Le chanteur Cali revient avec « Seuls les enfants savent aimer ». Un premier roman émouvant, où il évoque son enfance et sa mère décédée lorsqu’il avait 6 ans.
Pourquoi dites-vous que «seuls les enfants savent aimer» ?
Cali:Parce que cela me plaît de penser que l’amour dans sa pureté, c’est quand on arrive à enlever tous les dédales, toutes les saloperies et qu’on redevient un môme. C’est là qu’on est complètement inconscient et fou, même quand on a 80 ans.
C’est un roman où vous revenez sur votre enfance, sur votre mère que vous avez perdue à l’âge de 6 ans. Pourquoi avoir ressenti le besoin de parler de cette période assez sombre ?
Cali:Les chanteurs, on le sait, ont un ego pas possible. J’ai besoin de me faire du bien en écrivant des chansons sur moi. J’ai beaucoup parlé à mes sœurs, en famille, où il y avait ces non-dits quand ils ont brûlé les affaires de ma mère, que j’évoque dans mon livre. J’avais ces souvenirs d’un môme de 6 ans. Un jour, une femme est venue me voir me disant qu’elle aimerait bien lire mon histoire. Ça m’a donné envie de le faire. J’ai démarré par le premier souvenir, l’enterrement de ma mère que je vois passer devant ma fenêtre à travers les volets, la famille m’ayant interdit d’aller aux obsèques pour me préserver. Et les souvenirs se sont agrippés les uns aux autres. J’ai écrit en romançant. C’est ma vision d’enfant de 6 ans, peu importe la vérité.
Votre mère était institutrice à Vernet-les-Bains. Quelle image gardez-vous d’elle ?
Cali: J’ai le souvenir de sa voix qui me dit au revoir au moment où elle va mourir. J’ai le souvenir que les gens avaient d’elle et de mon père, de ce couple incroyable, amoureux, fou. On ne se remet pas de la mort de celle qui vous a mis au monde. C’est une blessure parce que c’était trop tôt. En même temps, c’est une construction. Mon père est mort assez jeune aussi. J’étais souvent livré à moi-même. Le fait de partir sur la route chercher de l’amour, de faire chanteur, je pense que c’est lié. Si ma mère, mon père avaient été là, si j’avais été couvé, j’aurais suivi sûrement un autre chemin. Quand je pense à l’accident de bus et de train qui a eu lieu récemment à côté de chez moi, on se dit que, quand on perd un enfant, c’est l’abîme. C’est fini. Moi, j’ai toujours ce caillou dans la chaussure, mais je peux continuer à marcher.
Vous évoquez aussi Alec, un garçon de votre âge pour qui vous aviez une grande tendresse…
Cali: Oui. Mais, dans le roman, il y a aussi Carol Bobé. À cet âge-là, ce n’est pas fille ou garçon. On ne se pose pas ces questions, on aime. Aujourd’hui, je suis parrain de son fils. On a vécu nos vies et quand on se retrouve, on sait que, depuis tout petit, on est là. En écrivant pendant la tournée sur les routes, c’est comme si j’avais ouvert une petite boîte et tous les souvenirs sont sortis très vite. Ça me faisait un bien fou. Il y a eu des moments pas évidents. Carol Bobé est décédée l’an dernier. J’étais avec elle sur la fin de ses jours. Je lui ai dit : « Il faut que tu tiennes parce que je suis en train d’écrire un truc sur toi » et elle est partie le jour où j’ai envoyé le manuscrit au Cherche-Midi.
Tous ces moments de votre enfance sont à la fois heureux et douloureux. Diriez-vous qu’ils vous ont aidé à grandir et à devenir l’artiste, l’homme que vous êtes ?
Cali: Je pense que la résilience est là. Encore une fois, ce métier, je le fais parce que j’ai besoin d’amour. Sur scène, on reçoit des choses fortes. Ma relation avec les femmes, mes amis, ma famille, c’est un besoin d’amour total. C’est lié. Cela m’aide beaucoup en tant que père. Aujourd’hui, je dis peut-être mille fois plus je t’aime qu’un autre, peut-être parce qu’on ne me l’a pas dit assez durant cette période.