé sur le Makalu (8485m). A partir de là, j’ai pensé que je pouvais faire les 14 sommets de plus de 8000m rapidement.

En 2023, j’en ai fait dix en six mois, dont les plus durs au monde , l’Anapurna, l’Everest, le Kanchjounga au Népal. Ensuite, il y a eu tous les 8000 mètres du Pakistan. On a commencé par le Nanga Parbat, le Gasherbrum 1 et 2, le Broadpeak, le K2, le Manaslu et le Dhaulagiri. Sur ces 11 jours, je n’ai vraiment pas beaucoup dormi ! J’ai beaucoup couru et marché entre les camps de base, je montais, je redescendais très vite car je voulais que le projet soit le plus écologique possible. Et on se pressait à cause des fenêtres météo.

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Alasdair Mckenzie (au centre) et ses sherpas (c) DR

Des conditions météorologiques qu’on imagine très éprouvantes en haute montagne…

Alasdair Mckenzie : Elles peuvent être très difficiles. Je me suis retrouvé parfois avec 70 km de vent et un brouillard qui nous bloquait sur place pendant trois heures assis dans la neige, à devoir baisser le débit de ma réserve d’oxygène pour respirer le plus longtemps possible, et des températures à moins 40/50 degrés.



À partir de quelle altitude le manque d’oxygène se fait sentir ?

Alasdair Mckenzie : Cela dépend des personnes et comment le corps réagit à l’altitude. Personnellement je commence à sentir mon corps ralentir vraiment à partir de 7300  mètres d’altitude. Nous, on met l’oxygène à partir de 7500/600 mètres. Il y a des alpinistes qui grimpent sans oxygène, d’autres qui le font avec oxygène. Le manque d’oxygène à ces hauteurs a un réel impact sur le corps. J’ai des amis qui l’ont fait sans oxygène, mais le problème, c’est qu’ils ne se souviennent pas du tout de l’ascension, du sommet, ni de la descente. La seule preuve qu’ils ont qu’ils sont arrivés au sommet, c’est la photo. Quand j’ai entendu cela j’avais 17 ans et je me suis dit que je n’avais pas envie d’avoir la moitié de mon cerveau à 25 ans. Du coup, j’utilise des bouteilles d’oxygène et je ne m’en cache pas.

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Alasdair Mckenzie :  » Le plus important ce n’est pas de prouver aux autres que je suis capable, c’est d’essayer d’inspirer le plus de personnes à croire en eux. » (c) DR

Vous portez aussi des chaussettes chauffantes pour plus de confort et vous protéger du froid…

Alasdair Mckenzie : J’ai un de mes sponsors « Therm-ic » qui m’équipe très bien. J’ai des gants chauffants et des chaussettes chauffantes. Pour moi, ce n’est pas du confort, c’est une nécessité là-haut surtout qu’en expédition on dort vraiment très peu. Et quand le corps est fatigué le sang circule moins et sur les extrémités à 8000 mètres, on risque les engelures. Pour le poids des sacs à dos (35kg), tout est optimisé. Du coup, on ne garde que l’essentiel, dont les batteries que l’on charge au camp de base grâce à des panneaux solaires.

En quoi est-ce important d’avoir un projet qui minimise l’impact écologique ?

Alasdair Mckenzie : L’écologie pour moi, c’est primordial. On est dans un environnement qui est très beau, mais il y a eu et il y a toujours beaucoup de déchets. C’est pourquoi j’ai voulu faire le projet le plus propre possible. Du coup, on descend nos déchets ainsi que les déchets des autres, des précédentes expéditions. Et en plus de cela, on fait une compensation carbone de tous les moyens de transport qu’on a utilisé, avions, jeep, cars etc…pour essayer de minimiser notre impact écologique. Les distances parcourues sont calculées par des sites spécialisés et ensuite on fait une donation à une association française qui plante des arbres.

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Le Cho Oyu culmine à 8188 mètres (c) DR

Que ressent-on au moment de l’arrivée au sommet ?

Alasdair Mckenzie : Un soulagement et de la joie. On prend la photo et on se dit qu’on a réussi. Être là avec son équipe, c’est juste magnifique ! J’ai remercié directement tous mes sherpas de m’avoir fait confiance. J’adore cette sensation, mais après on sait qu’on n’a fait que 50% du travail et qu’il faut redescendre sans accident. La montée a durée trois jours et pour redescendre du sommet du Cho Oyu, on a mis 24 heures parce qu’on enlevait tout le matériel, les tentes, les déchets etc… On essaie de minimiser notre impact sur la montagne en laissant juste les cordes.

Quel projet avez-vous pour votre 14e 8000m ?

Alasdair Mckenzie : Ce sera le Shishapangma au Tibet, j’espère le faire en septembre/octobre. Il faut juste qu’ils nous laissent entrer moi et mon équipe et on fixera la montagne sans problème. C’est un des moins difficiles, le seul truc, c’est qu’il y a beaucoup d’avalanches.

Au-delà de l’exploit sportif, que voulez montrer aux jeunes génération ?

Alasdair Mckenzie : Ce que je veux, c’est montrer aux jeunes que tout est possible, si on croit. Moi, au début, on me disait que ce n’était pas possible. Pourtant l’année dernière, on a gravi dix sommets en six mois. Là, on a ouvert cette nouvelle route alors que tout le monde me disait qu’on n’y arriverait pas. Je veux également vraiment montrer que la communauté sherpas est là et qu’elle est essentielle. Beaucoup d’alpinistes les cachent et essaient de dire qu’ils y arrivent tout seuls. Moi, je dis que j’utilise de l’oxygène et que j’ai des sherpas. J’en suis très fier et sans eux et mon équipe, je n’aurais pas réussi le Cho Oyu. Au-delà de ça, je veux monter aux jeunes que si on croit en ses rêves, que l’on travaille dur et que l’on fait les sacrifices nécessaires, on peut le faire. Le plus important ce n’est pas de prouver aux autres que je suis capable, c’est d’essayer d’inspirer le plus de personnes à croire en eux.

Entretien réalisé par Victor Hache

 

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