Le chanteur Dominique A sort deux albums, le très beau Toute latitude, aux textures rock-électro, et la Fragilité, disque acoustique prévu cet automne. Un voyage entre maximalisme sonore et intimisme, avant son concert à la Philharmonie de Paris en avril.
Toute latitude est un album aux sonorités rock-électro. Qu’est-ce qui vous a poussé vers cette direction ?
Dominique A Je n’avais pas prévu de faire un disque aussi électronique. Je suis parti dans ce double projet Toute latitude et l’album la Fragilité, qui sortira en octobre. Pour moi ce sont deux versants d’un même travail avec des sonorités différentes. Autant, pour le deuxième, je voulais un disque fait en autarcie avec des guitares acoustiques, pour Latitude je voulais des chansons qui soient axées surtout sur les rythmiques, et c’est vrai qu’on a gardé beaucoup de sons électroniques préprogrammés. Ce n’est pas la première fois que je travaille avec des machines. C’était déjà le cas pour mon premier disque, la Fossette, que j’avais fait avec un petit synthé et une boîte à rythmes incorporée, même si c’était plus minimal.
Deux albums à six mois d’intervalle, vous êtes prolifique !
Dominique A L’insatisfaction est un bon moteur à la création. On est perpétuellement en quête de… Il y a le plaisir de faire les choses, l’ennui aussi d’être chez soi et de se retrouver bras ballants quand la tournée est finie. Quand je sens un truc bouillonner en moi, j’ai besoin de m’y recoller, d’explorer d’autres univers. Quand je pars à l’étranger en vacances, souvent je m’ennuie un peu, du coup, je gamberge et je reviens chez moi avec deux ou trois chansons qui sont possiblement des déclencheurs. Je suis un garçon un peu nerveux, suractif ! (Rires.)
Comment êtes-vous venu à la musique ?
Dominique A Grâce aux artistes que j’écoutais à la maison. Brel, Ferrat et Ferré. C’était aussi les feuilletons que je regardais et les mélodies des génériques des années 1970 qui étaient souvent en accord mineur. C’était triste et nostalgique. Gamin, ça me parlait. Ça me renvoyait à la ville de Provins, où j’étais, à cette ambiance de province un peu confite. À l’âge de 6-9 ans, nous étions avec mes parents dans un village isolé. Enfant unique, j’avais peu de copains, j’étais livré à moi-même. Pour ne pas m’ennuyer, je me suis tourné vers le dessin, la musique qui a pris le dessus à l’adolescence. Et ça ne s’est jamais arrêté.
Toute Latitude, que révèle-t-il de vous, au fond ?
Dominique A Une perméabilité plus franche à l’air du temps, au monde. Je me défends moins d’injecter dans mes chansons des choses contemporaines. C’est un rapport au monde plus frontal, volontaire. J’aborde les thèmes de la guerre (la Clairière, le Ruban sur la Fragilité), de l’environnement (Se décentrer), une manière de parler, sans être végétarien, d’un thème qui m’est cher, la cause animale, et de notre comportement par rapport aux animaux. Il y a la Mort d’un oiseau, une façon de dire qu’aucune mort n’est recevable, des chansons sur la ruralité (Corps de ferme à l’abandon, Désert d’hiver)… J’avais envie de mettre en sourdine la forme métaphorique pour être plus direct. Peut-être que ça vient du fait d’être impliqué dans le collectif d’artistes Des liens, pour que les gens en situation de précarité puissent venir dans les salles de spectacle. Il y a des artistes comme Romain Humeau, Mendelson, la Grande Sophie… On fait des actions avec des structures sociales, des travailleurs sociaux. Être en contact avec des réalités, des vécus, ça donne envie de parler de choses qui sont concrètes.
Vingt-cinq ans après vos débuts, quel regard portez-vous sur votre parcours ?
Dominique A Malgré l’insatisfaction, je suis heureux ! (Rires.) C’est magnifique de ressentir de bonnes vibrations autour de soi avec un public intéressé. Il y a eu un moment de creux dans mon parcours, vers la fin des années 1990 avec un disque très noir, Remué. Avec l’album Auguri, j’ai repris pied dans l’idée d’une trajectoire qui serait sur le long terme et non plus une succession de points finaux. Pour moi, chaque album était le dernier. Vers 31 ans, je me suis dit : « Assume et arrête de craindre l’échec. » Je dois beaucoup à mon entourage qui m’a aidé à construire mon histoire.