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"Les Bonnes étoiles" : Sang-hyun (Song Kang-ho, à droite) et son fils adoptif Dong-soo (Gang Dong-won) tentent de trouver des parents au bébé de Su-jin (Lee Ji-eun, à gauche), qui ne veut pas l'élever (©Metropolitan Film Export).

Sortie cinéma. En 2018, le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda remportait la Palme d’or du Festival de Cannes pour son film « Une Affaire de Famille ». Quatre ans après, son dernier film « Les Bonnes étoiles » (sur les écrans ce mercredi 7 décembre), sensible et attachant, pourrait porter le même titre car il s’intéresse aussi aux relations familiales et à la bonté des gens ordinaires qui essayent d’aider les autres.


« Les Bonnes étoiles » : un film sur la famille, les couples en mal d’enfants, l’adoption, l’avortement, la culpabilité, le pardon, la tolérance…


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« les Bonnes étoiles »: un film du cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda (c) Metropolitan/Films Export)

Mais cette fois-ci, l’histoire ne se passe pas au Japon mais en Corée du Sud voisine. C’est la première fois que le réalisateur japonais y tourne, avec des acteurs locaux.

À Busan, ville portuaire du sud-est du pays, par une nuit pluvieuse, une jeune femme abandonne son nouveau-né près d’une « boîte à bébés », installée à l’extérieur d’un orphelinat. Avant que les employés de l’établissement ne s’en aperçoivent, le bébé est récupéré illégalement par deux hommes.

Éviter l’orphelinat

Le premier est Sang-hyun (Song Kang-ho), un modeste tailleur d’une cinquantaine d’années, criblé de dettes; le second est son fils adoptif Dong-soo (Gang Dong-won), âgé d’une trentaine d’années, qui l’aide à subsister. Tous les deux adorent les enfants et se sont mis en tête d’éviter au bébé de finir dans un orphelinat (ce qui a été le cas de Dong-soo), en le vendant à un couple désireux de l’adopter.

Mais la jeune mère, Su-jin (Lee Ji-eun), une prostituée, refait surface et rencontre les deux hommes. Elle les traite de trafiquants mais, se sentant incapable d’élever correctement son enfant et de lui offrir une vie heureuse, accepte de les accompagner dans leur quête d’un couple de parents adopteurs.

Mini-famille hétéroclite

Et voici les deux hommes, la mère et l’enfant partis pour un périple à travers le pays, à bord d’un vieux van délabré, et bientôt accompagnés d’un petit orphelin de 8 ans rondouillard et malicieux, embarqué lors d’une halte à l’orphelinat dans lequel a grandi Dong-soo.

Mais tout ce petit monde –cette mini-famille hétéroclite– est suivi à la trace. D’abord par deux femmes policières spécialisées dans la lutte contre le trafic d’enfants. Et par de mystérieux tueurs à gages à la poursuite de la jeune mère…

Familles, je vous aime

« La famille est si complexe qu’elle ne peut être définie en un mot. Encore aujourd’hui  alors que je continue à faire des films, c’est une question que je me pose constamment », dit le réalisateur. La plupart de ses films parlent de ce sujet, notamment ceux présentés en compétition au Festival de Cannes et qui l’ont fait connaître en France: « Nobody Knows » (2004), « Tel Père, tel fils » (Prix du Jury en 2013) ou « Notre petite soeur » (2015), avant  » Une Affaire de famille » (2018).



« Les Bonnes étoiles » a lui aussi été présenté à Cannes en mai dernier et y a décroché le Prix d’interprétation pour Song Kang-ho, qui joue le rôle principal, Sang-hyun. L’acteur tenait également le premier rôle dans « Parasite », le film du réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho, première Palme d’or sud-coréenne en 2019.

Road movie sympathique et désinvolte

On remarque aussi dans « Les Bonnes étoiles » l’actrice sud-coréenne Bae Doo-na, qui tient le rôle d’une des deux femmes policières, un personnage qui prendra de l’importance au fil de l’histoire. Son visage n’est pas inconnu des spectateurs occidentaux: on l’a vue notamment dans « Cloud Atlas » aux côtés de Tom Hanks et plus récemment dans « #JeSuislà » avec Alain Chabat.

Sous la forme d’un road movie sympathique et désinvolte, avec une dose d’humour, « Les Bonnes étoiles » est une chronique familiale et intimiste doublée d’un suspense policier, un mélange pas toujours cohérent et au rythme inégal mais qui rend l’histoire intéressante de bout en bout.

Famille, adoption, avortement

On y tient des réflexions sur la famille, les couples en mal d’enfants, l’adoption, l’avortement, la culpabilité, le pardon, la tolérance, avant une demi-heure intense où le suspense et l’émotion se succèdent et s’entrechoquent. C’est à la fois drôle et mélancolique, touchant sans être apitoyant, très pudique, délicat –à l’image des dernières images du film.

Surtout, on s’attache aux personnages, âmes meurtries dont on découvre le passé au fil de l’histoire, notamment les deux trafiquants de bébés au grand cœur. « Quand je raconte des histoires un peu tragiques ou cruelles, j’ai besoin d’une forme de légèreté. Cela permet une respiration mais aussi d’aller plus en profondeur », explique le réalisateur dans le dernier numéro du mensuel Première. « C’est la raison pour laquelle, dans ce film, j’ai eu envie que le spectateur assiste à un acte d’humanité de mes deux protagonistes, pourtant supposés criminels, et de mettre en lumière cette générosité qu’on ne voit pas spontanément chez eux ».

« Les Bébés de la consigne automatique »

Même chose pour la jeune mère, personnage qu’on trouve peu crédible au début, passive et désabusée, un peu hors-sol, décidée à abandonner son enfant mais qui, au fil du voyage et en cachette des deux hommes, lui change ses couches, lui chante des berceuses, s’endort auprès de lui.

Le début du film n’est pas sans rappeler le début du formidable roman de 1980 Les Bébés de la consigne automatique (traduction Ed. Piquier, 1996), de l’écrivain Ryū Murakami, qui se déroule au Japon. « Dès le tournage de « Tel Père, Tel Fils », j’ai commencé à m’intéresser au phénomène des «boîtes de dépôt de bébés» et au sujet de l’adoption », explique le réalisateur. « Au Japon, je me suis familiarisé avec les «boîtes à bébé» à travers la lecture d’un livre, puis j’ai eu l’occasion d’approfondir le sujet lorsque j’ai travaillé sur une émission d’investigation qui traitait de ces questions. Au cours de mes recherches personnelles, j’ai ensuite découvert que des dispositifs similaires existaient en Corée et que, comparé au Japon, ils étaient plus fréquemment utilisés et débattus comme sujet de société ».

« Merci à toi d’être né »

Et en préparant « Les Bonnes étoiles », il a rencontré et interrogé plusieurs orphelins et enfants abandonnés qui, dit-il, « se posaient une question fondamentale de l’existence sans toutefois pouvoir y apporter de réponse claire: «Est-ce une bonne chose que je sois venu au monde?». (…) Quel film allai-je pouvoir offrir à ces enfants qui se battaient avec acharnement contre les voix intérieures et extérieures qui leur martelaient qu’ils n’auraient pas dû naître? C’est cette question qui fut en permanence au centre de mon travail ».

Il l’illustre en donnant à la jeune mère, vers la fin, la plus belle réplique de son film: « Merci à toi d’être né », dit-elle à chacun de ses quatre compagnons de voyage –les deux adultes Sang-hyun et Dong-soo, l’orphelin de 8 ans et son propre bébé. « Je voulais que le film puisse clairement signifier que chaque naissance compte, que chaque vie a sa place. En ce sens, « Les Bonnes étoiles » est un film sur «la vie» », conclut ainsi Hirokazu Kore-eda.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « Considérez-nous comme les bonnes étoiles qui veilleront sur votre précieux bébé » (Sang-hyun à la jeune mère, Su-jin).


  • A voir : « LES BONNES ÉTOILES » (« Beulokeo »/ »Broker ») (Japon/Corée du Sud, 2h09). Réalisation: Hirokazu Kore-eda. Avec Song Kang-ho, Gang Dong-won, Lee Ji-eun (Sortie 7 décembre 2022)
  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

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