les feuilles mortes
"Les feuilles mortes" : Ansa (Alma Pöysti), employée dans un supermarché, et Holappa (Jussi Vatanen), métallurgiste, sont deux âmes solitaires qui cherchent l'amour (©Sputnik/Diaphana Distribution).

Sortie cinéma. La vie sépare ceux qui s’aiment, tout doucement, sans faire de bruit. Mais elle les rapproche aussi, heureusement, parfois: c’est cette lueur d’espoir qu’entretient le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki dans son dernier film LES FEUILLES MORTES, sur les écrans ce mercredi 20 septembre.

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« Les feuilles mortes » : le 4e film de Aki Kaurismäki /Diaphana Distribution© Sputnik

Deux âmes solitaires vont ainsi se rencontrer et essayer de poursuivre leur chemin ensemble. Ansa (Alma Pöysti), employée dans un petit supermarché, vit seule dans son modeste mais coquet studio d’un quartier d’Helsinki. Son père et son frère sont morts d’alcoolisme, sa mère de chagrin.

Holappa (Jussi Vatanen), soudeur dans une usine, dort dans un conteneur avec d’autres ouvriers, finlandais ou immigrés. « J’aime bien la solitude », dit-il. Mais aussi l’alcool: il est déprimé, alors il boit régulièrement, pour oublier qu’il est déprimé.

Échange de regards

Un vendredi soir, son copain de travail et de dortoir l’emmène avec lui au bar-karaoké du coin. De son côté Ansa, pour tromper l’ennui, est venue avec une copine. Le copain drague la copine, Ansa et Holappa échangent des regards.

Cela pourrait s’arrêter là. Ansa est renvoyée de son supermarché pour avoir pris un sandwich périmé et trouve un nouvel emploi à la plonge dans un bar louche. Holappa continue de picoler, en solitaire ou avec son copain, et s’endort parfois, ivre, aux arrêts de bus.

Cinéma de quartier

Coup de pouce du destin, Ansa et Holappa se revoient par hasard. Ils prennent un café, puis se donnent rendez-vous devant un cinéma de quartier. Ils vont voir ensemble un film de zombies (THE DEAD DON’T DIE, de Jim Jarmusch) et, à la sortie, décident de se revoir.

Elle lui donne son numéro de téléphone sur un bout de papier (c’est la scène représentée sur l’affiche), lui promet de lui dire son nom la prochaine fois et lui fait une bise avant qu’ils se séparent. Mais le papier plié en quatre tombe de la veste d’Holappa sans qu’il s’en aperçoive et est emporté par le vent, comme une feuille morte, tout doucement, sans faire de bruit…

Prix du Jury à Cannes

Aki Kaurismäki, 67 ans, a obtenu pour ce film le Prix du Jury au dernier Festival de Cannes, 21 ans après avoir reçu le Grand Prix pour L’HOMME SANS PASSÉ (juste derrière la Palme d’or décernée au PIANISTE de Roman Polanski) ainsi que le Prix d’interprétation féminine pour son actrice Kati Outinen.



Après le succès, en France, de son film LE HAVRE en 2011, il n’avait réalisé que L’AUTRE CÔTÉ DE L’ESPOIR en 2017 et avait à l’époque annoncé qu’il arrêtait le cinéma, après une quinzaine de films depuis 1983. Mais il a changé d’avis et ses admirateurs ne s’en plaindront pas, tant ce nouveau film est dans le style de l’ensemble des précédents.

Humour pince-sans-rire

« Les feuilles mortes » est un film court (1h21), les élans de poésie et de tendresse y sont retenus, l’histoire est simple, les dialogues concis et sans emphase, et le jeu des acteurs toujours très sobre, voire minimaliste. Le style Kaurismäki, ce sont aussi des plans tournés en caméra fixe, des décors épurés (bars sombres, appartements exigus, meubles en formica, usines austères, chantiers, travail à la chaîne), des chansons tristes finlandaises en voix off ou dans les bars, et un humour pince-sans-rire qui enrobe cette atmosphère morose et mélancolique, parfois sombre et triste comme un dimanche soir d’hiver finlandais.

Dans la première partie du film, aucun sourire n’apparaît sur les visages des personnages, jusqu’à la rencontre entre Ansa et Holappa qui promet des jours meilleurs –aux personnages et aux spectateurs. La jeune femme adopte une petite chienne et la baptise Chaplin. On pense alors aux LUMIÈRES DE LA VILLE, le joli mélo social de 1931 d’un des réalisateurs préférés de Kaurismäki.

Hommage au cinéma

Celui-ci rend d’ailleurs hommage, tout au long du film, au bon vieux temps du cinéma avec des affiches de films anciens comme BRÈVE RENCONTRE, LE MÉPRIS, ROCCO ET SES FRÈRES, L’ARGENT, LOST CONTINENT, LE MASQUE DE FU MANCHU…

Mais, retour au présent, il ne manque pas, non plus, de dénoncer la guerre en Ukraine, à intervalles réguliers: à chaque fois qu’elle ouvre la radio, Ansa tombe sur un flash faisant état de frappes et d’attaques de la Russie, notamment le siège de Marioupol au printemps 2022.

Message humaniste

Faites l’amour, pas la guerre, et ne perdez pas l’espoir: c’est le message humaniste de ce joli film, qui a incité le réalisateur finlandais à sortir de sa retraite annoncée. Il s’en explique dans la note d’intention de son dossier de presse: « Même si j’ai acquis aujourd’hui une notoriété douteuse grâce à des films plutôt violents et inutiles, mon angoisse face à des guerres vaines et criminelles m’a enfin conduit à écrire une histoire sur ce qui pourrait offrir un avenir à l’humanité: le désir d’amour, la solidarité, le respect et l’espoir en l’autre, en la nature et dans tout ce qui est vivant ou mort et qui le mérite ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE « Celui qui n’a reçu que de l’amour froid ne peut offrir aucune lueur d’amour » (paroles d’une chanson finlandaise, en fond musical).


  • « LES FEUILLES MORTES » (« Kuolleet lehdet ») (Finlande, 1h21). Réalisation: Aki Kaurismäki. Avec Alma Pöysti, Jussi Vatanen, Janne Hyytiäinen (Sortie 20 septembre 2023)

cinégong logoRetrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong


 

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